Les relations ne s'arrangent pas entre les collectivités territoriales et l'État central. Pire, elles se dégradent. À la différence du secteur privé qui a pu bénéficier du système de l'activité partielle, le bloc local, lui, a dû continuer à payer ses fonctionnaires et à s'acquitter de charges liées à ses infrastructures.
Bataille de chiffres
En première ligne depuis le début de la crise économique et sanitaire, les communes et les intercommunalités pointent un manque à gagner de 8 milliards d'euros d'ici à 2022. Rien que pour cette année 2020, elles auraient perdu près de 6 milliards d'euros, dont 2,9 milliards de pertes tarifaires.
La majorité présidentielle avance, elle, le chiffre de 7 milliards d'euros "apportés par l'État en soutien aux finances et projets des collectivités locales", entre le troisième projet de loi de finances rectificatif 2020 (PLR3), le PLFR4 et le projet de loi de finances 2021 (PLF) en cours d'examen au Parlement.
"Ce chiffrage inclut les avances, compensations et dotations de l'État au profit des collectivités, mais ne tient pas compte des garanties légales existantes sur certaines recettes fiscales ou des mesures ciblées spécifiquement sur les collectivités du plan de relance", déclare le président (LREM) de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve.
"Grosses inquiétudes" sur la relance
Entre les dépenses exceptionnelles comme l'achat de masques, la confirmation de la suppression à terme de la taxe d'habitation et la baisse dès 2021 des impôts de production, les maires considèrent que leur autonomie fiscale et financière est en train d'être "détruite". "Je ne suis pas dubitatif, je suis comptable. J'additionne ou plutôt je soustrais", relève le président (PS) du comité des finances locales, André Laignel.
"Est-ce que les communes auront la capacité d'impulser la relance ? Est-ce que la non-compensation des ressources sera susceptible de maintenir un service public local et intercommunal ?", s'interroge de même Philippe Laurent, secrétaire général (UDI) de l'AMF.
Même scepticisme du côté des intercommunalités:
"Pour 2021 voire 2022, nous avons de grosses inquiétudes pour maintenir nos services publics et être des acteurs de la relance", estime le président délégué (PS) de l'assemblée des communautés de France (AdCF), Sébastien Miossec.
20% d'autofinancement en moins en 2021
Contrairement à la crise des subprimes de 2008, suite à laquelle les collectivités avaient bénéficié d'une avance de fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), le bloc communal s'attend effectivement à une chute de 20% de son autofinancement pour l'année prochaine. Or, ce dernier est essentiel pour garantir sa solvabilité financière.
Dans ces conditions, les élus locaux pourront toujours augmenter, de façon sécurisée, leurs encours de dettes grâce aux taux attractifs du moment. De même qu'ils auront la possibilité d'orienter leurs ressources vers l'investissement. Mais la limitation de leurs dépenses de fonctionnement depuis fin 2018 risquent de grever leurs choix.
"Nous avons besoin de recettes et de ressources. L'État n'est pas un robinet sans fin, certes, mais il peut être un État solidaire vis-à-vis de ses territoires", exhorte Sébastien Miossec de l'AdCF.
"L'État ne veut pas en entendre parler !", grince André Laignel.
Une avance pour compenser le versement mobilité en chute libre
À rebours du célèbre "quoiqu'il en coûte" du président Macron, les collectivités ont en outre l'obligation légale de voter des budgets équilibrés. C'est la fameuse règle d'or sur le déficit. S'il leur manque X euros dans les caisses, elles doivent les trouver ailleurs. Ainsi, le versement mobilité, que paient les entreprises auprès des autorités organisatrices de transport, a chuté, en moyenne, de 10% dans les intercommunalités, alors qu'il représente, en temps normal, deux tiers de leurs recettes.
Par exemple, le budget annuel "transports publics" de l'agglomération Quimperlé Communauté (Finistère) est de 4,5 millions d'euros, dont 2 millions d'euros de versement mobilité et 400.000 euros de recettes tarifaires. Entre les difficultés rencontrées par les sociétés et l'absence de voyageurs, le trou budgétaire est donc de 2,4 millions d'euros. Pour le combler, son président Sébastien Miossec assure qu'il devra renoncer à une dépense de fonctionnement ou d'investissement.
En réalité, selon nos informations, le gouvernement semble décidé à faire un pas en direction de ces autorités organisatrices de mobilités. De la même manière qu'il a déjà épongé les pertes d'Ile-de-France Mobilités (IDFM), l'exécutif va proposer aux collectivités concernées, à défaut de compensation, une avance remboursable à hauteur de 8% du versement mobilité et de 35% des recettes tarifaires sur la base réelle de 2019.