Emploi : vers une chute des embauches de cadres à la fin 2023

Le nombre d'offres d'emplois des cadres a chuté brutalement en un an (-13%) selon l'Association pour l'emploi des cadres (APEC). Et les entreprises prévoient d'appuyer sur le frein des embauches dans les prochains mois. Malgré cette dégradation des perspectives, les tensions sur le marché du travail demeurent sensibles. Mais les cadres sont de plus en plus préoccupés par leur pouvoir d'achat et leur niveau de rémunération dans un contexte d'inflation persistante et de stagnation des salaires.
Grégoire Normand
Le quartier de la Défense à Paris.
Le quartier de la Défense à Paris. (Crédits : Reuters)

Le marché de l'emploi des cadres va-t-il s'assombrir en 2024 ? Après plusieurs années d'embellie, les entreprises ont décidé d'appuyer sur le frein des embauches au cours de l'année 2023. L'emploi des cadres résiste mais les signaux négatifs se multiplient. Dans son dernier baromètre dévoilé ce jeudi 9 novembre, l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) prévoit un fléchissement important pour la fin de l'année. « En 2023, on a ressenti un net ralentissement. On n'est toujours au-dessus du niveau d'avant-crise sanitaire mais il y a bien une diminution », a déclaré Gilles Gâteau, directeur de l'organisme, lors d'un point presse.

Le coup de frein de l'économie française, le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et l'inflation toujours élevée ont pu mettre à mal certains projets de recrutements. En effet, les embauches de cadres dépendent en grande partie des investissements dans les entreprises. Or, dans le contexte d'un durcissement des conditions financières et de la fin de « l'argent gratuit  », beaucoup de dirigeants ont marqué le pas sur les investissements. En revanche, il est encore difficile de mesurer à ce stade l'impact de la guerre entre Israël et le Hamas sur le marché du travail et, a fortiori, l'emploi des cadres. « Le baromètre a été réalisé avant le conflit au Proche-Orient. La baisse n'est pas un reflet de cet évènement là », a rappelé le responsable.

Lire aussiLe spectre de la récession menace la zone euro en 2024

Des prévisions d'embauche et des offres d'emplois en chute libre

Sur le front de l'emploi, la part des entreprises ayant l'intention de recruter dans les trois prochains mois a baissé de 4 points entre décembre 2022 et septembre 2023. Après avoir atteint un pic en fin d'année dernière (14%), la proportion d'entreprises n'a cessé de chuter au cours de l'année pour s'établir à 10 points de pourcentage. « Au quatrième trimestre, les entreprises prévoient de réduire la voilure de leurs recrutements de cadres  », a poursuivi Gilles Gâteau.

L'autre signal inquiétant est que les offres d'emplois publiées par l'APEC sont en chute libre entre le troisième trimestre 2022 et le troisième trimestre 2023 (-13%; 123.000). Elles sont certes bien au-dessus des niveaux enregistrés en 2020 (83.000) et 2019 (118.000), mais la baisse se confirme tout au long de l'année 2023 et concerne toutes les régions.

Chute spectaculaire des offres d'emploi en Ile-de-France

A l'échelle géographique, c'est d'abord l'Ile-de-France qui enregistre la baisse la plus spectaculaire du nombre d'offres d'emplois (-17%). Cette inflexion est d'autant plus impressionnante que « 40% des emplois de cadres sont concentrés en Ile-de-France », souligne Gilles Gateau. Viennent ensuite l'Occitanie et les Hauts-de-France marquées par des baisses comparables (-16%). À l'opposé, le Centre-Val-de-Loire (-7%), le Grand Est (-6%) et la Bourgogne-Franche-Comté (-5%) limitent la casse.

Comment expliquer de telles divergences ? Tout d'abord, l'Ile-de-France est une région qui compte un grand nombre de centres de décision et de sièges sociaux d'entreprises. A cela s'ajoute le poids du secteur des services dans l'économie qui est également très important dans la région francilienne. Ce qui peut contribuer à une surreprésentation des métiers de cadres. A l'opposé, la spécialisation industrielle dans quelques régions comme la Bourgogne-Franche-Comté peut réduire en proportion le nombre de postes de cadres.

Les tensions demeurent élevées

Malgré cette chute des projets d'embauche, les tensions sur le marché du travail des cadres demeurent élevées. « Les délais de recrutement sont passés de 9 semaines à 12 semaines sur les deux dernières années », a insisté Gilles Gateau. Trois quart des entreprises anticipent des obstacles de recrutement dans les trois mois à venir. Cette proportion est certes en baisse par rapport au pic de janvier à 84%, mais demeure bien au-dessus de septembre 2020 (56%) ou de décembre 2020 (66%).

Pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), les difficultés de recrutement sont un sujet de préoccupation majeur (68%). Chez les PME, ce sujet est moins important (22%). Là encore, une telle divergence peut s'expliquer par le fort pourcentage de cadres dans les grands groupes et les entreprises de taille moyenne parmi les salariés. Dans les plus petites structures, ces métiers sont généralement moins nombreux en proportion. Comment expliquer ce paradoxe entre des tensions persistantes et un ralentissement des embauches ?  « Le faible nombre de candidatures, le décalage entre les candidatures et le profil requis et la concurrence entre les entreprises peuvent être facteurs de tension », résume le patron de l'APEC.

