En France, l'inflation continue de grimper en septembre, et après ?

L'Insee a très légèrement révisé à la hausse (0,1 point) son chiffre de l'inflation pour septembre à 2,2% contre 1,9% au mois d'août. L'indice des prix a été principalement tiré par l'énergie et les services (transports).
Grégoire Normand
La progression des prix de l'alimentation (+1%), des produits manufacturés (+0,4%) et ceux du tabac (+4,8%) a ralenti en septembre.
La progression des prix de l'alimentation (+1%), des produits manufacturés (+0,4%) et ceux du tabac (+4,8%) a ralenti en septembre. (Crédits : Reuters)

Record historique du prix du gazole, flambée des prix du gaz, baril de pétrole au plus haut...la reprise économique ravive le spectre d'une forte inflation partout dans le monde. En Allemagne, l'inflation s'est bien établie à 4,1% en septembre, en raison d'une vive tension sur les prix de l'énergie et d'un effet de TVA. Du côté de la France, l'indice des prix à la consommation a augmenté de 2,2% sur un an selon les derniers chiffres dévoilés par l'Insee ce vendredi matin, soit 0,1 point de plus que lors de la précédente estimation. Il s'agit d'un record depuis novembre 2018.

"Ce n'est pas surprenant. La révision n'est pas extrêmement élevée (+0,1 point). Cette inflation est clairement due aux prix de l'énergie et aux prix des services. Il y a en outre toujours cet effet de base par rapport au creux de l'année dernière. Cet effet pourrait durer jusqu'au printemps prochain si on prend en compte le confinement d'avril dernier", a déclaré Charlotte de Montpellier, économiste chez ING en charge du suivi de la France.

De son côté, la Banque de France fait également le pari d'une "hausse temporaire". "C'est un coup de vent plutôt qu'une rafale. L'inflation en France est prévue à 2,3% contre 3,4% en zone euro. Parmi les facteurs temporaires, il y a un effet de base important. L'inflation avait nettement baissé en 2020 au même moment. Le deuxième effet est la sortie de crise Covid et de la réouverture des économies", a rappelé l'économiste Olivier Garnier de la banque centrale lors d'un récent point presse.

Alors que l'inquiétude chez les Français grimpe en flèche, cette poussée inflationniste a amené le gouvernement à mettre en œuvre un chèque énergie de 100 euros et a promis de lisser les prix de l'électricité et du gaz jusqu'au printemps. A seulement quelques mois de la présidentielle, le sujet des prix de l'énergie devient brûlant pour l'exécutif. Les débats sur le pouvoir d'achat risquent de s'enflammer dans ce contexte de montée des prix.

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Les prix de l'énergie continuent d'accélérer

L'examen plus détaillé de l'indice des prix à la consommation montre sans surprise que la flambée des prix de l'énergie contribue grandement à la hausse générale de l'indicateur. "Sur un an, la hausse des prix de l'énergie accélère en septembre (+14,9% après +12,7%). La hausse des prix du gaz naturel et de ville se poursuit sur un an (+38,8% après +31,2%). Les prix des produits pétroliers gonflent (+19,6% après +16,9%) en lien avec ceux du gazole (+19,3% après +15,3%)", indiquent les statisticiens.

La réouverture de l'économie mondiale depuis le début de l'année a entraîné des frictions importantes entre l'offre et la demande partout sur la planète. "Les prix de l'énergie continuent d'augmenter et continuent de peser sur l'inflation. Cette hausse est visible partout en Europe. C'est une hausse qui va se poursuivre dans les prochains mois notamment en raison de l'hiver. L'impact de la hausse des prix sur les marchés de l'énergie va se poursuivre. On estime qu'il faudra attendre le troisième trimestre 2022 pour observer une contribution négative des prix de l'énergie sur l'inflation" ajoute Charlotte de Montpellier. Toute la question est de savoir si les prix énergétiques vont se maintenir à un niveau élevé à plus long terme. Sur ce point, le changement climatique et la raréfaction de certaines ressources pourraient pousser les prix à la hausse. A l'heure actuelle, la pandémie continue de brouiller les grilles de lecture de l'inflation chez beaucoup d'économistes. L'indice des prix à la consommation construit à partir d'un panier moyen ne s'est pas révélé toujours adapté à la mesure de variation des prix pendant les périodes de confinement.

Les services en hausse, l'inflation sous-jacente reste modérée

Du côté des services, les prix ont nettement augmenté à 1,4% en septembre contre 0,7% en août. Dans le détail, ce sont surtout les prix des transports qui grimpent, poussés par le transport routier et le transport aérien. Malgré cette augmentation, l'inflation sous jacente, qui exclut les prix les plus volatils de l'énergie et de l'alimentation, marque le pas pour passer de 1,5% en août à 1,3% en septembre en glissement annuel. "D'un point de vue historique, ce niveau est très modéré. Cela montre bien la complexité de la situation", explique Charlotte de Montpellier.

"On est encore aux effets des premières vagues. L'inflation sous-jacente pourrait augmenter en 2022 à un niveau plus élevé qu'avant la pandémie. Cette inflation sous-jacente est primordiale car elle montre l'évolution des prix sans les composantes les plus volatiles. En revanche, cela ne montre pas les dynamiques que cela pourrait avoir sur la consommation" ajoute-t-elle. En effet, la hausse des prix ne se transmet par forcément de la même manière aux différentes catégories de ménages. "Un ménage en zone rurale sera peut être plus concerné par la hausse des prix de l'essence par exemple. Sur l'énergie, cela peut toucher des ménages plus précaires. On l'a vu avec les "gilets jaunes" ajoute-t-elle.

