« Nul ne sait dans quelle direction va aller le pays d'ici à 2027 » (François Hollande)

L'ENTRETIEN DU JEUDY- A la veille de la Fête nationale du 14 juillet, alors qu'Emmanuel Macron a décidé de reporter sa prise de parole pour tirer le bilan des « 100 jours », La Tribune a demandé à François Hollande son sentiment sur l'état du pays. L'ancien président de la République, interrogé par Bruno Jeudy, dresse un constat sévère de l'action de son successeur. Il lui reproche d'avoir divisé le pays en commençant son deuxième quinquennat par la réforme des retraites, au risque d'entraver toute autre réforme. La réponse aux émeutes doit allier l'ordre républicain, le retour des services publics dans les quartiers et la priorité à l'éducation. Selon François Hollande, le « en même temps » macronien s'épuise et le clivage droite-gauche reprend le dessus. Il appelle à une refondation de la gauche, mais avec un PS qui affirme ses convictions face à LFI. Interrogé sur où il sera au second tour de la prochaine présidentielle, sa réponse –« chez moi en Corrèze à attendre les résultats de l'élection présidentielle comme je l'ai fait en 2012 »- laisse ouverte toutes les options...
« L'espace du en même temps  s'épuise et le plafond de verre est craqué de toutes parts.»
« L'espace du "en même temps" s'épuise et le plafond de verre est craqué de toutes parts.» (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - A la sortie de la crise des retraites, Emmanuel Macron s'était donné cent jours pour refixer le cap, ouvrir de nouveaux chantiers, remanier son gouvernement et apaiser le pays. Une mission impossible dans une France désenchantée ?

FRANÇOIS HOLLANDE- Fixer des délais pour l'action publique c'est une bonne méthode mais c'est souvent périlleux. Le pouvoir s'expose au surgissement de l'actualité, ce qui vient de se produire avec les émeutes. Le Président a annulé une visite d'Etat en Allemagne, ce qui est fâcheux tant elle était attendue. Le Conseil de la planification écologique, qui est plutôt une bonne démarche, a été renvoyé à plus tard. Même chose pour le remaniement dont beaucoup pensaient qu'il pouvait être le point de sortie est utilisé comme une épée de Damoclès qui immobilise le gouvernement. Je n'ai jamais adhéré à cette théorie des cent jours, pas plus au début d'un mandat qu'au milieu ou à la fin. Je crois à la durée et donc à la nécessité de disposer d'un temps long pour fixer les grandes priorités du pays. En l'occurrence, la seule qui puisse emporter l'adhésion d'une majorité de Français, au-delà de la sécurité, de l'école ou de la santé, c'est la lutte contre le réchauffement climatique. Tel devrait être le grand enjeu du quinquennat d'Emmanuel Macron.

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Comment qualifieriez-vous les événements qui se sont produits après la mort tragique de Nahel ?

C'est une douleur que nous éprouvons tous quand défilent sur nos écrans les images de la mort tragique du jeune Nahel puis celles du déferlement de violences et de saccages et de pillages. Cette brutalité dépourvue de message politique traduit une désocialisation précoce et un mépris du lien commun. Sauf quelques échauffourées le premier soir qui se rattachaient au drame initial et exprimaient une colère, il n'y avait guère de contenu politique dans l'insurrection. Et c'est en ce sens qu'il faut analyser les comportements destructeurs de la part de jeunes âgés de 12 à 17 ans comme une rupture d'une partie, certes extrêmement minoritaire de la jeunesse, par rapport à ce que doit être le cadre collectif. C'est cette dérive qui ravive la peur. Comment parvenir à vivre ensemble quand il y a des écoles qui brûlent, des mairies attaquées, des élus agressés ? La réponse est à la fois dans le rétablissement immédiat de l'ordre républicain, et dans des actions d'envergure pour recoudre le pays.

Vous parliez des élus attaqués, y compris à leur domicile, des mairies et commissariats attaqués, sans compter les centaines de magasins pillés. Comment expliquez-vous cette situation quasi-insurrectionnelle ?

