Grèves dans les raffineries : en l'absence de déblocage, réunion d'urgence à Matignon

Malgré la proposition de TotalEnergies d'avancer à octobre ses négociations annuelles sur les salaires à condition, la grève dans les raffineries et dépôts pétroliers a été reconduite jusqu'à mardi. De son côté, Emmanuel Macron, qui appelle les directions des groupes pétroliers et les syndicats à « la responsabilité », souhaite « qu'une issue puisse être trouvée, une conclusion rapide des négociations ».
Elisabeth Borne a assuré que la situation allait « s'améliorer tout au long de la semaine », à mesure de l'arrivée de livraisons issues notamment des « stocks stratégiques » français. Une prédiction prise en défaut par la reconduction de la grève jusqu'à mardi. (Photo d'illustration : le piquet de grève de la CGT à la raffinerie de TotalEnergies à Gonfreville-l'Orcher (près du Havre), mercredi 5 octobre dernier.)
Elisabeth Borne a assuré que la situation allait « s'améliorer tout au long de la semaine », à mesure de l'arrivée de livraisons issues notamment des « stocks stratégiques » français. Une prédiction prise en défaut par la reconduction de la grève jusqu'à mardi. (Photo d'illustration : le piquet de grève de la CGT à la raffinerie de TotalEnergies à Gonfreville-l'Orcher (près du Havre), mercredi 5 octobre dernier.) (Crédits : Benoît Tessier / Reuters)

[Article publié le lundi 10 octobre à 7:20. Dernière mise à jour à 17:25]

Tenter de trouver une solution pour mettre un terme aux grèves dans les raffineries et dépôts de carburant qui entraînent des pénuries dans les stations-service, c'est l'objectif de la réunion qui se tiendra en urgence ce lundi à partir de 21 heures à Matignon. Organisée par la Première ministre, Elisabeth Borne, elle rassemblera les quatre ministres concernés par les difficultés d'approvisionnement en carburant, à savoir ceux de l'Intérieur, Gérald Darmanin, de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, et des Transports, Clément Beaune, ainsi qu'avec le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, afin de "faire le point sur l'état des discussions" entre les entreprises et les syndicats. "Je souhaite que la situation se rétablisse le plus rapidement possible", a-t-elle déclaré aux médias depuis Alger, où elle effectue un déplacement accompagnée d'une délégation forte de 15 ministres.

Car le mouvement social, qui dure depuis près de deux semaines, va se poursuivre. La grève a, en effet, été reconduite ce lundi jusqu'à mardi et étendue à une quinzaine de stations-service autoroutières du réseau Argedis, filiale de TotalEnergies, selon des sources syndicales.

La reconduction concerne la raffinerie de Normandie (où environ 80 personnes ont voté à main levée la poursuite du mouvement, a constaté un correspondant de l'AFP, à Gonfreville-l'Orcher près du Havre), le dépôt de carburants de Flandres, près de Dunkerque, et la « bio-raffinerie » de La Mède, dans les Bouches-du-Rhône, a indiqué à l'AFP Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité européen TotalEnergies, joint par l'AFP, selon qui 15 stations-service du réseau Argedis « seront fermées » mardi.

Le mouvement a également été reconduit dans les deux raffineries françaises du groupe Esso-ExxonMobil, une réunion avec la direction s'étant révélée « non-concluante », a indiqué sans plus de précisions Christophe Aubert, délégué syndical central CGT.

Le geste de TotalEnergies n'a donc pas eu l'effet escompté

Sous la pression de l'exécutif, inquiet des pénuries constatées dans bon nombre de stations-service, TotalEnergies a, en effet, proposé dimanche d'avancer à octobre ses négociations annuelles sur les salaires à condition que les blocages prennent fin dans les raffineries et dépôts de carburants. Le groupe énergétique a souligné que ces négociations ont pour objectif « de définir comment les salariés pourront bénéficier, avant la fin de l'année, des résultats exceptionnels générés par TotalEnergies, tout en prenant aussi en compte l'inflation de l'année 2022 ». Il répondait ainsi la main tendue de la CGT : dans une lettre ouverte au PDG Patrick Pouyanné, le syndicat avait accepté de mettre de côté ses revendications en matière d'embauches et d'investissements pour ouvrir des négociations uniquement portées sur les salaires dès ce lundi.

