Le patron de la CFE-CGC condamne les réformes du chômage et des retraites

De passage à Bordeaux la semaine dernière, François Hommeril, président confédéral de la CFE-CGC, a rappelé pourquoi il est important de relancer un vrai dialogue entre le monde du travail et le gouvernement. Il a condamné avec fermeté une réforme de l'assurance chômage non seulement inutile mais "honteuse" et stigmatisé un gouvernement qui s'intéresse de très près aux 163 milliards d'euros de réserves nettes des caisses de retraite, tout en préparant une réforme qui, elle non plus, ne s'impose pas.
François Hommeril, président de la CFE-CGC, ici le 6 juillet 2021 à son arrivée à l'Élysée pour une réunion des syndicats, du patronat avec le président de la République pour faire un tour d'horizon de la situation sanitaire, économique et sociale du pays mais aussi autour du sujet explosif des retraites.
François Hommeril, président de la CFE-CGC, ici le 6 juillet 2021 à son arrivée à l'Élysée pour une réunion des syndicats, du patronat avec le président de la République pour faire un tour d'horizon de la situation sanitaire, économique et sociale du pays mais aussi autour du sujet explosif des retraites. (Crédits : Reuters)

Depuis sa première élection en 2016, François Hommeril, président de la CFE-CGC (Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres) réélu en 2019, n'a pas changé une note à son phrasé de tribun taillé pour les grands auditoires. Un style qui continue à trancher avec l'image convenue des cadres, techniciens et agents de maîtrise représentés par sa confédération. En tournée nationale dans les directions régionales de la CFE-CGC, François Hommeril était de passage à Bordeaux ce jeudi 17 novembre où il a rencontré la presse, après son meeting du mercredi 16 au soir, juste avant de sauter dans un train pour Mâcon.

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Géologue passé par la case chimie au sein de grands groupes miniers internationaux, comme Rio Tinto, Alcan ou Péchiney, François Hommeril n'est pas original que par sa façon de prendre la parole. S'il ne déambule pas dans les couloirs le visage couvert de poussière de minerai de cuivre, ce diplômé de l'ENSG (Ecole nationale supérieure de géologie) de Nancy et de l'Institut national polytechnique de Lorraine, a un profil qui tranche avec un secteur tertiaire où la CFE-CGC est fortement implantée, à commencer par BNP Paribas ou la Société Générale où la centrale domine les débats syndicaux.

« Sachez que nous sommes aussi le syndicat numéro un chez Renault ! », ne manque pas de souligner le président confédéral, histoire de corriger toute méprise et de rappeler que le tatouage CGT qui a longtemps collé à la peau de l'ex-Régie Renault n'est plus qu'un lointain souvenir.

Une ambiance de crise qui sape le moral des futurs salariés ?

Les temps ont bien changé et depuis les présidents Sarkozy et Hollande le paritarisme n'est plus vraiment ce qu'il était. Pas encore le souvenir d'une autre époque mais, comme les faits ne cessent de le démontrer, une pratique déjà très affaiblie par le travail de sape au long cours mené par les différents gouvernements depuis une quinzaine d'années. Et c'est bien pour la restauration de ce dialogue entre représentants du monde du travail et du gouvernement de la République que plaide tout d'abord le manifeste « Restaurer la confiance » de la CFE-CGC. Une publication annuelle qui est d'abord un outil interne.

« Ce document militant est remis à jour tous les cinq ans et soumis à l'appréciation des candidats à l'élection présidentielle, pour qu'ils nous répondent. C'est aussi un document complet où les unions régionales de la confédération doivent pouvoir piocher. Parce que nous devons nous adapter à cette ambiance de crise permanente, qui frappe de tous les côtés avec les questions environnementales, climatiques, l'inflation et maintenant la guerre. Des crises qui minent le moral des gens vis-à-vis de l'évolution de la société. Alors qu'il est vital de pouvoir continuer à se projeter dans l'avenir pour garantir l'implication professionnelle. Notre vision d'aujourd'hui c'est que, si l'on considère les positions du gouvernement et du patronat, la société française est en voie de décroissance. Parce que les espaces d'évolution, les perspectives d'avenir des salariés se sont refermées », recadre le président de la CFE-CGC.

