Les petites communes peuvent-elles négocier avec leurs banques ?

Dans un contexte économique contraint, les plus petites collectivités territoriales cherchent des marges de manœuvre financières. Profiter du niveau bas des taux de crédits en renégociant leurs prêts pourrait, à court terme, être une solution.
Mathias Thépot
Difficile de renégocier son prêt auprès de sa banque quand on est élu de petite commune.

A tous les échelons territoriaux, les préoccupations des élus se concentrent sur la loi NOTRe et la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Ces mesures impliquent pour la plupart des collectivités locales des pertes de marges de manœuvre financières. Pour en retrouver à court terme, certaines pensent à renégocier à la baisse les taux d'intérêt de leurs prêts souscrits il y a plusieurs années. Ainsi, pour des prêts de 15 et 20 ans, les taux d'intérêt fixes moyens ne s'élèvent qu'à respectivement 2,30 % et 2,58 %, selon les derniers chiffres de fin 2014 du cabinet Orféor, un cabinet spécialisé dans les finances des collectivités locales.

Certaines petites communes aimeraient notamment se donner de l'air en renégociant avec leurs banques. Mais malheureusement, celles-ci ne semblent pas très enclines à faire un geste en leur faveur. « On ne nous a pas proposé de renégociation malgré l'évolution favorable des taux d'intérêt », déplore Cédric Szabo, directeur de l'Association des maires ruraux de France. « Plus les communes sont petites, moins elles entrent dans le champ de vision des banques, ce qui peut objectivement se comprendre. Mais on est ici moins dans une logique de service que d'efficacité, par définition contradictoire avec la mission des territoires ruraux », ajoute-t-il.

Un niveau de pénalités parfois rédhibitoire

Il arrive même que les banques proposent aux communes des indemnités de remboursement anticipé de leurs prêts beaucoup trop élevées : la petite commune de Courcoue (250 habitants en Indre-et-Loire) par exemple, qui souhaite renégocier deux prêts souscrits pour 20 ans en 2003 et 2007 à des taux effectifs globaux de respectivement 4,7 % et 3,8 %, se voit proposer « des pénalités représentant plus de 18% du capital restant dû pour l'un, et près de 16% pour l'autre ! » s'indigne son maire Jean-François Couvrat. En guise de réponse, son banquier lui a même expliqué que du fait du montant global de l'indemnité de remboursement anticipé (IRA), une renégociation ne « présente pas d'intérêt (...)  à ce jour ».

Ce type de procédé s'avèrerait relativement courant. « Qu'elle soit forfaitaire (pourcentage du capital restant dû) ou dégressive, l'indemnité de remboursement anticipée est là pour dissuader les collectivités de réaliser des opérations de remboursement anticipé et de tenter de se refinancer à moins coût auprès d'une autre banque », précise Bernard Andrieu, le président d'Orféor.

Seuls les prêts aux particuliers sont encadrés par la loi

Avec le soutien d'autres maires de petites communes, Jean-François Couvrat a expliqué son problème au député PS Laurent Baumel, qui a du coup posé une question au gouvernement le 31 mars dernier, attirant l'attention de l'exécutif sur « les difficultés rencontrées par certaines collectivités pour rembourser de façon anticipée certains de leurs emprunts ». Plus précisément, dans le cas de prêts à taux fixes, le bât blesse sur les « indemnités actuarielles visant à compenser le manque à gagner subi par les banques replaçant les fonds remboursés par anticipation à un taux moins avantageux que celui du prêt », a ajouté Laurent Baumel.

Cette stratégie est totalement assumée car il faut bien savoir que rien n'empêche les banques de pratiquer de telles clauses. Il n'y en fait que pour les particuliers, « dans le cas de certains crédits à la consommation et des crédits immobiliers, que l'utilisation de telles indemnités est encadrée par la loi », précisait Laurent Baumel.

Dégager des marges de manœuvre

Concrètement, au mieux, les petites collectivités qui renégocient leur prêts ne peuvent obtenir qu'un allongement de leur échéance de remboursement à un taux moindre.« Il est très rare qu'une banque accepte de perdre de l'argent », constate sobrement Bernard Andrieu.

Une autre solution pour une collectivité prise à la gorge pourrait être d'assigner sa banque en justice, en ciblant l'information insuffisante, voire trompeuse que lui a communiqué l'établissement de crédit lors de la signature du contrat de prêt. Un point d'accroche serait de prouver que « les documents présentés par la banque à la collectivité ne permettaient pas à l'élu de prendre la mesure de ses engagements », explique Me Constantin Vallet, avocat spécialiste en droit bancaire.

Un problème moral

Bref, il est aujourd'hui quasiment impossible pour une petite collectivité de profiter de la baisse des taux. Dont acte. Mais « à l'heure où l'État lui-même s'applique à maîtriser son endettement, le gouvernement envisage-t-il de contraindre l'usage des pénalités de remboursement anticipé pour l'ensemble des prêts, afin notamment de permettre aux collectivités qui souhaitent entrer dans un processus vertueux de désendettement, de pouvoir réellement le faire ? », a demandé Laurent Baumel le 31 mars dernier.

Pas de réponse concluante du gouvernement. Certainement parce que c'est bien la question de la cohérence de la politique de l'Etat vis à vis des collectivités territoriales, quotidiennement confrontées à un environnement concurrentiel, qui est posée.

Mathias Thépot
Commentaires 2
à écrit le 30/09/2020 à 14:42
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Quid de l'enrichissement sans cause?

à écrit le 09/07/2015 à 13:33
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Il est surprenant que vous n'évoquiez pas les subventions et le secours apportés par l'Etat donc les contribuables français à l'ensemble des banques dont la merveilleuse Dexia qui a roulée dans la farine bon nombre de communes... Voilà une des causes...

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