Jean-Michel Aulas, patron féministe

Figure historique du football français et de l’Olympique lyonnais qu’il a présidé pendant 36 ans avant d’être écarté en mai dernier par le nouveau propriétaire, l’homme d’affaires américain John Textor, Jean-Michel Aulas n’a pas été seulement un dirigeant sportif football à succès, il a également brillé sur le terrain de l’entrepreneuriat avec la société informatique Cegid qu’il a créée de toutes pièces en 1983 pour la revendre en 2007 après l’avoir dirigée avec maestria pendant un quart de siècle. A 74 ans, celui qui reste président d’honneur de l’OL commence à digérer son départ sans ménagement. Il vient de monter une société avec son fils et se dit prêt à relever de nombreux défis au service du football féminin, notamment. Retour sur cet incroyable parcours par Bruno Jeudy.
(Crédits : DR)

« A ma mère. » La dédicace de son livre-autobiographique est à la fois banale et éclairante sur un homme que les Français, surtout ceux qui suivent le football, ont appris à connaître. Jean-Michel Aulas est l'une des figures du ballon rond tricolore. Le physique passe-partout de l'ancien président de l'Olympique lyonnais s'est imposé pendant presque quatre décennies durant lesquelles il a fait la pluie et le beau temps dans l'un des clubs les plus prestigieux du pays. L'égal d'un Bernard Tapie, la gouaille en moins mais l'autorité chevillée au corps dès lors qu'il fallait défendre les intérêts de son club qu'il a porté tout en haut de l'affiche : 76 titres gagnés entre 1987 et 2023, toutes compétitions confondues ! En 2021, le magazine France football le désigne comme le meilleur président de l'histoire du football français.

Fan de Cohn-Bendit en 68

On sait moins, en revanche, que Jean-Michel Aulas a créé l'un des plus grands groupes informatiques au monde, la Cegid, leader de l'édition de logiciels professionnels. Société qu'il a revendue à un groupe américain en 2016 comme son club de football cette année. Lyonnais d'adoption (ndlr, il est né à L'Arbresle, un village du Beaujolais en 1949), ce fils d'enseignant (père prof de Français et mère prof de maths) se préparait à une carrière de prof de gym. Son rêve ne se réalisera pas à cause d'une grave blessure au dos lors d'un match de hand-ball. Jeune, il n'était pourtant pas très foot. Bernard Tapie lui inoculera le virus. Avant cette période, le jeune Aulas vit intensément mai-68. Le jeune délégué UNEF vibre en assistant à un meeting de Dany Cohn-Bendit mais il tire une leçon bien différente du slogan « il est interdit d'interdire ». Avec pour diplôme un simple BTS, il crée en effet avec des copains sa première entreprise en ...1969.

L'esprit d'entreprise ne le quittera plus. Manager dans l'âme, il tâtonne. Cherche sa voie et finit par fonder la Cegid. Il comprend vite l'intérêt du « personnal computer » pour la comptabilité des entreprises. La suite est une formidable réussite avec un groupe qui emploie plus de 4.000 personnes au moment de son rachat par Silverlake. Sa fortune personnelle était estimée en 2021 à 420 millions d'euros.

Engagé dans le foot féminin au nom de sa mère

A 74 ans, l'homme d'affaires a toujours des projets et a monté une société avec son fils. Une de ses grandes satisfactions. Père et fils s'étaient perdus de vue après son divorce très jeune. Depuis, le père rattrape le temps perdu et forme, à l'entendre, un « couple très fort » avec son fils. Jean-Michel Aulas, qui n'en finit de guérir ses blessures, va aussi combler un autre manque : celui de sa mère qui s'est suicidée lorsqu'il avait 27 ans. Il faut l'entendre parler avec beaucoup d'émotion de cette mère partie trop tôt. Cette mère qui lui a inculqué les valeurs d'égalité entre les hommes et les femmes. Lui-même admet que son engagement dans le football féminin - à l'OL d'abord puis au niveau national - est une sorte d'hommage maternelle. Son engagement pour développer le championnat de France de football féminin puise dans cette blessure originelle. Tout comme son investissement bénévole dans la réussite de l'équipe féminine qu'il espère voir décrocher l'or l'an prochain aux JO de Paris.

Macron l'a sollicité pour présider la fédération

Personnalité plus complexe qu'on ne le croit, Jean-Michel Aulas n'est pas seulement un chef d'entreprise et un président de club de football à qui tout a réussi. C'est un homme de valeurs et de vision qui a le cœur qui penche à gauche. Il avoue un faible pour Emmanuel Macron et a longtemps été le premier soutien du maire de Lyon quand celui-ci s'appelait Gérard Collomb. Il est beaucoup plus dubitatif sur l'écologiste Grégory Doucet qui l'a remplacé à la tête de la capitale des Gaules. Il admet que l'évolution récente du foot, avec les clubs-Etats directement dirigés par les pétromonarchies ou des fonds d'investissements américains, ne lui convient plus. Il regrette que les autorités françaises et surtout européennes aient renoncé à réguler le football. S'il a vendu à regret son club, il confie que le foot sera « interdit » demain aux investisseurs traditionnels compte tenu de l'évolution du foot business. « Notre sport est entré dans une spirale infernale en matière de masse salariale », écrit-il dans son livre* avec une vraie pointe d'inquiétude. Parti amer, y compris vis-à-vis de son repreneur, l'Américain John Textor, qui l'a remercié sans ménagement, Jean-Michel Aulas commence à digérer. « L'Olympique lyonnais reste et restera mon âme et mon enfant », nous confie-t-il dans un gros soupir.

Homme d'entreprise, il s'est lancé dans de nouveaux défis avec son fils et au service du football féminin. Certains l'ont imaginé à la tête de la fédération française de football après la piteuse éviction de Noël Le Graët. « De grands hommes m'ont appelé », dit-il sans plus de détails. Selon nos informations, Emmanuel Macron mais d'autres l'auraient soutenu sans l'ombre d'un doute. « J'ai été en première ligne pendant quarante ans, ça use, assure-t-il de manière sincère. Je veux désormais œuvrer en deuxième ligne pour faire avancer les dossiers qui me tiennent à. Cœur. » Une façon de se réinventer pour ce boulimique de travail.

* « Chaque jour se réinventer » de Jean-Michel Aulas, éditions Stock, 267 pages, 20 euros.

Commentaire 1
à écrit le 20/07/2023 à 6:40
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"commence à digérer son départ sans ménagement" Personne ne l'a forcé à vendre son club et qu'il se dirige vers le foot féminin est une bonne chose étant donné qu'en effet c'est un précurseur en la matière. Mais le problème que subira toujours le spo...

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