Cette « insurrection » de quelques nuits était différente des émeutes de 2005, qui avaient une portée plus politique. Là, il s'agissait de voler, de brûler et de viser les symboles de l'autorité. Il y avait ici ou là la volonté de prendre une revanche sur tout ce qui pouvait gêner les trafics car des bandes organisées entendent dissuader les forces de sécurité de venir dans certains quartiers. Comme si certains voulaient créer la désolation pour que rien n'y repousse. La République ne doit pas reculer et revenir avec encore davantage de moyens de sécurité, de services publics et de professeurs dans les écoles.

Ce qui frappe c'est la jeunesse des émeutiers, 17 ans en moyenne...

Oui ils sont plus jeunes qu'en 2005. Bon nombre sont déscolarisés et, quand ils ne le sont pas, l'école ne les maintient pas. Comment admettre qu'à partir du 1er juin, dans certains établissements, il n'y a plus d'élèves dans les classes à cause des examens. Comment comprendre que les épreuves du bac soient déjà passées dès le mois de mars ? Notre pays ne fera pas l'économie de renforcer les temps de l'école et donc de faire en sorte que les jeunes soient véritablement encadrés jusqu'à l'âge de l'obligation scolaire. Remettre de l'autorité à l'école, c'est d'abord en faire le temps de vie principal pour les jeunes. Par ailleurs, l'enjeu, c'est de sortir de la logique d'enfermement de la population. La mobilité est devenue de plus en plus rare. La clé, c'est le logement. Il est devenu inaccessible hors du quartier, d'où le sentiment éprouvé par des générations successives de relégation sociale et ethnique.

Etes-vous d'accord avec ceux qui suggèrent d'augmenter le nombre de centres fermés pour ces jeunes délinquants en rupture avec l'école et la société ?

Les centres fermés s'inscrivent dans des logiques pénitentiaires avec des personnels nombreux et des contraintes fortes pour un nombre limité de jeunes, ceux qui sont les plus endurcis à la violence. Pour les autres, je suis plutôt favorable pour des structures particulières semi-ouvertes. Je les ai développées durant mon mandat. Elles disposent d'un encadrement éducatif plus fort avec une remise à niveau scolaire, des pratiques pédagogiques nouvelles par le sport et la culture, etc.

La machine à intégrer les personnes issues de l'immigration et leurs enfants nés en France est-elle en panne ou bien y a-t-il un trop-plein ?

La loi DALO de 2007, conçue sous Jacques Chirac, a confié aux préfets le soin d'organiser la répartition spatiale des populations les plus fragiles. Résultat : l'Etat affecte dans le parc HLM les familles récemment arrivées en France (demandeurs d'asile ou migrants économiques) et les plus paupérisés dans les quartiers supposés « prioritaires », qui concentrent déjà la population la plus exposée à toutes les difficultés. Elles remplacent celles qui ont réussi par leur travail à s'intégrer et qui ont pu accéder à d'autres logements. Cette pratique revient à dire que ces lieux n'ont aucune chance de s'en sortir car, à mesure que la machine à intégration réussit, il y a un nouveau courant migratoire qui se substitue au précédent. La mixité est dès lors un vœu pieux ou une illusion. Mettre les plus pauvres chez les pauvres, c'est organiser la stigmatisation de ces quartiers. Pourtant la machine à intégrer fonctionne plutôt mieux qu'on ne le dit. Il y a de nombreux jeunes venant des quartiers qui accèdent à l'enseignement supérieur et connaissent de belles carrières professionnelles. Il y en a beaucoup qui s'investissent dans l'entreprenariat et l'action associative ou qui prennent des responsabilités dans la vie politique locale. Attention, ne remettons pas en cause tout ce qui marche au prétexte que des ruptures se produisent.

Faut-il un nouveau plan banlieue ?

Ce serait une annonce de plus. La politique de la ville a été mise en place sous François Mitterrand au début des années 90. Des plans se sont enchaînés les uns aux autres, même si les moyens ont manqué. On sait ce qu'il faut faire en matière de réhabilitation urbaine, d'éducation prioritaire, de transports publics et de démocratie participative.

L'une des erreurs d'Emmanuel Macron fut de réduire le nombre des emplois aidés et de revenir sur un certain nombre de politiques d'insertion. Il a enterré, de manière humiliante pour son auteur et pour les élus concernés, le Plan Borloo. Il a pensé que la baisse du chômage et le recours à l'apprentissage seraient la seule voie de salut pour les habitants de ces quartiers. Il a jugé qu'il n'y avait plus besoin de dotations supplémentaires pour les communes relevant de la politique de la ville, alors même qu'elles sont confrontées à des situations de plus en plus difficiles.