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Tuer la financiarisation pour accéder au développement durable

Cette absence d'horizon, le leader syndical l'explique par une politique de rémunération insuffisante de la part des entreprises, qui va de pair avec une pression accrue des directions pour que les salariés « aient moins de moyens mais en fassent plus ». Situation dans laquelle le président de la CFE-CGC voit une dangereuse impasse.

« Nous considérons que l'économie a déraillé et qu'il faut remettre le train sur les rails, c'est-à-dire développer tout ce qui concourt à produire. Or, actuellement, tout ce qui est fait ne sert qu'un objectif : maximiser les profits. Ce n'est plus acceptable. C'est cette financiarisation de l'économie, qu'il faut arrêter. Les grands actionnaires ne veulent pas développer les entreprises. Tout ce qu'ils veulent c'est une rémunération optimale ! Les outils existent pour la valorisation du capital humain via la comptabilité extra-financière. Il faut les mettre en œuvre parce qu'on ne pourra pas s'atteler au développement durable dans les entreprises ni à la lutte pour la préservation du climat sans avoir réglé ce sujet », déroule en substance François Hommeril.

CFE-CGC Bordeaux

[De gauche à droite : Patrick Debaere, président CFE-CGC Nouvelle-Aquitaine, François Hommeril et Jean-François Foucart. (Crédit photo : CFE-CGC.)]

Un Medef court-circuité par les groupes internationaux

Le patron de la CFE-CGC souligne aussi l'importance de la protection sociale, qui doit correspondre aux besoins et qui ne peut pas être définie sous l'angle d'un financement qui n'est, selon lui, pas problématique. Plus pessimiste, il estime que les négociations syndicales avec le Medef ne donnent plus rien parce que le mouvement patronal est lui-même court-circuité auprès du gouvernement par les grands groupes internationaux, qui font la pluie et le beau temps dans les ministères. Une situation rendue possible « parce que le paritarisme a été tué par le gouvernement », attaque François Hommeril, convaincu que les normes sociales françaises se font progressivement détruire par l'adoption dans l'Hexagone de références internationales dans ce domaine.

Il voit dans cette mise en échec du dialogue social le moteur du recul de la participation des salariés aux élections professionnelles.

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« Bien sûr nous essayons de rajeunir notre effectif d'adhérents »

François Hommeril retient quand même un rayon de soleil dans ce paysage crépusculaire : les bons résultats de la CFE-CGC lors des élections de représentativité.

« La CFE-CGC a enregistré la plus forte progression lors de ces scrutins depuis 2008 et l'instauration des mesures d'audience pour établir la représentativité syndicale. Nous sommes ainsi la quatrième organisation syndicale représentative (derrière la CFDT, la CGT, CGT-FO -Ndr). Ces scrutins ont lieu tous les quatre ans et la CFE-CGC a progressé de près de +15 % lors des élections de 2021. Nous comptons 150.000 adhérents, avec une croissance annuelle de cet ensemble de +2 à +3 % depuis une dizaine d'années. Nous avons un taux de rotation assez important, avec les départs à la retraite. Bien sûr nous essayons de rajeunir notre effectif d'adhérents. Mais tant que l'acte d'adhérer à un syndicat sera considéré comme une agression par les directions d'entreprises, ça restera difficile. Ce qui explique que les adhésions à la CFE-CGC se fassent en deuxième partie de carrière », décrypte le président confédéral.

Une réforme de l'assurance chômage jugée "honteuse"

Concernant la réforme de l'assurance chômage, présentée ces jours-ci par le gouvernement, Jean-François Foucart, en charge de l'emploi, de la formation et de l'égalité professionnelle à la CFE-CGC attaque sa légitimité et dénonce en particulier la volonté du gouvernement d'en finir avec la filière sénior, qui permet à ces derniers de pouvoir bénéficier jusqu'à 36 mois de couverture.

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« Aucune des mesures de réduction des durées d'indemnisation envisagées ne réduira le nombre des emplois en tension. Parce que la tension actuelle n'a rien d'extraordinaire, elle est même plutôt moyenne et découle pour l'essentiel du délai existant entre licenciements et recrutements », avance Jean-François Foucart.

Un terrain sur lequel François Hommeril abonde à son tour.

