Revalorisation du point d'indice des fonctionnaires de 1,5% au 1er juillet, points supplémentaires, prime de « pouvoir d'achat », rehaussement de la prise en charge des abonnements aux transports en commun, revalorisation des frais de mission... Les fonctionnaires peuvent remercier le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini pour ces cinq nouvelles annonces, mais les élus locaux employeurs, eux, en ont assez de ces arbitrages de l'Etat qui affectent directement leur équilibre financier.
C'est ce qui ressort d'un rapport d'information du Sénat publié ce 13 juin et baptisé « Etat et collectivités territoriales : les bons comptes feront les bons amis ! ». Demandé par le groupe Rassemblement démocratique social et européen (RDSE), composé majoritairement de radicaux de gauche, il démontre que « les décisions réglementaires et budgétaires imposent aux collectivités territoriales des contraintes de plus en plus abondantes [et] génèrent un système de financement de plus en plus instable ».
Le rôle de l'Etat
D'une même voix, les sénateurs Jérôme Bascher (Oise, LR) et Guylène Pantel (Lozère, RDSE) demandent donc le renforcement du dialogue au niveau national entre l'Etat et les collectivités. Le président et la rapporteure de la mission d'information appellent en effet à mieux évaluer, « en amont et en aval », l'impact des décisions de l'Etat sur l'équilibre des finances locales. Leur rêve: que les élus locaux soient « obligatoirement consultés » sur les projets de loi de finances (PLF) et les budgets rectificatifs (PLFR).
Les sénateurs recommandent également de renforcer le dialogue entre l'Etat et les collectivités dans les territoires, notamment en donnant au préfet autorité sur l'ensemble des services et des agences de l'Etat. Par exemple sur les Architectes des bâtiments de France (ABF) qui dépendent, encore et toujours du ministère de la Culture.
« Sur le terrain, il y a souvent des désaccords, avec des refus de construction qui ne sont pas toujours compréhensibles. Nous pourrions imaginer des discussions entre l'ABF, le préfet et le maire concerné », précise Guylène Pantel à La Tribune.
Expérimenter pour réajuster les dispositifs si besoin
Avec Jérôme Bascher, l'élue appelle aussi à privilégier les expérimentations avant toute réforme impactant les collectivités. Elle ne croit pas si bien dire. Dix-neuf départements testent actuellement les heures d'activité à côté du RSA .« Dans la ruralité, nous sommes souvent lourdement impactés sur le plan financier. L'expérimentation permet de pouvoir dire comment réajuster le dispositif si besoin », affirme la sénatrice Pantel.
De même que la sénatrice et son collègue de l'Oise pensent que les décisions de l'Etat impactant les finances locales doivent entrer en vigueur avant le vote des budgets locaux, et non après... A cet égard, le premier dégel du point d'indice des fonctionnaires (+3,5%) est entré en vigueur le 1er juillet 2022, alors même que les communes votent leur budget au plus tard au printemps...
Les sénateurs suggèrent par ailleurs d'inscrire dans la Constitution le fait que tout création ou extension de compétences décidée par l'Etat mais augmentant les dépenses locales soit accompagnée de ressources équivalentes. « Sur un mandat, un département peut passer de 15 à 20 collèges, sauf qu'il sera toujours compensé sur 15. Dans ce cas, il faut un réexamen des dotations de l'Etat », souligne Jérôme Bascher.
Réexaminer les décisions de l'Etat et les hausses de charges afférentes
Dans le même esprit, l'élu de l'Oise et sa collègue de Lozère poussent à un réexamen régulier des décisions de l'Etat pour s'assurer qu'elles n'induisent pas de hausse des charges du côté des élus. C'est là encore le cas du revenu de solidarité active (RSA). Le projet de loi Plein-emploi prévoit son automatisation. Sauf que cela risque d'augmenter, selon leurs estimations, de 30% le nombre d'allocataires.
« Pas sûr que beaucoup de département supportent un tel effort. Nous demandons une clause de revoyure », insiste Jérôme Bascher.
Dans un autre registre, les deux sénateurs plaident pour l'accélération de la révision des valeurs locatives cadastrales, l'une des bases servant au calcul de la taxe d'habitation et de la taxe foncière. Sauf qu'elle est calculée à partir des conditions du marché locatif de... 1970. « Il faut donner un calendrier avec des échéances, non pas un calendrier au forceps, mais un calendrier au pas de sénateur, » défend le sénateur de l'Oise.
Assouplir les règles de plafonnement et de liaison des impôts locaux
Dans la même veine, les parlementaires préconisent un assouplissement des règles de plafonnement et de liaison des taux des impôts locaux. Autrement dit offrir aux élus locaux une plus grande liberté d'action pour faire varier les taux des taxes foncières et d'habitation sur les résidences secondaires. Ils en oublieraient presque le président Macron et ses Premiers ministres successifs ont toujours adressé une fin de non-recevoir à l'autonomie financière et fiscale aux collectivités.
« L'Etat doit cesser de considérer les collectivités comme ses employés ! », s'exclame Jérôme Bascher.
« Nous devons retrouver l'esprit de l'article 72 de la Constitution : "Dans les conditions prévues par la loi, les collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences" », poursuit l'élu de l'Oise.
Indexer la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation
Les deux sénateurs considèrent par ailleurs qu'il faut revoir « en profondeur » les modalités de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) afin d'indexer cette dernière sur l'inflation. Une demande qui est toujours restée lettre morte à ce jour, d'autant qu'elle coûterait, selon les calculs du Sénat, près de 1,3 milliard d'euros.
Enfin, ils souhaitent mettre fin à la pratique de minoration des variables d'ajustement. Sur ce point, rien de révolutionnaire: les parlementaires ont l'habitude de contester ce dispositif, jugeant que les dotations de l'Etat ne viennent pas compenser à l'euro près des réformes décidées par l'Etat.
A titre d'illustration, des maires reprochent, chaque année, à Bercy de ne pas leur reverser la valeur réelle de leur ex-taxe d'habitation. « lls sont soit "planchonnés", soit plafonnés, mais jamais totalement compensés », assure encore Jérôme Bascher.