La France encaisse les chocs les uns après les autres. Quel bilan tirez-vous de la réforme des retraites qui est passée aux forceps ?

La présidence d'Emmanuel Macron se caractérise par un défaut du dialogue dans notre pays, la verticalité a été érigée en méthode de gouvernement. Après le mouvement des gilets jaunes, l'initiative heureuse du grand débat n'a débouché sur aucune conclusion. Après la crise sanitaire, les maires qui avaient été si déterminants pour apaiser la population n'ont été l'objet d'aucune considération. La négociation sociale a été la grande oubliée de la réforme des retraites. Après les émeutes, la discussion à l'Elysée avec les maires n'a débouché que sur l'annonce d'une nouvelle loi d'urgence ! Or, les corps intermédiaires sont essentiels en République. La démocratie représentative et participative n'est pas un obstacle à l'action. Ils en sont les leviers. C'est cette conception qu'il convient de remettre au plus tôt en vigueur. C'est d'autant plus nécessaire avec une Assemblée nationale fracturée et une vie politique effondrée. Car la violence s'invite de plus en plus dans les mouvements sociaux et écologiques. Or, comme le dit Laurent Berger, les gilets jaunes ont obtenu pour partie gain de cause en cassant là où les syndicats défilants pacifiquement n'ont rien arraché.

Vous parliez de l'Assemblée nationale et de l'absence de majorité absolue. Est-ce que ça conduit à un blocage institutionnel ou à l'impossibilité de mener des réformes d'ampleur ?

La seule réforme d'ampleur qu'il est impérieux d'engager, c'est la transition écologique. Elle peut recueillir une adhésion majoritaire dans l'opinion, mais aussi au Parlement, lequel a réussi à adopter deux lois sur le nucléaire et sur les énergies renouvelables avec des majorités différentes ! Donc, il y a des sujets où des convergences sont à notre portée. Commencer le quinquennat par la réforme des retraites n'était pas la meilleure façon d'en créer. Des consensus sont également possibles sur la Défense, je l'ai constaté lors du débat sur la Loi de programmation militaire. Je suis sûr aussi qu'un nouvel acte de décentralisation recueillerait également une large approbation au Sénat comme à l'Assemblée.

La gauche lors du premier mandat et les LR, aujourd'hui refusent la main tendue de l'exécutif. Le « en même temps » d'Emmanuel Macron est-il en train de se retourner contre lui au point de créer une paralysie politique ?

C'est un risque. Ce n'est pas une fatalité. Les erreurs qui sont commises au début d'un mandat n'apparaissent pas immédiatement comme telles mais elles compliquent sérieusement l'adoption des réformes et compromettent les résultats à la fin. Si Emmanuel Macron, au lendemain de sa victoire en 2017 face au Rassemblement national et après la déconfiture des deux grands partis républicains, avait constitué une véritable coalition politique autour d'un contrat clair, il aurait pu asseoir durablement une majorité. Ne l'ayant pas fait en 2017, il était difficile de la proposer en 2022. Les LR avaient été battus, humiliés même. Ils n'étaient pas disposés à rejoindre le responsable de leur malheur. Quant au PS, il s'est réfugié dans un sauve-qui-peut au sein de la NUPES, et n'était pas, à juste raison, disposé à jouer les roues de secours d'un gouvernement sous pression de la droite. Sans coalition, un gouvernement n'est néanmoins pas empêché de gouverner, à condition qu'il prenne des sujets qui répondent à une exigence nationale, ou qui offre la perspective d'un destin commun (le climat, la cohésion territoriale, la reconquête industrielle).

Le président obtient pourtant des résultats au plan économique. Le chômage recule. Des usines rouvrent. Et pourtant l'extrême droite ne s'est jamais aussi bien portée. Où est le problème ? Sa personnalité déplaît-elle à ce point ?

