Il aura attendu six ans pour renouer avec la popularité. Sorti sous les quolibets de l'Elysée, François Hollande savoure ce moment. Dans le baromètre des personnalités politiques préférées des Français, l'ancien président remonte dans le peloton de tête derrière l'intouchable Edouard Philippe. Il est même en tête auprès des 18-25 ans et est toujours le champion pour 83% des sympathisants socialistes. Qui l'eut cru ? Bien sûr, ce classement relève de l'anecdote surtout pour les ex-chefs de l'Etat. De Giscard à Chirac jusqu'à Sarkozy, tous sont redevenus populaires au fur et à mesure qu'ils se sont éloignés de la vie politique active. Pour François Hollande, c'est un retour du diable Vauvert. Cela ne vaut pas blanchiment de l'accumulation d'erreurs et de temps perdu durant son mandat. Mais avec le temps, les Français changent leur regard sur sa personnalité.
Le Corrézien est un cas à part. Il fut le chef de l'Etat le plus impopulaire de la Vème. Il apprécie donc, à sa juste valeur, ce retour de flamme de la part des Français qui ont davantage détesté l'action du président que la personnalité bonhomme de cet élu madré à la façon d'un président radical socialiste de la IVème République. Il suffit de lui poser la question pour voir la petite lumière s'allumer. François Hollande ne se fait pas prier pour dire ce qu'il ressent de ce retour en grâce. La blessure fut donc profonde et l'ex regrettera, jusqu'à la fin de ses jours, le fait de ne pas avoir pu se représenter. Il le répète encore dans l'entretien à la Tribune. Ruminer et s'ennuyer font partie de la vie des ex...
Réhabiliter la présidence normale
Cette embellie lui permet par petites touches de réhabiliter son action de président de la République entre 2012 et 2017 et notamment sa méthode. On n'est jamais mieux servi que par soi-même. A la présidence verticale d'Emmanuel Macron, il oppose sa « présidence normale » basée, dit-il, sur « le dialogue, le respect et la simplicité ». Et François Hollande d'énumérer la crise des gilets jaunes, la réforme des retraites ou même les émeutes des quartiers comme des sanctions directes ou indirectes de la gouvernance Macron. Le dialogue ne s'impose pas seulement quand la colère déborde et que son successeur est contraint d'improviser à la hâte un grand débat, de consulter les maires ou de retourner en province. François Hollande relit le passé à l'aune du présent en oubliant que son action fut très contestée, provoqua d'immenses colères contre la loi El Khomri par exemple et divisa comme jamais son propre camp jusqu'à laisser un PS en ruines.
Ses relations avec son ancien secrétaire général ont beau s'être normalisées avec le temps, elles restent réduites à leur plus simple expression. François Hollande ne rate pas une occasion d'ironiser sur les déboires de son cadet. Comme lors de ce récent et rare déjeuner entre les deux hommes. « Tu ne penses pas que c'est Edouard Philippe le mieux placé pour 2027 ? » demande-t-il à Emmanuel Macron dont les rapports avec son ancien Premier ministre sont exécrables. « T'as raison », aurait marmonné le chef de l'Etat très agacé par la pique de son meilleur ennemi. « Que Macron n'adoube pas Philippe, pourquoi pas, mais qu'il le laisse faire. Au lieu de ça, il encourage via certains de ses proches Castex ou Darmanin », analyse François Hollande toujours à l'aise dès lors qu'il convient de faire de la « popol ».
Aider le trio Delga-Delafosse-Mayer-Rossignol
Personnalité la plus populaire à gauche, François Hollande peut-il à nouveau voir la vie en rose ? « Comme tous les ex, moins ils sont en responsabilité et plus ils remontent, estime Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop. François Hollande revient de loin et retrouve les ferments positifs de son équation politique : proximité et sens de l'analyse. » Pas de quoi s'emballer donc. François Hollande est lucide. Il l'attribue à une forme de nostalgie et à ce phénomène classique qu'il résume en une formule : « la République était plus belle sous l'Empire. » Cela ne l'empêche pas de distribuer bons et mauvais points. De désapprouver la stratégie pro-Nupes d'Olivier Faure coupable, à ses yeux, d'avoir en quelque sorte « vendu » le PS aux Insoumis de Jean-Luc Mélenchon. « Quand on ne défend pas ce qu'on est, on n'est rien », cingle-t-il au sujet de son ancien collaborateur devenu premier secrétaire du parti que François Hollande a dirigé plus d'une décennie grâce à son art de la synthèse.
Limite colère, il implore la direction du PS de sortir de l'ambiguïté en annonçant, dès à présent, la constitution d'une liste socialiste la plus large possible. S'il encourage les efforts de Bernard Cazeneuve pour construire une nouvelle offre de gauche social-démocrate, François Hollande ne semble pas vraiment y croire en privé. Il observe en revanche la jeune génération autour du trio Carole Delga/Michael Delafosse/Nicolas Mayer-Rossignol qu'il est « prêt » à aider. En réalité, la « petite lumière » d'une candidature à la présidentielle est toujours dans un coin de sa tête. Il faut l'entendre décrire cet hypothétique chemin qui pourrait permettre à un candidat de la gauche modérée d'atteindre les 20%... L'ancien président prédit une marginalisation de Mélenchon et ses amis d'extrême gauche. A voir...
Au fond, la situation de François Hollande ressemble à celle de Nicolas Sarkozy qui tente lui aussi en vain de peser sur les choix de la droite. Décidément à gauche comme à droite, les ex n'en finissent pas d'encombrer leur camp !