Rebond économique : « Les solutions viendront des territoires » (Jean-Noël Barrot, député MoDem des Yvelines)

GRAND ENTRETIEN. Consolider les liens nouveaux entre les services de l'Etat, les élus locaux et les entreprises et créer un "Pack rebond", ce sont deux des 27 propositions du député (Modem) des Yvelines Jean-Noël Barrot. En janvier dernier, le parlementaire avait été missionné par le Premier ministre et le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance pour établir une cartographie fine de la vulnérabilité des territoires.
César Armand
Jean-Noël Barrot est député de la 2è circonscription des Yvelines et vice-président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.
Jean-Noël Barrot est député de la 2è circonscription des Yvelines et vice-président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. (Crédits : DR)

Territorialiser le rebond suppose de confier au terrain des leviers puissants et adaptés à leur situation, comme le fonds friche, qui permet aux territoires en déprise de prendre leur revanche sur le déclin industriel.

Jean-Noël Barrot, député (MoDem) des Yvelines

LA TRIBUNE : En janvier dernier, le Premier ministre Jean Castex vous a chargé d'une mission temporaire « ayant pour objet l'accompagnement de la sortie de crise et du rebond économique territorial ». Avez-vous réussi à « établir une cartographie fine de la vulnérabilité économique des territoires » ?

JEAN-NOËL BARROT : A la demande du Premier ministre et du ministre de l'Economie, des Finances, et de la Relance, la mission s'est déplacée dans les 13 régions métropolitaines, 15 départements et 50 communes. De la même manière qu'elle s'est appuyée sur les données de l'Institut national de la statistique ou des études économiques (Insee), de la Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (Dares) et qu'elle a travaillé avec les Chambres de commerce et d'industrie (CCI), Chambres de métier et de l'artisanat (CMA) mais aussi avec les organisations patronales. Nous avons également mesuré les ressentis des Français sur les réseaux sociaux en analysant près de 20 millions de messages Facebook et Twitter.

Cela vous a-t-il permis d'identifier les bassins d'activité les plus vivement exposés aux conséquences de la crise ?

J.-N. B. : La crise a été à la fois forte et inattendue dans sa dimension territoriale entre mars 2020 et février 2021. Il existe en effet des facteurs locaux à la baisse d'activité, que ni la spécialisation industrielle ni la typologie des entreprises ne suffisent à expliquer.

Quelles sont donc les causes de cette différenciation territoriale ?

J.-N. B. :
Par exemple, la baisse de l'activité ne recoupe pas non plus la géographie des gilets jaunes, les métropoles étant les plus durement frappées. Nous assistons à un nouvel exode urbain en provenance de Paris, Lyon, Marseille, Nantes et Toulouse à destination de départements proches moins denses voire plus ruraux.

Le rebond demain viendra donc de ces territoires plus attractifs qu'hier ?

J.-N.B : Le rebond viendra des mesures de soutien et de relance. En moyenne, les montants engagés représentent 2.400 euros par habitant. Ce montant a surtout bénéficié aux territoires en baisse d'activité.

En corollaire, la coordination et la coopération des acteurs de terrain sont désormais au rendez-vous et constituent un capital territorial précieux pour demain.

C'est-à-dire concrètement ?

J.-N.B : La nouvelle doctrine d'intervention de l'Etat et de relation avec les collectivités territoriales de la même manière que les contractualisations avec ces dernières comme les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain, Territoires d'industrie ou les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) participent à une nouvelle logique ascendante et non plus descendante. Nous disposons en outre désormais d'un suivi territorial fin de l'exécution des réformes grâce au baromètre de l'action publique.

Ce diagnostic posé, vous émettez 27 propositions. Quels leviers allez-vous utiliser pour les traduire en acte ? Le projet de loi de finances rectificatif ? La loi 4D ?

J.-N.B :
Notre idée structurante consiste à dire que les solutions viendront des territoires. Un vent de renaissance se lève. La crise les a poussé à se prendre en main et l'Etat doit les accompagner dans cet élan. Nous devons faire fructifier ce capital territorial et consolider les liens nouveaux entre les services de l'Etat, les élus locaux et les entreprises. La clé pour le rebond en sortie de crise reposera sur le triptyque coopérer-territorialiser-régénérer.

Dans ces conditions, le projet de loi relatif à la décentralisation, à la différenciation, à la déconcentration et à la décomplexification, bientôt examiné au Parlement, peut être un bon véhicule.