La France va mieux économiquement, même si la croissance est quasi nulle, mais elle va mal politiquement sans être socialement harmonieuse. Nous étions dans l'illusion qu'il suffirait que le chômage recule pour que le pays retrouve confiance et optimisme. C'était sans doute l'une des conditions, mais ce n'était pas la seule. Pour qu'un pays aille mieux, il a besoin d'une espérance autour d'un projet collectif. Or, la succession de crises a obscurci le regard dans l'avenir. La crise sanitaire a isolé pendant plusieurs mois la totalité de la population, elle a dégradé la situation des plus fragiles et a cassé les relations sociales. Quant à la guerre en Ukraine, elle a créé une angoisse supplémentaire, y compris en faisant resurgir la peur de l'arme nucléaire. Sans oublier le climat qui, sur les jeunes, pose désormais le problème des conditions de leur propre existence. Bref, la société attend d'être rassurée. Et l'une des façons d'y parvenir, c'est de restaurer le cadre d'une vie politique permettant à plusieurs projets de se faire concurrence, ouvrant des possibilités d'alternance et cantonnant les extrêmes. C'est tout le contraire aujourd'hui. Les populistes fracturent le pays et exploitent toutes les failles de la démocratie. Ce qui fait la force d'une Nation, c'est bien sûr ses performances économiques, ses résultats commerciaux, son indépendance financière mais surtout sa stabilité politique. Pourquoi l'Allemagne, malgré les bouleversements provoqués par l'invasion de l'Ukraine, qui l'obligent à un changement de modèle, garde son cap ?  C'est grâce à la présence durable de grands partis au pouvoir ou dans l'opposition qui isolent une extrême droite qui resurgit dangereusement ! Pourquoi le Royaume-Uni, qui avec le Brexit traverse une crise sérieuse, tient quand même ? C'est grâce aux deux partis qui se font compétition mais chaque Britannique sait que lorsque les conservateurs auront échoué, ce sera le tour des Travaillistes et inversement. En France, nul ne sait dans quelle direction politique va aller le pays dans les quatre ans qui viennent et a fortiori au-delà de 2027 !

Justement à propos des partis, le PS peut-il encore se rénover ou a-t-il le destin d'un astre mort ?

Le PS a le destin qu'il voudra se donner. S'il est en difficulté, ce n'est pas parce qu'il a gouverné. Quoi qu'on ait pensé de ce que j'ai fait au pouvoir ou de l'action de mes prédécesseurs de gauche, j'estime que la comparaison reste plutôt en notre faveur. Expier je ne sais quelle erreur commise hier ne sert à rien, ce qui compte c'est ce que le PS peut proposer aujourd'hui, en s'appuyant sur les acquis de sa gestion. Or, je regrette que le PS cherche à trop souvent effacer son histoire, son identité et son bilan, au nom d'une union dont il a renoncé pour le moment à être le pôle principal ! Donc, la seule façon pour le Parti socialiste de se succéder à lui-même, c'est de s'affirmer, de proposer, de travailler, et ainsi d'offrir une perspective sans pour autant rompre avec le reste de la gauche. L'union a été de tout temps un combat. Si François Mitterrand avait cédé au Parti communiste au moment de la rupture du programme commun, jamais il ne serait devenu président de la République en 1981. Si Lionel Jospin avait fait la politique de ses alliés, jamais il ne serait arrivé aux responsabilités en 1997. Si je n'étais pas moi-même en 2012 arrivé en tête de la gauche, jamais la victoire n'aurait été possible. Aujourd'hui, le redressement du Parti socialiste est la seule condition pour que la gauche gagne. Avec LFI comme axe principal, c'est la défaite pour l'éternité.

La gauche doit-elle partir unie l'an prochain aux élections européennes ou bien faire listes séparées ?

Le PS doit porter haut et fort ses convictions et s'arrimer à la gauche européenne. Ce débat devrait être déjà tranché. Il doit présenter une liste la plus rassembleuse possible (en réconciliant tous les socialistes, ceux qui le sont encore et ceux qui se sont éloignés), pour couvrir l'espace politique le plus large. Ce serait une façon d'être en cohérence avec son histoire et avec ses responsabilités, parce que l'Europe doit avancer sur un certain nombre de questions, notamment sur la Défense et le climat. Ce serait enfin une manière d'amorcer la refondation de la gauche. Avec un score à deux chiffres, la liste socialiste pourrait contribuer à une nouvelle ambition. Car c'est sur sa ligne que la gauche peut espérer accéder au second tour de l'élection présidentielle, pour la gagner. Pas sur celle qui divise au lieu d'apaiser.