Une période transitoire qui s'allonge

La période qui est censée être transitoire ne cesse de s'allonger. Comment expliquer un tel phénomène ? Pour Charlotte de Montpellier, les périodes de confinement jouent un rôle important dans la comparaison des indicateurs. Ces mises sous cloche entraînaient un ralentissement de l'indice des prix à la consommation alimentant même des craintes de désinflation. En 2020, l'inflation en zone euro est passée plusieurs fois en territoire négatif. Dans une récente note, plusieurs économistes de la Banque de France estiment "qu'une fois passés les effets temporaires  [...] qui pourraient durer encore plusieurs trimestres, l'inflation devrait être dominée par une seconde dynamique : l'accélération graduelle du niveau général des prix et des salaires en lien avec la bonne tenue du marché de l'emploi. La reprise de l'activité, en particulier de l'emploi, devrait se transmettre progressivement aux salaires et aux prix."

Sur ces effets de second tour, il est encore difficile à ce stade de prévoir des hausses durables de salaires dans l'économie. "Il faut distinguer les effets directs des prix de la pandémie et les effets de second tour notamment sur les salaires. Cet effet sur les salaires peut continuer plus longtemps. On va continuer à avoir une inflation plus élevée. C'est une période transitoire plus longue", indique Charlotte de Montpellier. De son côté, l'économiste de Natixis, Patrick Artus ne s'attend pas vraiment à des effets de ce type. Il rappelle que à court terme, "il y a d'abord un choc pétrolier. Il n'y pas de transmission de ce choc aux salaires. Il n'y a quasiment plus d'interaction entre les salaires et les prix [...] Aujourd'hui, il y a plutôt de la désinflation salariale".

Du côté des entreprises, les économistes sont peu inquiets. Le directeur de la recherche macroéconomique chez Natixis Jean-François Robin affirme "qu'il y a des taux de marge énormes. Les entreprises ont les capacités d'absorber cela." De son côté, Olivier Garnier a déclaré que "les marges des entreprises sont relativement élevées. Il existe des coussins d'amortissement pour encaisser les hausses de prix même si cela dépend des secteurs."

Un casse-tête pour la Banque centrale européenne

La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde a récemment mis en garde contre les risques de "surréaction" aux poussées  inflationnistes. La politique monétaire doit rester accommodante pour sortir de la pandémie en toute sécurité et "ramener durablement l'inflation à 2%", soit l'objectif à terme de l'institut, ajoutait-elle. Il a quelques jours, le conseil des gouverneurs s'est montré divisé sur le degré de ralentissement de ses rachats de dette, principal outil de soutien à l'économie face au Covid-19. "La BCE est sur une ligne de crête. Elle doit rester crédible mais elle a bien conscience que c'est une période transitoire. Il y a une bataille entre les faucons et les colombes au sein du conseil des gouverneurs. Elle devrait revoir son programme d'assouplissement quantitatif via le PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme). Elle pourrait commencer le tapering (resserrement monétaire) un peu plus tôt" que prévu, anticipe Charlotte de Montpellier.

Un durcissement trop rapide de la politique monétaire de l'institution de Francfort pourrait avoir des répercussions délétères sur la reprise. "Le caractère spécifique, non-répétitif, de cette poussée d'inflation saute aux yeux. Dans ce cas, une banque centrale ne doit pas durcir sa politique monétaire au risque, sinon, de perturber le cycle, voire de pousser l'économie en récession. Cas d'école : les hausses de taux de la BCE en 2011" résumait l'économiste Bruno Cavalier de Oddo Securities dans une récente note. Le mauvais souvenir de la crise de la zone euro il y a dix ans n'est pas très loin.

Grégoire Normand
Commentaires 9
à écrit le 17/10/2021 à 14:00
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Contre l'inflation : péter un grand coup ! Ce qui menace la france c'est l'inflation des normes, l'inflation juridique, Gulliver amoindri par des nains de jardin !

à écrit le 17/10/2021 à 7:25
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Mais que fait le """ Quoi qu'il en coûte """" pour les citoyens? Il n'y a aucun milliard de côté pour eux!

à écrit le 16/10/2021 à 12:31
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Parmi les facteurs temporaires, il y a un effet de base important. L'inflation avait nettement baissé en 2020 au même moment. Le deuxième effet est la sortie de crise Covid et de la réouverture des économies" Donc maintenir l’état d’urgence jusqu’...

à écrit le 16/10/2021 à 9:32
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Mais l'inflation a toujours été très importante notamment celle des taxes et impôts, par contre oui les écrans plats ont baissés à partir des années 2010, unique indice pour le calcul de l'inflation ....:)

à écrit le 16/10/2021 à 7:44
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En France, si rien n'ai fait prou augmenter les salaires et les retraités, la révolte gronde.

le 16/10/2021 à 21:15
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salaires plus élevés = les produits fabriqués seront plus chers, et vous n'arriverez plus à les acheter et il faudra augmenter les salaires pour y arriver, etc etc cercle vicieux. C'est dommage, l'Opep n'a pas du tout envie d'ouvrir les robinets, ta...

à écrit le 16/10/2021 à 2:21
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Vous n'en etes qu'au tout debut. Faut bien payer le papier imprime de la bce, qui continue par ailleurs.

le 16/10/2021 à 9:44
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Quel rapport?? Expliquez nous cela …

le 18/10/2021 à 5:08
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@ Brehat. 1ere annee d'economie :L'inflation est causee essentiellement par la production de papier monnaie. Confiance alteree dans les echanges internationaux et encherrissement des produits a l'import. Vous allez payer tout plus cher. Clair ?

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