« Avec la réforme du chômage, le gouvernement veut inciter les demandeurs d'emploi au retour à l'emploi. Parce qu'il y a 6 millions de chômeurs, que la moitié d'entre eux ne touche rien, et que ceux qui ont droit à quelque chose ne perçoivent que 900 euros par mois en moyenne, c'est la grande honte de cette réforme ! », s'insurge le leader syndical.

Les 163 milliards d'euros de réserves des caisses de retraite qui font envie

En ce qui concerne la réforme des retraites, le patron de la CFE-CGC confirme que son syndicat veut qu'un débat soit organisé. « Cette réforme n'est pas justifiée », tranche François Hommeril avant de préciser que les réserves brutes de financement de la retraite par répartition se montent actuellement en France à 180 milliards d'euros, soit 163 milliards d'euros net, une fois épongé notamment le déficit de 43 milliards d'euros de la CNAV (Caisse nationale d'assurance vieillesse -Ndr). Emmanuel Macron n'a pas caché qu'il comptait utiliser une partie de ce pactole pour financer certaines réformes. Ce qui change effectivement la géométrie du discours sur la capacité du régime par répartition à se financer à plus long terme, dont on peut comprendre qu'elle n'est plus vraiment au centre réel des préoccupations.

« Ces réserves ça brille pour le gouvernement, qui n'arrive pas à se financer. Il veut les ponctionner, prendre l'argent là où il est. Nous, nous disons pourquoi pas. Mais si le gouvernement, comme il l'a laissé déjà entendre, veut prélever huit à dix milliards d'euros par an sur ces réserves, il faudra que tout le monde mette la main à la poche...Et il faudra arrêter d'alléger la vie des entreprises comme cela est le cas depuis la suppression de la CVAE [Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, Ndlr]. Sans parler du CICE [Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emplo, Ndlr] qui a coûté 160 milliards d'euros en coût cumulé à la collectivité nationale pour arriver à la création de 100.000 emplois. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est France Stratégie. Ce qui fait de ces emplois les plus chers du monde ! », assène le président confédéral.

Cerise sur le gâteau d'une situation qu'il juge, à partir des projets de réforme de l'assurance chômage et des retraites, idéologiquement très chargée du côté du gouvernement, le versement record de 57 milliards d'euros de dividendes aux actionnaires en 2021 et le rachat pour plus de 10 milliards d'euros d'actions par des entreprises cotées en bourse.

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Commentaires 7
à écrit le 23/11/2022 à 10:29
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Réponse à l'attention de Mr O. Il serait intéressant de connaître l'âge de Mr O et sa fonction! A l'entendre les retraités ont une pension trop élevée. C'est un raccourci facile! Par contre, les revenus indécents de certains managers et patrons sembl...

à écrit le 22/11/2022 à 13:12
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Après la reforme le système français restera un des plus généreux. Nous sommes champions des déficits et des loisirs, et la France est en train de couler. Donc s'opposer meme à une reforme qui reste modeste c'est vraiment vouloir tuer la France. O...

le 23/11/2022 à 1:19
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Un moyen de réduire rapidement les déficits serait de plafonner les pensions de retraite et de demander aux retraités de payer davantage pour les soins, les deux plus gros postes de dépenses publiques étant de loin le paiement des pensions de retrait...

à écrit le 22/11/2022 à 10:44
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Une réforme nécessaire quand on veut combattre contre l.utilisation qu’en font certains en refusant de prendre le travail à certaines périodes de l.année et ne parlons pas du régime des intermittents du spectacle qui coute une fortune

à écrit le 22/11/2022 à 9:25
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Fallait pas voter macron ! Maintenant c'est chut !

le 22/11/2022 à 12:54
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Au contraire car Macron veut faire des réformes nécessaires que d'autres gouvernements n'ont pas osé réaliser. Quand il n'y aura plus qu'un salarié pour un retraité où trouvera-t-on le financement ?

le 22/11/2022 à 14:10
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Entre 2017 et 2022, Macron a largement changé d'électorat et il doit essentiellement sa ré-élection à l'électorat ayant voté Fillon au premier tour en 2017, des boomers ayant pour devise est "les jeunes générations doivent apprendre à faire des sacri...

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