
L'Etat sort le chéquier pour STMicroelectronics. Bruno le Maire a confirmé ce lundi que plus d'un tiers de l'investissement industriel de STMicroelectronics et GlobalFoundries dans l'usine de semi-conducteurs de Crolles, près de Grenoble, viendra de subventions. Soit 2,9 milliards des 7,5 milliards d'euros du projet qui doit créer 10.000 emplois. Il y a quelques mois, l'Etat prévoyait que l'investissement total soit de 5 milliards d'euros.
La subvention est déjà financée dans le cadre du plan de relance « France 2030 », qui prévoit une enveloppe de 5,5 milliards d'euros dans le domaine des semi-conducteurs. C'est l'une des aides industrielles les plus onéreuses depuis 2017, annonce Bercy. Grâce à sa subvention, la France pourra réserver 5% de la production de l'usine aux industriels tricolores, en cas de pénurie de semi-conducteurs.
Les subventions, moteur de la réindustrialisation dans le monde
« Ces montants importants pour la France montrent une vraie volonté de réindustrialiser. Il faut subventionner les secteurs stratégiques, comme l'a fait la Chine avec les panneaux solaires, comme le font les Etats-Unis avec l'automobile électrique », observe Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO France.
A l'image de l'usine STMicroelectronics de Crolles, nombre des projets industriels annoncés ou inaugurés ces dernières semaines bénéficient d'importantes subventions. Le site de production de batteries automobiles à Douvrin dans le Nord doit recevoir au total 1,3 milliard d'euros de subventions, dont 800 millions d'euros de l'Etat auxquels s'ajoutent 121 millions des agglomérations locales et de la région.
Les Hauts-de-France s'apprêtent maintenant à débloquer 60 millions d'euros de subventions pour l'usine de batteries Verkor de Dunkerque. Suivront sûrement ProLogium, XTC-Orano... Tous les projets autour des batteries à venir dans le Dunkerquois reçoivent des financements publics. Mais le montant et l'origine des subventions, âprement négociées, est souvent dévoilé quand les chaînes de production tournent déjà comme chez ACC ou STMicroelectronics.
« Sans subventions, ces projets se seraient faits, mais pas aussi vite »
Le concours de l'Etat est bien souvent décisif pour enclencher les décisions d'investissement. « Sans subventions, ces projets se seraient faits, mais pas aussi vite. Les subventions publiques rassurent et attirent d'autres capitaux privés ». Or, « il y a un enjeu de délai très fort », insiste Anne-Sophie Alsif face à la concurrence de la Chine et des Etats-Unis dont les subventions industrielles dans le cadre de l'Inflation Reduction Act (IRA) sont simples, rapides et bien plus importantes.
La course à la réindustrialisation prend pour l'instant la forme d'une guerre des subventions. Lors de la présentation de la future loi sur les industries vertes mi-mai, Bruno Le Maire a dit vouloir « faire feu de tout bois, dans une période difficile sur le plan budgétaire, avec des taux d'intérêt à la hausse, pour que les financements ne proviennent pas seulement des fonds publics » mais aussi des crédits d'impôt et de la mobilisation de l'épargne privée.
Selon le ministre de l'Economie, une dizaine d'autres projets industriels devraient être dévoilés dans les prochaines semaines, alimentés par les fonds du PIIEC (les projets importants d'intérêt européen commun). Inquiets du pouvoir d'attraction de l'IRA, les capitales européennes voudraient faire pleuvoir les milliards de subventions pour faire sortir de terre sur leur sol national les gigafactories dans l'hydrogène, le solaire, l'éolien, les batteries ou les semi-conducteurs.
Berlin prépare sa subvention à une usine de semi-conducteurs
Sur l'autre rive du Rhin, les autorités allemandes concoctent une subvention massive à destination du géant taïwanais des semi-conducteurs TSMC pour implanter une usine près de Dresde. Berlin et Paris mettent à profit la souplesse nouvelle qu'offre Bruxelles en matière de soutien au secteur critique des semi-conducteurs, présents dans toutes les technologies renouvelables et digitales. Le Chip Act voté le 18 avril par le Parlement européen vise à doubler la part de marché de l'Union européenne dans les semi-conducteurs d'ici à 2030 de 10 à 20% en mobilisant 43 milliards d'euros d'argent public et privé.
« Ces sommes restent faibles par rapport aux subventions des Etats-Unis et de la Chine. Avec son enveloppe limitée, la France devra faire des choix et cibler les projets prioritaires. L'UE aurait besoin de davantage de financements croisés sur des secteurs stratégiques pour avoir un effet de levier. Cela implique de ne plus regarder les subventions industrielles d'un point de vue budgétaire comme des dépenses, mais comme des investissements, synonymes de retombées en termes de fiscalité et de croissance à dix ans », plaide Anne-Sophie Alsif.