
Bruno Le Maire s'impatiente. Les négociations avec les industriels « ne vont pas assez vite », a estimé lundi soir le ministre de l'Économie sur France 5. Pour lui, « certains industriels, certaines grandes multinationales industrielles jouent la montre ». Il a aussi rappelé que les 75 plus gros industriels de l'agroalimentaire se sont engagés à rouvrir des négociations commerciales avec les distributeurs.
« Je rassemblerai les industriels de l'agroalimentaire et les représentants des distributeurs dans les jours qui viennent », a annoncé le ministre. Il a également précisé que si des négociations ne s'ouvraient pas avant le 15 juin, elles n'auraient « aucun effet sur les prix en septembre et en octobre ».
Publication d'une liste des bons et mauvais élèves
« Avant la fin du mois de juin, je publierai la liste de tous les industriels de l'agro-alimentaire qui ont joué le jeu et la liste des industriels de l'agroalimentaire qui ont refusé de revenir à la table des négociations et qui n'ont pas voulu faire baisser les prix de détail alors que les prix de gros baissent », a ajouté Bruno Le Maire.
Le ministre a par ailleurs averti : « Nous utiliserons l'outil fiscal pour aller rechercher dans les marges des grands industriels, qui sont élevées et qui se redressent, les prix qu'ils n'ont pas voulu donner aux consommateurs lors des négociations commerciales du printemps ».
Selon les informations de La Tribune, cette contribution exceptionnelle serait mise en place dans le projet de loi de finances 2024. Elle serait temporaire et porterait sur le chiffre d'affaires. A quelle hauteur ? « Le risque c'est que ce soit plus un symbole qu'une véritable sanction », assure un l'économiste Elie Cohen, qui note toutefois que c'est le seul pays où le gouvernement met ainsi la pression pour la réouverture de négociations entre entreprises privées.
Des bons points pour les distributeurs
Le ministre de l'Economie a salué les distributeurs « qui ont tous accepté de prolonger jusqu'à la fin de l'année 2023 l'opération du trimestre anti-inflation qui devait s'arrêter le 15 juin ». Depuis le 15 mars et pour une période initiale de trois mois, la plupart des distributeurs s'étaient engagés à vendre une sélection de produits au « prix le plus bas possible », une formule qui leur laisse une grande liberté de manœuvre.
L'impatience de Bruno Le Maire est d'autant plus compréhensible que le pouvoir d'achat est la première préoccupation des Français. Selon une étude de l'Ifop dévoilée la semaine dernière, une majorité d'entre eux admet avoir du mal à boucler leur budget, en particulier ceux qui gagnent moins de 2 000 euros net par mois. Près d'un tiers des ménages vit avec moins de 100 euros dès le 10 du mois. Un tiers des Français en vient à sauter régulièrement un repas.
La consommation, qui est l'un des principaux moteurs de la croissance, a d'ailleurs accentué sa baisse en avril. Elle a chuté de 1%, après -0,8% en mars et -0,3% en février, du fait d'une moindre consommation en énergie comme en produits alimentaires.
« Normalement, quand il y a une chute, cela rebondit après. Ca ne rebondit pas », constate Charlotte de Montpellier, économiste chez ING. « C'est clair : les perspectives économiques s'assombrissent très nettement et très rapidement », a-t-elle commenté. « iI faudra probablement s'attendre à un deuxième trimestre plus faible que le premier » en termes de croissance.
Le ministre de l'Economie a dû aussi entendre Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE) qui, lundi, expliquait que les prix en zone euro restent sous « pressions fortes », en dépit d'un ralentissement de l'inflation sur un an en zone euro à 6,1% en mai, après 7% en avril, loin du record à 10,6% atteint en octobre.
(Avec AFP)