Vous croyez vraiment que le clivage droite-gauche va se reconstituer après les années Macron comme s'il ne s'était rien passé...

S'il ne se reconstitue pas, nous retrouverons le schéma que nous connaissons bien depuis deux élections présidentielles : celui qui oppose l'extrême droite à un mouvement central qui ne correspond à rien sur le plan idéologique et qui a de moins en moins de force et de vitalité dans l'opinion. L'espace du « en même temps » s'épuise et le plafond de verre est craqué de toutes parts. Les partis républicains, de gauche comme de droite, ont une responsabilité historique. Ils doivent d'ici à 2027 travailler pour offrir une alternance.

Bernard Cazeneuve peut-il incarner le renouveau de la gauche ? Doit-il être candidat aux européennes ?

Il a pris une initiative utile, elle a permis de faire apparaître les attentes d'une bonne partie de la gauche pour une nouvelle construction politique. Mais ce mouvement doit se faire avec le PS. Pour les européennes, la question est moins celle de la tête de liste que celle de la liste elle-même, de sa composition, de son programme, de ses soutiens. Ce qui est certain, c'est que cet espace politique fait de différentes sensibilités a besoin d'une « synthèse », c'est la seule méthode pour drainer un électorat composite mais résolument pro-européen. Car les temps ont changé. Je constate qu'aujourd'hui plus aucune famille politique ne propose que notre pays quitte l'Union européenne, même les populistes veulent y rester. De ce point de vue, l'Europe a gagné.

Dans les sondages vous renouez avec la popularité. Que comptez-vous en faire ?

Je n'ai pas toujours eu cette faveur. Je ne la néglige pas mais je reste lucide. J'en connais les raisons. La première est traditionnelle. « La République était belle sous l'Empire », autrement dit les Français ont toujours un peu de nostalgie envers ce qui a été. Cette reconnaissance vaut pour tous les présidents dès lors qu'ils ne le sont plus ! La deuxième raison, c'est qu'au regard de l'avalanche des critiques qui m'ont saisi à peine suis-je entré en fonction, il y a une lente mais constante remise en lumière de ce que nous avons réussi. Même mon idée d'une présidence normale, qui a hier été mal comprise, est aujourd'hui perçue différemment. C'était une présidence simple et respectueuse, mais néanmoins une présidence qui savait exercer l'autorité dans les moments les plus graves. Enfin, la troisième raison de ce retour partiel en grâce, c'est le défaut d'incarnation. Si la gauche avait su faire émerger des personnalités qui s'étaient installées comme des présidents virtuels, ce qui aurait été souhaitable, nul n'aurait besoin de regarder vers ceux qui ont déjà gouverné. Quoi que je pense de Jean-Luc Mélenchon sur le fond, je reconnais qu'il a su incarner une radicalité. François Ruffin, avec son sens de la mise en scène et son intelligence des situations, réussit lui aussi à susciter l'intérêt. La famille socialiste, pour l'instant, malgré ses figures locales ou régionales qui représentent une génération talentueuse (Carole Delga, Hélène Geoffroy, Michael Delafosse ou Nicolas Mayer-Rossignol), peine à trouver un leader. Pour ma part, je veux les aider à accomplir leur chemin.

Quand vous faites votre bilan de président de la République, quel est votre principal regret ?

Mon premier regret est de ne pas m'être représenté même si l'issue n'eut pas forcément été favorable. C'eut été un moyen de défendre mon bilan. Ça supposait que ma famille politique soit unie pour me soutenir. Tel n'était pas le cas. On me proposait de concourir dans une primaire ! L'autre regret, c'est qu'on en fait jamais assez sur l'école de la République. J'avais mis les moyens nécessaires mais je ne suis pas allé assez loin dans les réformes structurelles. Après, il y a l'épisode controversé de la déchéance de nationalité. J'observe que la droite le ressort à propos des émeutiers qui sont d'ailleurs tous Français à 90%, alors qu'une partie des LR avait fait obstacle à l'adoption du texte.

La loi sur l'interdiction du cumul des mandats n'a-t-elle pas aggravé le fossé entre les Français et leurs parlementaires ?

