Entre les créations et les défaillances d'entreprises, des chiffres vertigineux en 2020

L'année dernière, les tribunaux de commerce ont enregistré une chute impressionnante des procédures collectives (-37%). Dans le même temps, les créations d'entreprises ont augmenté de 2%, soit 10.000 créations supplémentaires par rapport 2019. Dans la livraison à domicile, les immatriculations ont bondi de 38%. La crise a accéléré le mouvement d'ubérisation de l'économie, rappelle Xerfi.
Grégoire Normand
Le boom des créations d'entreprises s'explique en grande partie par une forte hausse dans le secteur du transport, de la logistique et des livraisons. La crise sanitaire et les mesures de restriction ont accéléré le mouvement d'ubérisation de l'économie par le recours accru des plateformes, a expliqué Laurent Freula, économiste à Xerfi.
Le boom des créations d'entreprises s'explique en grande partie par une forte hausse dans le secteur du transport, de la logistique et des livraisons. "La crise sanitaire et les mesures de restriction ont accéléré le mouvement d'ubérisation de l'économie par le recours accru des plateformes", a expliqué Laurent Freula, économiste à Xerfi. (Crédits : Reuters)

La pandémie donne le tournis aux greffiers des tribunaux de commerce. Selon un bilan rendu public ce jeudi 28 janvier, les créations d'entreprise ont bondi avec 469.000 immatriculations enregistrées en 2020. Cette dynamique correspond à une hausse de 2%, soit 10.000 créations supplémentaires par rapport à 2019. Dans le même temps, les procédures collectives ont enregistré une chute spectaculaire avec 27.645 ouvertures recensées par les juridictions, soit une baisse de 37% par rapport à l'année précédente. "Cette crise révèle des données inédites en temps de crise. Il y a eu une baisse des procédures collectives alors que les créations d'entreprises se maintiennent ou augmentent dans certaines régions [...] Les aides aux entreprises du gouvernement ont été relativement efficaces. L'enjeu va être l'anticipation et les procédures pour éviter les liquidations", a déclaré Sophie Jonval, présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce lors d'un point presse ce jeudi matin.

Une dynamique boostée par le transport et l'entreposage

Dans le détail, cette hausse des créations d'entreprises est principalement portée par le secteur de la livraison et de l'entreposage (+24%). Viennent ensuite la bonne santé de l'entrepreneuriat dans le commerce (7,2%), les activités financières et d'assurance (4,7%), et l'information communication (3,1%). "Ces créations sont liées à la dynamique dans certains secteurs. L'âge des créateurs est d'environ 40 ans. Il a baissé de près d'un an depuis 2018. De nombreux projets ont été portés par des jeunes dans le commerce, les transports et l'entreposage. A l'inverse, la dynamique dans l'immobilier ou l'agriculture est beaucoup moins importante" a indiqué Laurent Freulat, économiste chez Xerfi, le cabinet en charge de la réalisation de l'étude très détaillée.

La propagation du virus sur l'ensemble du territoire depuis près d'un an et la mise en oeuvre des mesures sanitaires ont dopé l'activité des livraisons à domicile, de la logistique et du commerce en ligne. "Les activités liées de façon générale à l'ubérisation de l'économie ont été boostées et amplifiées par la crise sanitaire. Il s'agit de la vente à distance, les activités de livraison à domicile, comme Uber Eats, Deliveroo. A chaque fois, ce sont des créations de micro-entreprises qui viennent alimenter cette dynamique. Les enseignes de distribution ont également fait appel à des micro-entrepreneurs pour assurer leurs livraisons. C'est cette dynamique du e-commerce et des livraisons qui est à l'origine du boom des immatriculations en 2020. Le secteur des livraisons à domicile a augmenté de 37%", a précisé le chercheur.

A l'inverse, les chiffres des créations d'entreprises classiques sont en recul. "Les entreprises individuelles représentent près de 33% des créations d'entreprises. Elles enregistrent une hausse de 14%. Si l'on fait abstraction des entreprises individuelles, la hausse est à relativiser. Les créations seraient en baisse de 3% en réalité", complète-t-il.