La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, s'était félicitée dimanche de l'annonce de TotalEnergies, estimant que le conflit devait « cesser ». « Je tiens à réaffirmer l'appel très ferme du gouvernement aux dirigeants et aux organisations syndicales de TotalEnergies et d'Esso : une issue doit être trouvée sans délai dans le cadre du dialogue social. Les Français ne doivent pas subir davantage les conséquences d'un mouvement social », avait-elle précisé.

Le geste de TotalEnergies n'a donc pas eu l'effet escompté, en témoignent la déclaration d'Alexis Antonioli, secrétaire général du syndicat CGT de la Plate-forme Total Normandie. Après la décision de la reconduction de la grève, il a expliqué qu'à la raffinerie de Normandie, « le mouvement se poursuit malgré le communiqué de la direction. Pour le moment, elle se contente d'avancer la réunion sur les NAO (négociations annuelles obligatoires de 2023, ndlr) mais il n'y a pas de proposition concrète. On nous propose d'accepter un chèque en blanc, ce n'est pas acceptable ». La CGT réclame 10% d'augmentation sur les salaires - 7% pour l'inflation, 3% pour le partage de la richesse. TotalEnergies a engrangé 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre 2022.

De son côté, la direction d'Esso-ExxonMobil en France, qui avait annoncé dimanche soir dans un communiqué son intention de réunir lundi « les quatre organisations syndicales représentatives du personnel », s'était dit « convaincu que la qualité du dialogue social engagé et ininterrompu avec les organisations représentatives du personnel permettra de sortir rapidement du conflit ». Les discussions sur les salaires ont démarré chez Esso France dès le 20 septembre. La proposition pour l'instant sur la table n'a été approuvée que par la CFE-CGC.

« Le blocage n'est pas une façon de négocier » (Emmanuel Macron)

Face à l'enlisement du conflit social, Emmanuel Macron a pris la parole, ce lundi, peu après l'annonce de la reconduction de la grève, appelant les directions des groupes pétroliers et les syndicats à « la responsabilité », souhaitant « qu'une issue puisse être trouvée, une conclusion rapide des négociations ». « Le blocage, ce n'est pas une façon de négocier », a-t-il affirmé au cours d'un déplacement à Château-Gontier en Mayenne.

Si le chef d'Etat a indiqué avoir « demandé à la Première ministre et aux ministres compétents d'échanger avec les responsables concernés, les entreprises et les syndicats », estimant que le gouvernement avait « eu raison de faire pression sur tous les acteurs », il a néanmoins insisté sur le fait que la situation de pénurie de carburant n'était « pas liée à la guerre du tout et elle n'est pas le fait du gouvernement ». « Les négociations salariales sont toutes légitimes et il ne m'appartient pas d'en juger. Mais il faut qu'elles (les parties) trouvent une conclusion pour que ce ne soit pas nos compatriotes qui en soient les victimes », selon lui. Car, a-t-il poursuivi, « il ne faut pas qu'on soit dans un pays où on considère que c'est au gouvernement de tout faire ». « Je vous entends chaque jour dire ''il faut du dialogue social, il faut du dialogue social'' » et « c'est un peu facile de dire que, dès qu'il y a un problème, c'est la faute du président de la République, de la Première ministre ou des ministres », a-t-il martelé.

« C'est dans la négociation (...) qu'on doit pouvoir trouver une solution, et non pas en bloquant le pays et les Français », a abondé la Première ministre depuis Alger. Interrogée sur la possibilité de réquisitions pour assurer un approvisionnement, elle a répondu qu'elle ferait « le point ce soir sur l'état des discussions et la façon dont on peut assurer aux Françaises et aux Français qu'il y aura bien un réapprovisionnement le plus rapide possible des stations-services ».

