C'est une vague qui déferle sur la France, celle des mouvements de grève. Un peu partout dans les entreprises, les salariés entament des mouvements de protestation pour réclamer des hausses de salaire.
En cause, l'inflation qui atteint des sommets depuis plusieurs mois. La hausse des prix a, en effet, continué à grimper en mai, à 5,2% sur un an, selon les derniers chiffres de l'Insee. Elle dépasse désormais les 5% pour la première fois depuis septembre 1985. En avril, la hausse des prix atteignait 4,8% sur un an, ce qui constituait déjà un record, depuis, cette fois, le mois de novembre 1985. Elle s'explique largement par l'accélération des prix de l'énergie (+27,8% en mai après +26,5%), des services (+3,2% après +3%), de l'alimentation (+4,3% après +3,8%) et des produits manufacturés (+3% après +2,6%).
Une hausse des salaires trop faible
Pourtant, les salaires ont bel et bien augmenté. D'une part, le salaire minimum, SMIC, a été revalorisé le 1er mai 2022 de 2,65% suivant ainsi l'évolution à la hausse de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) des ménages les plus modestes, comme le prévoit la loi. D'autre part, selon une étude menée par la Banque de France sur les hausses de salaire négociées pour 2022, ils ont connu une hausse entre 2,5% et 3,5% dans beaucoup de branches alors qu'elles oscillaient en moyenne autour de 1% depuis 2014. Des hausses plus ou moins significatives selon les branches dont celle de l'automobile qui a revalorisé les salaires à hauteur de 4,5% en avril 2022. Dans le secteur de la restauration aussi, les travailleurs ont obtenu, à l'issue de plusieurs semaines de négociation, une augmentation moyenne de l'ensemble de la grille salariale de 16,33% et une rémunération minimum supérieure à 5% du SMIC.
Mais dans l'ensemble, ces revalorisations restent en dessous de la progression de l'inflation au grand dam des salariés français dont beaucoup peinent à joindre les deux bouts. Dans l'espoir de voir leur rémunération revalorisée, les travailleurs se mobilisent donc aux quatre coins de la France, dans les petites entreprises comme au sein des gros groupes et dans de nombreuses branches. C'est le cas notamment dans le secteur aérien, particulièrement touché par ces débrayages. Le 9 juin dernier, le personnel de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle a mené une grève conduisant à l'annulation d'une centaine de vols dans la matinée, un quart environ du programme prévu, et des retards allant de 30 à 45 minutes en moyenne pour les autres. Et le mouvement social devrait se poursuivre. L'intersyndicale des personnels des aéroports parisiens a appelé le lendemain à « renforcer et élargir le mouvement » en lançant une nouvelle grève « à partir du 1er juillet », juste avant les grands départs en vacances.
La semaine dernière, du lundi au vendredi, c'est le ramassage des ordures qui s'est retrouvé paralysé dans plusieurs arrondissements de la capitale suite à un mouvement de grève des conducteurs de camions poubelles de la Ville de Paris.
Toujours dans la capitale, les syndicats de la SNCF et de la RATP ont appelé à la grève vendredi, jour de la finale du Top 14 de rugby entre Castres et Montpellier organisée au Stade de France. Les lignes A, B, C et D du RER sont concernées par l'appel, ainsi que les lignes H, J, K, L et R du Transilien.
La chaîne de parfumerie, Marionnaud, a, elle, été touchée par une grève nationale. Ils étaient plus d'une centaine le 24 mai à manifester devant le siège du distributeur de produits de beauté à Paris ainsi qu'à Marseille, Toulouse, Strasbourg ou encore à Lyon. Les employés étaient rassemblés pour réclamer des hausses des salaires, mais aussi dénoncer de mauvaises conditions de travail.
L'énergie fortement impactée
Le secteur de l'énergie n'est pas épargné. Le 2 juin dernier, des dizaines de milliers de foyers et d'entreprises ont été touchés par des coupures d'électricité de quelques heures en raison d'une grève d'agents de l'énergie chez EDF, RTE et Enedis. Par ailleurs, la CGT a appelé les 35.000 salariés français de TotalEnergies à une grève de 24 heures le 24 juin prochain. La grogne grimpe d'autant plus que la major pétro-gazière a enregistré des bénéfices record au premier trimestre. En janvier dernier, le dernier accord pour les salaires prévoyait une augmentation générale de 2,35% avec un plancher de 1.000 euros brut, mais il a depuis été jugé insuffisant au vu de la hausse des prix. Une autre journée de mobilisation est prévue le 28 juin à l'échelle de tout le secteur alors que les négociations sur les salaires avec le patronat des industries électriques et gazières (IEG) sont dans une impasse, selon les syndicats.
Ailleurs que dans la capitale, les mouvements de protestation se multiplient également. Le 10 juin, une grève impliquant plusieurs centaines de personnes s'est déroulée chez le fabricant français de substrat pour semi-conducteurs Soitec près de Grenoble. Les salariés du maroquinier de luxe Arco à Châtellerault dans la Vienne ont, eux, mené une grève de 2 jours et demi avant de se voir promettre une augmentation de 128 euros bruts par mois. Lundi 20 juin, ce sont deux importantes entreprises spécialisées dans l'aéronautique basées à Figeac dans le Lot qui étaient paralysés par des mouvements de protestation : une grève illimitée au sein de Ratier et un débrayage chez Figeac Aéro de 12 heures à 14 heures.
Des mouvements similaires en Europe
La France n'est pas un cas isolé. Ailleurs en Europe, les grèves se multiplient aussi à commencer par le Royaume-Uni qui connaît la plus grosse grève de ses cheminots en trente ans. De fortes perturbations se feront ainsi ressentir sur le réseau ferroviaire à partir de ce mardi et jusqu'à dimanche. Comme en France, les cheminots demandent des hausses salariales et dénoncent une dégradation de leurs conditions de travail. En Belgique, tous les vols au départ de l'aéroport le plus fréquenté du pays, celui de Bruxelles-Zaventem, étaient annulés, lundi, suite à une grève des agents de sécurité, sur fond de mobilisation nationale des syndicats pour les salaires.
Quant à la compagnie aérienne, Ryanair, elle connaît des mouvements de mobilisation dans plusieurs pays où elle est présente comme l'Italie, l'Espagne ou encore le Portugal et la Belgique. Ce qui n'a pas inquiété pour autant son dirigeant, Michel O'Leary, qui a taxé des syndicats grévistes de "Mickey", en minimisant les menaces de grève. Mais face à un été marqué par une forte reprise de l'activité du secteur aérien, le PDG devra probablement se poser à la table des négociations s'il ne veut pas voir ses vols perturbés tout l'été.