Une chute des faillites

La pandémie a provoqué un effondrement brutal de l'économie française en 2020 d'environ -9%. Beaucoup de secteurs ont été contraints de fermer leurs portes pendant environ 12 semaines de confinement. Cette profonde récession a suscité de grandes craintes dans de nombreux établissements. Malgré cette conjoncture déprimée, les tribunaux de commerce ont enregistré une chute du nombre d'entreprises en difficulté de l'ordre de 37% et environ 237.000 radiations, soit une baisse de 14%.

En temps de crise, l'économie est normalement marquée par une flambée du chômage, une hausse des défaillances et un coup de frein des créations d'entreprises. Pour les économistes de Xerfi, "les défaillances d'entreprises en baisse s'expliquent par les mesures de protection mises en oeuvre par le gouvernement comme les prêts garantis par l'Etat, le chômage partiel. Ces mesures ont permis un gel de la situation. Ces dispositifs ont même dépassé leur objectif d'amortisseur. Le nombre de défaillances est inférieur à une période normale [...] Ces aides ont maintenu à flot des entreprises en difficulté, biaisant la réalité économique".

> Lire aussi : Une baisse des défaillances d'entreprises en trompe-l'oeil avant un tsunami ?

Vers un raz de marée en 2021 ?

Dans cet océan d'incertitudes, il est complexe d'établir des prévisions sur les faillites d'entreprises en 2021. Certains économistes s'attendent à une hécatombe dans les semaines à venir. Lors d'une récente intervention au Sénat, l'économiste Olivier Pastré a tiré la sonnette d'alarme. "Il faut s'attendre à une explosion des dépôts de bilan dans les PME et les petites entreprises. L'endettement des entreprises va exploser. C'est un sujet majeur. Il faut renforcer les fonds propres. Les instruments actuels ne sont pas à la hauteur de la crise."  De son côté, le Medef table sur une hausse de 20.000 à 25.000 dépôts de bilan supplémentaires.

La persistance du virus, la multiplication des variants et les rumeurs sur un troisième confinement assombrissent vraiment les perspectives d'un rebond économique au premier semestre. "La reprise économique sera nettement insuffisante pour combler les pertes des entreprises de 2020. Le scénario de la reprise en 'V' a été abandonné par la majorité des économistes. Le scénario qui est en train de devenir consensuel est un retour à un niveau d'activité d'avant crise durant l'année 2023", a expliqué Laurent Freulat. Il suggère de rester vigilant sur quelques points.

"Les différentes aides octroyées comme les prêts garantis vont faire l'objet de remboursement. Le surcroît de dette va grandement fragiliser les entreprises. L'enjeu va être de réussir à synchroniser et cibler le désengagement de l'Etat au fur et à mesure de la reprise de l'activité. Ce travail de ciblage et de retrait à l'échelle microéconomique sera déterminante pour éviter une explosion des faillites.

En outre, il redoute des dégâts importants à venir chez les micro-entreprises qui n'arrivent pas réaliser de chiffre d'affaires et manquent souvent de filets de sécurité au moment de la liquidation. "S'agissant de la pérennité, ce sont des structures éminemment plus fragiles par rapport aux créations d'entreprises plus traditionnelles. Il ne serait pas étonnant d'assister dans quelques années à un turn-over important de ces sociétés".

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 28/01/2021 à 15:20
Signaler
Ouais, bof, difficiles de tirer des conclusions de ces chiffres, la France, UE et la planète sont sous perfusions. Certains secteurs profitent de la crise, livraisons repas et colis, ordinateurs, consoles de jeux et bricolage et le design d'intérieu...

le 28/01/2021 à 18:15
Signaler
Bon là, en me relisant..... L'un des secteur qui a globalement bien fonctionné c'est évidement l'agroalimentaire, hors restaurateurs et petits commerces. Boissons, élevage, agriculture, transformateurs, logistiques, marchés, hypermarchés, secteur q...

à écrit le 28/01/2021 à 13:23
Signaler
Aujourd'hui, c'est Flunch qui va fermer 15 restaurants et licencier des centaines de personnes.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.