Une station sur deux manque de carburant en Ile-de-France

En attendant la résolution des conflits, c'est une vraie galère pour les automobilistes qui prennent d'assaut les stations-service dont certaines doivent faire face à des consommations supplémentaires de l'ordre de 30%. De nombreux Français passent la frontière belge pour s'approvisionner, les stations-service transfrontalières enregistrant 15 à 20% de hausse de la demande, selon la fédération des négociants en combustibles et carburants.

En visite en Algérie, Elisabeth Borne a assuré que la situation allait « s'améliorer tout au long de la semaine », à mesure de l'arrivée de livraisons issues notamment des « stocks stratégiques » français. Le gouvernement, qui a en effet puisé dans les réserves du pays et augmenté les importations de carburant pour faire face à la crise, a rappelé que des camions-citernes avaient été autorisés à circuler tout le week-end.

Lire aussiRaffineries en grève : trois questions sur ces stocks stratégiques de pétrole dans lesquels puise la France

A 15 heures dimanche, selon le ministère de la Transition énergétique 29,7% des stations-service en France manquaient d'au moins un carburant (contre 21% samedi). C'est une sur deux en Île-de-France et, lundi matin, la situation n'était pas en cours d'amélioration.

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Zoom - Les parlementaires de tous horizons mettent la pression tant sur TotalEnergies que sur la CGT

 La cheffe de file des députés Renaissance Aurore Bergé a déploré dimanche que la grève dans plusieurs raffineries pénalise d'abord « les Français qui bossent », appelant à mettre « la pression » à la fois sur les entreprises et syndicats pour trouver un accord. Dénonçant une « grève préventive » menée par la CGT alors que des négociations sur les salaires devaient être menées mi-novembre, la parlementaire a estimé que « la pression doit être mise des deux côtés, il est légitime que les salariés demandent à bénéficier de ces résultats exceptionnels qui ont été réalisés aussi grâce à eux ». Mais, « ce qui est inacceptable c'est que ces mêmes salariés, à la demande et à la contrainte de la CGT, fassent encore une fois des grèves préventives qui ont un impact sur les français qui travaillent ».

De son côté Jordan Bardella, candidat à la présidence du Rassemblement national, a estimé que TotalEnergies a aujourd'hui entre ses mains la possibilité de débloquer la situation : « Une entreprise qui fait des profits, c'est normal, mais là on parle de super-profits qui sont indus, décorrélés de la stratégie de l'entreprise et doivent donc aussi bénéficier à l'augmentation des salaires ». Il a toutefois averti que « la paralysie prolongée du pays pourrait avoir des des conséquences cataclysmiques ». C'est pourquoi « il ne faut exclure aucune solution » et « dans le cas extrême où nous n'arrivons pas à débloquer la situation et que TotalEnergies assume une stratégie de blocage, alors je pense qu'effectivement, il ne faut pas exclure de réquisitionner ».

Pour le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau « ça n'a que trop duré » car « un syndicat ne peut pas prendre en otage la France ».  Accusant le gouvernement « de se défausser », il lui a demandé « une réquisition pour qu'on puisse libérer la force de production de nos raffineries ».

 (Avec AFP)

Commentaires 18
à écrit le 10/10/2022 à 22:30
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Et dire qu'il y a à peine un mois, Borne menaçait de taxer les super- profits des employeurs, s'ils n'augmentaient pas leurs employés, heu pardon "collaborateurs" pour parler nov. langue.

à écrit le 10/10/2022 à 21:33
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Staline, qui était un saint homme car de gauche, aurait demande à saint beria de te débloquer les dépôts avec une tolérance que seule la gauche sait avoir. Ca aurait pris 30mn et yaurait plus eu de récidive...

