La réforme est sans précédent. Dès le mois de février prochain, le système d'indemnités chômage va connaître un changement en profondeur. En effet, les règles d'allocation seront modulées en fonction de la conjoncture économique, comme cela se pratique aux Etats-Unis ou au Canada. Si le marché de l'emploi est favorable pour retrouver facilement un travail, les conditions d'indemnisation sont moins généreuses, et inversement.
Après avoir fait voter la semaine dernière le principe de la réforme, Olivier Dussopt le ministre du Travail, en charge du dossier, a présenté, ce lundi aux partenaires sociaux, les curseurs retenus.
Le gouvernement a opté pour le seuil de 9% de taux de chômage au sens du Bureau international du Travail pour faire varier la durée d'indemnisation. Celle-ci est aujourd'hui appliquée selon le principe un jour travaillé, un jour indemnisé. Un maximum de 24 mois est appliqué pour les moins de 53 ans, 30 mois pour les 53-54 ans et 36 mois pour les 55 ans ou plus. Mais le coefficient est modifié. Et avec la réforme, cette durée sera ramenée à 27 mois pour ces derniers.
Et pour les autres demandeurs d'emploi, quel que soit leur âge, il faut s'attendre à une baisse de 25 % de leur durée d'indemnisation. Un plancher minimal de six mois sera préservé mais lorsqu'ils arriveront en fin de droits, si l'état du marché du travail est au « rouge » - un taux de chômage au-dessus de 9% ou en progression de 0,8 point sur un trimestre-, alors leur durée d'indemnisation reviendra au niveau d'aujourd'hui. Le taux de chômage est actuellement de 7,3%.
Si, pendant trois trimestres de suite, le taux de chômage revient sous les 9% et ne connaît pas de progression supérieure à 0,8 point, la situation repassera au « vert » et la durée d'indemnisation sera réduite de 25%.
100 à 150 000 personnes de plus
Avec cette réforme, le ministre du Travail, Olivier Dussopt espère « 100.000 à 150.000 retours à l'emploi » supplémentaires en 2023. L'objectif du gouvernement, tel qu'Emmanuel Macron l'a affiché pendant la campagne, n'a pas changé : il est d'atteindre le plein emploi d'ici à 2027, soit 5 % à la fin du quinquennat.
Le gouvernement ne doute pas que ces nouvelles règles correspondent aux attentes de l'opinion publique. "Il n'y aura personne pour pleurer sur ceux qui profitent du système ", c'est en ces termes qu'un ministre de premier plan évoque d'ailleurs la réforme. « Les gens qui travaillent se disent toujours que les autres, qui sont à Pôle emploi, qui sont vus comme des assistés, s'en sortent mieux qu'eux ». C'est selon lui, un terreau d'ancrage du Rassemblement national.
Personne ne défend les chômeurs
Les syndicats de salariés l'ont aussi constaté à leurs dépens. Les Français ne sont pas tendres avec les demandeurs d'emploi. Alors qu'une fois n'est pas coutume, tous les syndicats sont unis et vent debout contre ce changement des règles, ils n'ont même pas cherché à mobiliser les Français. « On savait hélas que c'était peine perdue... en général, les gens ne descendent pas dans la rue pour défendre les demandeurs d'emploi. Dans ce contexte inflationniste, encore moins que d'habitude ... », reconnaît un leader d'une importante centrale.
Par définition, les chômeurs restent un corps social assez éparpillé..., ce qui ne facilite pas les mobilisations.
Sûr de son fait, mais pas téméraire, le gouvernement a, toutefois, pris soin de laisser de côté les intermittents, ou les dockers... Seules véritables catégories susceptibles de déclencher des mouvements sociaux, elles ne sont pas concernées par la réforme.
« Si l'opinion publique est aussi favorable à ce que l'on resserre les droits, c'est aussi parce qu'elle entend les patrons dire qu'il y avait des postes à pourvoir à foison, dans différents secteurs - comme la restauration, le commerce etc...- et que la grande difficulté consiste à trouver des candidats », rappelle par ailleurs un ministre. Le patronat s'est d'ailleurs réjoui ce lundi du durcissement des règles.
Enfin, dernier signe : le texte à l'Assemblée nationale est passé comme une lettre à la poste, presque sans débat la semaine dernière. Le gouvernement n'a pas eu besoin de dégainer un 49.3. Malgré l'opposition de la gauche, et de l'extrême droite, il a trouvé les voix suffisantes, notamment celles des Républicains, pour obtenir une majorité.
Une attente de Bruxelles
Si le gouvernement n'a pas la main qui tremble aussi pour durcir les droits des demandeurs d'emplois, c'est aussi parce que cette réforme correspond à une attente forte de nos partenaires internationaux, notamment européens. A plusieurs reprises, les Allemands ont fait savoir à la France qu'il serait bienvenu qu'elle réforme son marché du Travail, nos voisins outre-Rhin ayant adopté, il y a vingt ans, les célèbres réformes Hartz.
Ce lundi, le FMI a lui aussi appelé la France à redresser sans attendre ses finances publiques. Certes, l'institution internationale conseille au gouvernement de mieux cibler ses aides face au choc énergétique mais il lui demande aussi d'engager dès l'an prochain des réformes structurelles pour diminuer les dépenses et réduire le déficit. Parmi elles, l'assurance chômage est en haut de la pile, car susceptible de faire économiser 4 milliards d'euros rapidement au régime.
Reste la réforme des retraites...Cette dernière, en revanche, promet d'être plus difficile à faire passer dans l'opinion. Le gouvernement le sait bien. Il n'a pas prévu d'y renoncer et souhaite la faire adopter dès l'an prochain.