Je vois bien des effets qui n'étaient pas souhaités puisque les responsables des grandes villes ou des régions ne siègent plus au Parlement. Je relève aussi ce que cette réforme a pu avoir de positif pour les élus locaux désormais totalement investis dans leur tâche. Mais si un certain nombre de députés sont totalement coupés du terrain, ce n'est pas dû au cumul des mandats mais à leur inexpérience ou à leur manque d'implantation. Ce serait très difficile de faire accepter aux Français le retour du cumul, il serait regardé comme un privilège avec le retour d'un absentéisme délétère. Par ailleurs, il faudrait alors changer profondément le fonctionnement du Parlement. Il ne devrait plus siéger que six mois par an et permettre une large délégation de votes. Ce qui existait quand j'ai été élu député en 1988 !

Comment qualifieriez-vous votre relation avec Emmanuel Macron?

Minimale.

Il semble préférer déjeuner avec Nicolas Sarkozy plutôt qu'avec vous...

J'ai remarqué. Il doit y avoir un message politique.

L'Europe est confrontée à une montée de l'extrême droite. Y a-t-il un risque de voir le prochain Parlement européen bloqué par les extrêmes ?

Non, tout laisse penser qu'il y aura une poussée de l'extrême droite. Mais dans ce système politique européen fondé sur la proportionnelle, les populistes resteront minoritaires. Ce qui est possible en revanche, c'est que la droite européenne (le PPE) rompe ses liens avec les sociaux-démocrates européens (le PSE) pour préférer une alliance avec les libéraux et une frange de la droite dure. Or, depuis la première élection du Parlement européen au suffrage universel, c'est toujours cette cohabitation entre PSE et PPE qui a fait avancer l'Europe. Ce sera tout l'enjeu du scrutin européen de 2024 !

En Ukraine, la contre-attaque de l'armée de Zelensky semble reprendre du terrain pas à pas malgré l'aide massive des Etats-Unis et de l'Europe. La partition du pays est-elle de facto inévitable ?

Oui, c'est le calcul de Vladimir Poutine. Il a renoncé à son objectif premier, c'est-à-dire la conquête de l'ensemble de l'Ukraine et il essaie de figer le front avec une ligne de démarcation qui pourrait être demain celle de la partition. Pour contrecarrer cette manœuvre, il n'y a pas d'autre solution que d'aider massivement l'Ukraine à récupérer le maximum de territoires. L'échéance à laquelle Poutine réfléchit, ce sont les élections aux Etats-Unis, la présidentielle et celle pour le Congrès. Il espère en cas de victoire des Républicains, que l'aide américaine diminuera, voire sera suspendue.

Vladimir Poutine est-il aussi fragilisé qu'on ne le dit après le vrai-faux putsch du chef de la milice Wagner ?

Oui. Poutine est très sensible, comme dans tous les régimes autoritaires, à son image, celle renvoyée à l'intérieur comme à l'extérieur. Un dictateur doit faire peur à ses concitoyens pour être respecté. Or, il a montré une fragilité et surtout, il a été victime de la créature qu'il avait lui-même engendrée. Cette mutinerie l'a tourné en ridicule. Il n'y a rien de pire pour un autocrate que d'être défié par son propre cuisinier, le cuisinier, dans tous les sens du terme d'ailleurs, y compris le pire, celui chargé des plus basses œuvres en Syrie et en Afrique.

Les efforts d'Emmanuel Macron pour réconcilier la France et l'Algérie sont-ils vains ?

Il n'est pas le premier à avoir essayé et, sans doute, pas le dernier. Je pense qu'avec l'Algérie, il faut à la fois faire les actes mémoriels nécessaires, mais ne pas être entraîné dans les seules évocations d'un passé douloureux. Mieux vaut se concentrer sur l'avenir. Le passé empêche d'avancer, nous dit-on. C'est vrai surtout quand il est mal réglé. Mais nous devons convaincre les dirigeants algériens que nos deux pays ont des intérêts communs qui exigent des dépassements et que la France et le Maghreb ont tant à faire ensemble. Le problème aujourd'hui, c'est que la France a du mal à parler avec l'Algérie, mais peine à reprendre langue avec le Maroc. Ce qui fait beaucoup.