Concrètement, faut-il inscrire dans la loi le prêt de main d'œuvre ?

J.-N.B :
Des entreprises qui connaissent des baisses d'activité mettent déjà à disposition des salariés. Dans le Lot-et-Garonne, à Marmande, des techniciens de l'aéronautique se sont mis au service du leader de la confiture pour optimiser les circuits de production. La loi du 17 juin 2020 a facilité ces échanges, mais nous proposons de mieux les faire connaître et de les rendre cumulables avec l'activité partielle de longue durée. Nous avons établi un barème en ce sens.

Pourquoi pariez-vous par ailleurs sur la hausse à venir des fonds de revitalisation ?

J.-N.B : Ces fonds de revitalisation doivent être utilisés de manière plus souple. Quand une entreprise ferme, les sommes que la loi prévoit pour la revitalisation du territoire pourraient être ciblées sur la formation par des établissements d'enseignement supérieur, ou à des interventions en fonds propres comme cela a été fait en Lorraine après la crise de 2008.

Pourrait-on également s'inspirer de ce qui a été fait mi-2020, à savoir les comités locaux de levée du confinement ? Ils permettaient de mettre autour de la table les services de l'Etat, les représentants des collectivités et les acteurs économiques et sociaux afin de partager des informations, de recueillir des demandes et de présenter des mesures envisagées.

J.-N.B : Territorialiser le rebond suppose de confier au terrain des leviers puissants et adaptés à leur situation, comme le fonds friche, qui permet aux territoires en déprise de prendre leur revanche sur le déclin industriel. Nous l'avons vu à Pamiers, commune de 20.000 habitants en Ariège, où le centre-ville est désert et où les logements s'effondrent. Plus personne n'avait de l'espoir. Idem dans le Lot-et-Garonne sur les friches de manufacture de tabac Seita pour lesquelles des startups parisiennes sont intéressées. Ou encore à Vierzon dans le Cher où pour 1 million d'euros, une ex-fabrique de machines agricoles va venir financer la création d'un campus urbain.

Dans le même esprit, nous proposons de mettre davantage le fonds national d'aménagement et de développement territorial à la main des préfets. En Occitanie, le préfet Guyot y a pioché 12 millions d'euros pour mettre sur pied un plan Tourisme en complément des outils de France Relance. Il faut par ailleurs déconcentrer l'instruction et la publication des résultats des appels à projet à venir, au moins pour les plus petits.

Et comment comptez-vous « régénérer » les territoires ?

J.-N.B :
Il faut libérer les énergies et permettre aux territoires de respirer. Nous proposons par exemple d'accélérer la reconversion des bureaux en logements en poursuivant l'allègement des normes applicables depuis la loi Élan.

Par exemple ? La réglementation demeure l'un des principaux freins à la transformation de bureaux en logements...

J.-N.B : Si nous voulons doubler le nombre de ces opérations, nous devons les soumettre non plus à un dépôt de permis de construire, mais à une simple autorisation préalable.

Enfin, le « Pack rebond » que vous appelez de vos vœux pour les territoires fragiles ne risque-t-il pas de rester un vœu pieu tant il demande de réformer en profondeur l'action de l'Etat vis-à-vis des collectivités ?

J.-N. B. :
Ce « Pack rebond » serait un dispositif d'accompagnement renforcé qui unifierait et concentrerait les moyens d'intervention de l'Etat au profit des territoires les plus fragiles. Il serait proposé sur une base volontaire afin de garantir l'adhésion des acteurs de terrain à la démarche et leur implication sur le long cours.

Dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique, il leur serait proposé pendant six ans de bénéficier d'exonérations fiscales, de co-financer une étude de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriales ou encore de profiter de moyens humains pour coordonner la définition d'une stratégie de rebond économique et en assurer le suivi.

Il s'agit en effet de tirer les leçons du passé et modifier en profondeur la doctrine d'intervention de l'Etat pour contrer le risque de décrochage territorial à l'avenir. Beaucoup a déjà été fait, et si nos travaux peuvent contribuer à la préparation des échéances de 2022, tant mieux !

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Rapport Barrot

César Armand
Commentaire 1
à écrit le 30/06/2021 à 14:31
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Les rebonds viendront des territoires a condition de suivre les directions de Bruxelles!

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