Réindustrialisation : derrière les projets, des milliards de subventions

Bruno Le Maire a révélé ce lundi que la nouvelle usine iséroise de semi-conducteurs STMicroelectronics-GF toucherait 2,9 milliards d'euros de subventions. Le gouvernement se résout à subventionner directement les projets réindustrialisation, mais ses marges de manœuvre sont restreintes.
Thomas Caulfield, PDG de GlobalFoundries, Bruno Le Maire et Jean-Marc Chéry, PDG de STMicroelectronics
Thomas Caulfield, PDG de GlobalFoundries, Bruno Le Maire et Jean-Marc Chéry, PDG de STMicroelectronics (Crédits : Reuters)

L'Etat sort le chéquier pour STMicroelectronics. Bruno le Maire a confirmé ce lundi que plus d'un tiers de l'investissement industriel de STMicroelectronics et GlobalFoundries dans l'usine de semi-conducteurs de Crolles, près de Grenoble, viendra de subventions. Soit 2,9 milliards des 7,5 milliards d'euros du projet qui doit créer 10.000 emplois. Il y a quelques mois, l'Etat prévoyait que l'investissement total soit de 5 milliards d'euros.

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La subvention est déjà financée dans le cadre du plan de relance « France 2030 », qui prévoit une enveloppe de 5,5 milliards d'euros dans le domaine des semi-conducteurs. C'est l'une des aides industrielles les plus onéreuses depuis 2017, annonce Bercy. Grâce à sa subvention, la France pourra réserver 5% de la production de l'usine aux industriels tricolores, en cas de pénurie de semi-conducteurs.

Les subventions, moteur de la réindustrialisation dans le monde

« Ces montants importants pour la France montrent une vraie volonté de réindustrialiser. Il faut subventionner les secteurs stratégiques, comme l'a fait la Chine avec les panneaux solaires, comme le font les Etats-Unis avec l'automobile électrique », observe Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO France.

A l'image de l'usine STMicroelectronics de Crolles, nombre des projets industriels annoncés ou inaugurés ces dernières semaines bénéficient d'importantes subventions. Le site de production de batteries automobiles à Douvrin dans le Nord doit recevoir au total 1,3 milliard d'euros de subventions, dont 800 millions d'euros de l'Etat auxquels s'ajoutent 121 millions des agglomérations locales et de la région.

Les Hauts-de-France s'apprêtent maintenant à débloquer 60 millions d'euros de subventions pour l'usine de batteries Verkor de Dunkerque. Suivront sûrement ProLogium, XTC-Orano... Tous les projets autour des batteries à venir dans le Dunkerquois reçoivent des financements publics. Mais le montant et l'origine des subventions, âprement négociées, est souvent dévoilé quand les chaînes de production tournent déjà comme chez ACC ou STMicroelectronics.

« Sans subventions, ces projets se seraient faits, mais pas aussi vite »

Le concours de l'Etat est bien souvent décisif pour enclencher les décisions d'investissement. « Sans subventions, ces projets se seraient faits, mais pas aussi vite. Les subventions publiques rassurent et attirent d'autres capitaux privés ». Or, « il y a un enjeu de délai très fort », insiste Anne-Sophie Alsif face à la concurrence de la Chine et des Etats-Unis dont les subventions industrielles dans le cadre de l'Inflation Reduction Act (IRA) sont simples, rapides et bien plus importantes.

La course à la réindustrialisation prend pour l'instant la forme d'une guerre des subventions. Lors de la présentation de la future loi sur les industries vertes mi-mai, Bruno Le Maire a dit vouloir « faire feu de tout bois, dans une période difficile sur le plan budgétaire, avec des taux d'intérêt à la hausse, pour que les financements ne proviennent pas seulement des fonds publics » mais aussi des crédits d'impôt et de la mobilisation de l'épargne privée.

Selon le ministre de l'Economie, une dizaine d'autres projets industriels devraient être dévoilés dans les prochaines semaines, alimentés par les fonds du PIIEC (les projets importants d'intérêt européen commun). Inquiets du pouvoir d'attraction de l'IRA, les capitales européennes voudraient faire pleuvoir les milliards de subventions pour faire sortir de terre sur leur sol national les gigafactories dans l'hydrogène, le solaire, l'éolien, les batteries ou les semi-conducteurs.