Le chef de l'Etat a dû annuler en quelques mois une visite du roi Charles III en France et renoncer à une visite d'Etat en Allemagne. La situation intérieure affaiblit-elle durablement la position diplomatique de la France ?

Non. La place de la France demeure forte en Europe. Sa voix est entendue dans le monde. C'est plutôt notre image qui est en cause. Les régimes autoritaires tentent de nous affaiblir en nous disqualifiant auprès de notre propre population. Que le ministre des Affaires étrangères iranien ait pu demander à la France « un peu de retenue » par rapport au traitement des manifestations et aux violences policières qui touchent les musulmans, c'est inadmissible quand on songe que son régime a tiré à vue sur les contestataires et pend ses opposants... La France à côté de l'Iran est un pays où il fait bon vivre.

A un an des JO de Paris dont vous aviez le premier lancé l'idée, Paris est-elle prête à accueillir cet événement sportif planétaire ?

Oui. Tous les acteurs consacrent des efforts considérables pour être prêts et pour faire de cette fête un succès international et une fierté nationale. Cet objectif est encore plus grand après ce qui vient de se produire.

Quels seraient vos invités (personnages morts ou vivants) pour un dîner parfait ?

Ayant eu la chance de connaître François Mitterrand, j'aimerais inviter Léon Blum. Son histoire personnelle est passionnante. Elle est aussi tragique. Il a montré dans des circonstances historiques un courage exceptionnel. Il aimait la littérature, la poésie, la peinture. Bref, un merveilleux convive.

En quoi souhaiteriez-vous vous réincarner ?

En moi-même.

Qu'aimeriez-vous sur votre épitaphe ?

Ci-gît un homme qui a aimé la vie pour mieux la changer.

Si c'était à refaire, quel métier aimeriez-vous exercer ?

Professeur. J'ai enseigné pendant plus de 10 ans à Sciences Po.

De quoi rêviez-vous enfant ?

De football et de politique. Je rêvais d'en faire. J'étais sans doute plus doué pour l'un que pour l'autre.

Où aimeriez-vous être en 2027 ?

Chez moi en Corrèze à attendre les résultats de l'élection présidentielle comme je l'ai fait en 2012.

Commentaires 9
à écrit le 13/07/2023 à 14:08
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Désolé pour lui mais l'histoire ne repasse jamais le plat .

le 14/07/2023 à 8:46
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dans un 1er temps trouver une personne qui puisse dire non a la fois a bruxelles et a l'allemagne une personne qui pense france et rien que france pas un reve de dollard comme notre ministre des finances qui attend de partir pour les usa

à écrit le 13/07/2023 à 12:38
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Il faut rendre à Hollande ce qui lui appartient. Ca a été très laborieux, illisible, déjà parce que ça déplaisait à l'aile gauche du PS qui critiquait son ex-patron pour motif qu'il faisait une politique trop à Droite. Beaucoup de bavures, et erreu...

à écrit le 13/07/2023 à 8:25
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C'est lui qui a installé son "poulain" à l'Elysée après avoir appliqué ses conseils en économie, et il ne sait pas où on va ? Il est si mauvais que ça ?

le 13/07/2023 à 13:17
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la renaissance ! gouvernance par effet d annonces et de promesses. ?

à écrit le 13/07/2023 à 8:07
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Mr Hollande devrait se taire! il n'a jamais su prendre une décision comme président! Quant au Ps c'est lui qui l'a conduit là ou il en est! La réforme des retraite il sait bien que lui ne l'aurait jamais faite !! il faut décider trancher mais cela il...

à écrit le 13/07/2023 à 7:53
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ce n'est pas nul ne sait mais nul ne voeux rectifier la situation 1 eliminer le cancer qui touche la france (lfi) et ces soutiens de gauche et des medias complice et de la pensee unique du president une france pour tout ceux qui veulent etre fra...

à écrit le 13/07/2023 à 7:51
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ce n'est pas nul ne sait mais nul ne voeux rectifier la situation 1 eliminer le cancer qui touche la france (lfi) et ces soutiens de gauche et des medias complice et de la pensee unique du president une france pour tout ceux qui veulent etre fra...

à écrit le 12/07/2023 à 23:24
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Le grand YAKA-YFOKON-YRESPUKA est reviendu

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