à écrit le 10/10/2022 à 19:37
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L'actionnariat salarié de total Energie représentant 6,8% des actions et est placé parmi les plus gros actionnaire. Avec le dividende exceptionnel qui va être versé ils vont donc touché plus de 170 millions d'euros.

le 10/10/2022 à 20:01
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Souvenir récent : Et alors que les dividendes versés aux actionnaires sont censés refléter l’activité de l’année écoulée, il n’en sera rien. Total va distribuer au titre de 2020 un pactole de plus de 7,6 milliards d’euros, malgré une perte de 7,2 ...

à écrit le 10/10/2022 à 19:32
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Pour l'Intérêt général et le bien commun, étranglez toutes les ressources conduisant aux "superprofits" des syndicats - ces opportunistes sociaux - et la France se portera que mieux.

à écrit le 10/10/2022 à 18:26
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A la CGT on veut des millionnaires salariés. Rien à faire des difficultés des autres. Plein pot sur le magot TotalEnergies et que les autres crèvent (ou adhèrent a la CGT).Ils ne changeront jamais.

à écrit le 10/10/2022 à 18:26
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80 personnes votent à main levée et on les laisse bloquer la France ?

à écrit le 10/10/2022 à 17:59
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Bonjour, ce matin à était annoncée à la radio que les salaire tourne autour de 40 000 euros par ans et que avec les primes sa avoisinerait les 70 000 euros.. A se prix la sa vas , pas de quoi se plaindre.... Ou alors s'est encore un moyen de la CGT...

le 10/10/2022 à 18:57
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Les salariés obtiennent quelque chose qu en faisant grève c est comme cela depuis des siècles et les personnes qui ne sont jamais contentes ne savent pas de quoi ils parlent il n'y a aucune solidarité dans se pays c est cela le plus grave et nos poli...

à écrit le 10/10/2022 à 17:56
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On peut déjà prévoir ce qui va se passer. Il y aura des augmentation, la CGT hurlera qu'elle a gagné et dans quelques années il n'y aura plus de raffineries en France...parce que par hasard les premières raffineries qui fermeront en Europe seront tou...

à écrit le 10/10/2022 à 17:52
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Dans quel sens va se porter la pression du gouvernement ? Pirouette, cacahouète ! Elle attend les ordres de l'oligarchie pour poursuivre ! ;-)

à écrit le 10/10/2022 à 17:42
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« Le blocage, ce n'est pas une façon de négocier » C'est sur que pour eux ,pas besoin de négocier et encore moins de bloquer. Le mercredi 28 septembre, TotalÉnergies a indiqué que l’entreprise va verser à ses actionnaires un acompte sur dividend...

à écrit le 10/10/2022 à 17:13
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Dire que je paye via ma fiche de paye ces organisations syndical me fait mal au cœur. Commençons par supprimer la Contribution au dialogue social qui est sur la fiche de paie de toutes les personnes qui travaillent. Pourquoi le rapport sur le fina...

le 10/10/2022 à 17:47
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La contribution au dialogue social est une cotisation à la charge de l'employeur. Elle permet de financer les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs. Elle est calculée sur l'ensemble des salaires versé...

à écrit le 10/10/2022 à 16:48
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Etre obliger d'utiliser les stocks stratégiques pour lutter contre les chantages syndicaux extrêmes (revendications excessives), alors même que l'Europe est en guerre : la France du pire. Ces grèves augmentent le stress sur les hydrocarbures, et fon...

à écrit le 10/10/2022 à 13:55
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la macronie n'a pas retenue la lecon des gilets jaunes. c'est la negation envers les francais et pourtant des elections ont eu lieu ils n(ont pas la majorite et la aussi ils n'ont rien compris ils se comporte comme les derniers roi et avoir la di...

le 10/10/2022 à 17:10
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C’est la faute de Macron si la CGT fait une grève préventive ?Par contre ,si le gouvernement avait tapé du poing sur la table le jour du début de la grève,vous l’auriez traité de dictateur.

le 10/10/2022 à 17:16
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Hors sujet , les gilets jaunes se sont insurgés contre l'augmentation des taxes sur les carburants alors que dans le cas présent il s'agit d'une grève sectorielle des salariés des raffineries pour réclamer des augmentations de salaires .

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