Des cadres inquiets pour leur pouvoir d'achat

La flambée des prix est loin d'avoir épargné les cadres. La part du personnel encadrant inquiet pour leur pouvoir d'achat a grimpé de quatre points en un an selon les résultats du baromètre. « Compte tenu du contexte inflationniste, les inquiétudes sur le pouvoir d'achat sont au plus haut », a affirmé Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l'APEC. « Les niveaux de rémunération des cadres ont augmenté de manière significative. Les entreprises ont pris en compte l'inflation dans les négociations annuelles obligatoires (NAO) mais il est possible qu'il y ait un décalage entre la rémunération perçue et l'inflation », a-t-elle ajouté.

Résultat, la part des cadres ayant des projets de mobilité professionnelle demeure très élevée (37%).  « Ces intentions sont tirées par des perspectives d'amélioration du pouvoir d'achat. Les cadres ont le sentiment que changer d'employeur est la meilleure manière d'augmenter sa rémunération », conclue-t-elle. Sans parler de « grande démission », les spécialistes s'attendent à de vastes mouvements sur le marché du travail en 2024.

Lire aussiEn France, « la grande rotation » de salariés provoque de vifs remous sur le marché du travail

Méthode : Cette publication repose sur deux enquêtes menées du 4 au 15 septembre 2023. Une enquête en ligne auprès d'un échantillon de 2 000 cadres, structuré pour
être représentatif des cadres du secteur privé en et hors emploi, en matière de sexe,
d'âge, de secteur d'activité, de taille d'entreprise et de région. La seconde enquête porte sur un échantillon de 1 000 entreprises (uniques et sièges) employant au moins un cadre.

Grégoire Normand
Commentaires 13
à écrit le 10/11/2023 à 14:16
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logique, le nombre de faillites parle !

à écrit le 10/11/2023 à 11:08
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De toute façon, il y a trop de cadre dans ce pays ,4 millions d'actifs dont la plupart sont juste bon, à faire des stats avec le boulot des autres et des réunions stériles pour les occuper un peu .Et ceux en retraite de la génération des boomers sont...

le 10/11/2023 à 19:17
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C'est effectivement le signalement des électeurs LR pour la plupart passés chez Macron à partir du moment où il était devenu évident que LR n'avait plus la moindre chance de gagner une présidentielle, pas même face au RN...

à écrit le 10/11/2023 à 9:33
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C'est pas grave : on cherche des ouvriers, et les cadres pourront se reconvertir dans les usines. Et jeter aux orties des décennies de mépris petit bourgeois pour le travail manuel. Vive l'industrie ! c'est là qu'on fabrique vraiment le fric.

le 10/11/2023 à 19:05
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Des ouvriers pas tant que ça car c'est du travail se prêtant particulièrement bien à l'automatisation ou à la délocalisation, l'essentiel des offres d'emploi non-pourvues sont concentrées dans les services à la personne (hôtellerie restauration, ense...

à écrit le 10/11/2023 à 7:45
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Vivement le chômage pour tous les emplois fictifs français. Le pire c'est que nombreux qui en bénéficient copieusement ne se sentent pas concernés pensant que c'est pour leur talent naturel. Le déclin c'est toujours beaucoup trop long vers la fin.

à écrit le 10/11/2023 à 5:11
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2024 & 25 seront tres difficiles pour une majorite de citoyens qui n'ont jamais ete consultes durant la pandemie, la guerre et tant d'autres sujets. France = democrature. Tant que les francais sont le nez dans le smartphone, ce gvt vous bafouera. E...

à écrit le 09/11/2023 à 18:47
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he oui, a un moment donne, quand on arrete la cocaine monetaire, on revient a la vraie vie; et concernant le pouvoir d'achat, c'est sur chacun veut plus, mais les cadres ont quand meme de quoi manger en general, sauf certains, cadres de statut, avec ...

le 09/11/2023 à 23:47
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Ben ouais suis cadre sncf 55 ans - sans encadrement de personnel mais en expertise - salaire net 2107€…et on nous annonce une augmentation de 1,8 % pour 2024 en phase selon le rh avec les prévisions inflation du gouvernement pour l année 2024 … les...

le 09/11/2023 à 23:47
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Ben ouais suis cadre sncf 55 ans - sans encadrement de personnel mais en expertise - salaire net 2107€…et on nous annonce une augmentation de 1,8 % pour 2024 en phase selon le rh avec les prévisions inflation du gouvernement pour l année 2024 … les...

à écrit le 09/11/2023 à 17:20
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Oh ben mince alors...ça ne correspond pas au tir de la propagande française de ces dernières semaines🙈 Les États-Unis viennent aussi de se tirer une balle dans le pied avec les emplois et le phénomène démocratisé de la propagande ambiante et néfaste ...

à écrit le 09/11/2023 à 17:05
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Un signe que la récession prévisible est là

le 09/11/2023 à 17:38
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Si les chiffres n'étaient pas "corrigés", ils parleraient d'eux-même. La puissance européenne n'était en fait qu'une bulle spéculative qui éclate aujourd'hui.

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