
A moins de 100 jours du premier tour du scrutin, la déferlante Omicron chamboule la campagne présidentielle. La propagation accélérée du variant Omicron dans les chaînes de contamination oblige la plupart des candidats à l'Elysée à limiter les réunions et les meetings depuis plusieurs semaines. La détérioration de la situation sanitaire ces dernières semaines trouble profondément la bataille électorale. Dans ce contexte brouillé, les membres du cercle des économistes veulent remettre l'économie au centre des débats.
"Jamais, nous n'avons eu un contexte économique aussi incertain. Nous ne savons pas quel sera l'impact de la pandémie sur la croissance dans les mois à venir [...] Notre conviction est que le débat n'aura pas lieu. Les candidats sont concentrés sur la situation sanitaire, l'immigration et la sécurité. Les candidats ne devraient pas prendre de risques sur les débats du quoi 'qu'il en coûte'", a déploré Jean Hervé Lorenzi, le fondateur du cercle de réflexion lors d'un point presse ce jeudi 13 janvier.
Le dossier brûlant du pouvoir d'achat et des salaires
La reprise économique et la poussée de fièvre des prix de l'énergie ont remis au centre des débats la question du pouvoir d'achat. "Il y a beaucoup de discussions mais elles passent à côté du point important. Aujourd'hui, il existe une croyance que si les pays vivent avec une inflation forte, les banques centrales arriveront à baisser l'inflation. Si l'inflation devenait forte, que pourrait-il se passer ? Il pourrait y avoir des tensions sur le pouvoir d'achat", a expliqué le président du cercle de réflexion Hyppolite D'Albis.
De la gauche à la droite en passant par la majorité, la plupart des candidats à la magistrature suprême ont fait des propositions en matière de salaire. Le candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot, a par exemple proposé de mettre en place un SMIC à 1.500 euros et de dégeler le point d'indice des fonctionnaires. La candidate du Parti Socialiste Anne Hidalgo, qui a présenté son programme ce jeudi 13 janvier, veut revaloriser le salaire minimum d'environ 15%, soit 200 euros par mois.
De son côté, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, lors de ses vœux à la presse il y a quelques jours, a proposé de baisser les cotisations pour les salaires en-dessous de 2,5 SMIC. "Au delà d'un certain niveau de salaire, une baisse des charges a peu d'impact sur le coût du travail. En revanche, c'est une manière d'entraîner du pouvoir d'achat. Il y a peu de risques de boucle "prix-salaires". En revanche, elle affaiblit le financement de la protection sociale", a ajouté Hyppolite d'Albis.
Transitions énergétique et numérique : "un gigantesque" besoin d'investissement
Le réchauffement climatique et les alertes des climatologues accélèrent la nécessité pour les Etats de faire la transition énergétique. La flambée des prix des matières premières ces derniers mois a mis en lumière l'extrême dépendance de l'Europe aux énergies fossiles. Pourtant, "il y a une très grande absence des problématiques environnementales dans la campagne. Ce qui est préoccupant. Dans l'état actuel des choses, les débats sont hors-sol par rapport à l'accélération du Fit-55 (l'objectif de réduire de 55% les émissions de CO2 d'ici 2030, Ndlr) en Europe", a affirmé Patrice Geoffron, professeur à Paris-Dauphine et spécialiste de l'énergie.
"Le problème majeur macroéconomique de la France est son énorme besoin d'investissement. Il y a un gigantesque besoin d'investissement dans la modernisation des entreprises avec la numérisation, la santé, et la transition énergétique. La transition énergétique représente un besoin d'investissement d'environ 4,2% du PIB, soit 100 milliards d'euros pendant 30 ans. Or, la France est un pays qui génère peu de revenus", a souligné Patrick Artus, économiste et conseiller de la banque Natixis lors du point presse.
La question cruciale de la jeunesse et des NEETS
Parmi les quelques thèmes évoqués par l'association qui regroupe une cinquantaine d'économistes, figure également la jeunesse. "La jeunesse doit être un débat prioritaire de la présidentielle" a poursuivi Jean-Hervé Lorenzi, ex-enseignant à l'université Paris-Dauphine. Cette catégorie des 15 et 29 ans qui représente environ 17% de la population française a subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire ces deux dernières années.
Si la situation de l'économie française s'est améliorée au cours de l'année 2021, l'insertion professionnelle des nouveaux arrivants sur le marché du travail s'est transformée en parcours du combattant. De multiples travaux d'économistes ont montré que les différentes crises avaient des répercussions importantes sur l'intégration des jeunes dans l'emploi et leur progression. "La jeunesse a un impact sur la croissance. Les gains de productivité sont liés à l'insertion des jeunes sur le marché du travail, leur niveau de qualification" a rappelé Jean-Hervé Lorenzi.
Les experts du cercle ont particulièrement mis l'accent sur les fameux NEETS (neither in employment nor in education or training - ni emploi, ni à l'école ou en formation). Ils seraient environ 1,5 million en France. "Les NEETS représentent près d'un jeune sur 1 sur 7. Cette mauvaise insertion économique est un immense gâchis. Le coût pour les finances publiques est d'environ 22 milliards d'euros",a regretté Nathalie Chusseau, professeur à l'université de Lille.
L'enseignante a notamment point les déficits en compétences scientifiques et les softs skills liées au comportement. Elle recommande notamment de porter les efforts sur "la formation tout au long de la vie". En attendant, le variant Omicron risque encore d'occuper les esprits pendant encore plusieurs semaines.