Berlin prépare sa subvention à une usine de semi-conducteurs

Sur l'autre rive du Rhin, les autorités allemandes concoctent une subvention massive à destination du géant taïwanais des semi-conducteurs TSMC pour implanter une usine près de Dresde. Berlin et Paris mettent à profit la souplesse nouvelle qu'offre Bruxelles en matière de soutien au secteur critique des semi-conducteurs, présents dans toutes les technologies renouvelables et digitales. Le Chip Act voté le 18 avril par le Parlement européen vise à doubler la part de marché de l'Union européenne dans les semi-conducteurs d'ici à 2030 de 10 à 20% en mobilisant 43 milliards d'euros d'argent public et privé.

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« Ces sommes restent faibles par rapport aux subventions des Etats-Unis et de la Chine. Avec son enveloppe limitée, la France devra faire des choix et cibler les projets prioritaires. L'UE aurait besoin de davantage de financements croisés sur des secteurs stratégiques pour avoir un effet de levier. Cela implique de ne plus regarder les subventions industrielles d'un point de vue budgétaire comme des dépenses, mais comme des investissements, synonymes de retombées en termes de fiscalité et de croissance à dix ans », plaide Anne-Sophie Alsif.

Commentaires 15
à écrit le 06/06/2023 à 11:49
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Après le quoi qu'il en cout, le quoi qu'il en rapporte ? 1 million par emploi c'est la république de Weimar en marche !

à écrit le 06/06/2023 à 11:02
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Décidément, l'intelligence est un vulgaire concept en France. On se rappelle encore du gouvernement précédent qui, en 2011, attira sur l'Hexagone plus de 170 compagnies ou usines à coups de mesures emblématiques (et inefficientes) comme les allègemen...

à écrit le 06/06/2023 à 10:06
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La France sortira perdante à coup sûr de cette guerre des subventions. Il faut s'interroger sur notre compétitivité hors subventions, qui est faible et y travailler (cout de l'énergie, cout du travail, mais surtout niveau d'éducation). L'état doit ...

le 06/06/2023 à 11:04
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Eh oui👍

à écrit le 06/06/2023 à 9:25
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le retour a la realite est cruel, hein? ca fait donc 3 millions de subventions par emploi, pour la souverainete!!! il faut dire que plus personne n'est assez idiot pour investir, et voir tous ces politiciens de gauche changer les regles au milieu du ...

à écrit le 06/06/2023 à 9:16
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Nous voyons beaucoup d'argent couler dans ces projets mais on cite peu d'ingénieurs scientifiques visionnaires.. Qui sont les Jeff Bezos, Elon Musk et autre Steve Jobs français..

le 06/06/2023 à 20:43
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Ils n'auraient eu aucune chance d'émerger en France, où M. Le Banquier préfère plutôt prêter à des acheteurs de maisons qu'à des créateurs d'entreprise... Et puis les startups américaines démarrent souvent avec des commandes publiques, en particulier...

à écrit le 06/06/2023 à 9:13
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Y aurait il des rétrocommissions sur les subventions accordés, ou est ce le "Patriotisme" économique qui les font parler ? ;-)

à écrit le 06/06/2023 à 8:40
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Mieux qu’une subvention il faut arreter cette méthode c’est une entrave à la libre concurrence, mieux vaut faire des prets. On fait un cadeau à une entreprise qui aura les moyens futurs de rembourser ces milliards

le 06/06/2023 à 10:37
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Sauf que ce marché à haut risque et très capitalistique des semi-conducteurs est faussé au sens de la libre concurrence, tous les pays du monde qui ont ces industries les subventionnent d'une façon ou d'une autre et beaucoup plus que la France ou l'E...

le 06/06/2023 à 20:47
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A ceci près que les investissements dans ces technos là sont colossaux et très risqués et seul l'Etat est susceptible de financer de tels projets en France, le privé préférant financer de l'immobilier...

à écrit le 06/06/2023 à 7:24
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Bonjour, Personnellement je suis pour la reindustrialisation de notre pays.. L'etat reste un acteur incontournable.... Mais , ils me semblent important de voir les effets directe et indirecte de nos investissements... qui est le propriétaire de c...

à écrit le 06/06/2023 à 7:06
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On sait ce que ça donne à chaque fois, rien mais ça permet de distribuer les milliards à ses divers réseaux et autres copains.

le 06/06/2023 à 8:23
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De nouvelles taxes, une inflation a deux chiffres, des exclus dehors et sans ressourses. Il serait temps de vous lever, peut-etre ? L'union fait la force. Combien de flics, de crs, de militaires seront pret a tirer comme a Potemkime ?

le 07/06/2023 à 8:00
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Les flics démissionnent en ce moment et la surveillance numérique de masse est efficace. C'est depuis 2007 et le traité de Lisbonne que la démocratie française est morte et enterrée.

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