Aide techniques pour développer les projets dans les villages, financements pour encourager les maires à protéger leurs espaces naturels... C'est dans la Vienne (Nouvelle-Aquitaine), ce jeudi, qu'Elisabeth Borne, cheffe du gouvernement, va détailler la quarantaine de mesures du plan France ruralités annoncées par Matignon la veille. L'aboutissement, souligne-t-on, « d'un an de travail partenarial particulièrement intense centré sur l'enjeu de l'équité territoriale, comment on assure à tous les territoires et en particulier aux territoires ruraux les mêmes opportunités ».
« Les habitants de ces territoires ont le sentiment que tout est plus compliqué pour eux (...). Je veux leur dire que la ruralité est une chance pour notre pays », a déclaré Elisabeth Borne dans un entretien au Figaro mercredi soir.
Pour répondre aux enjeux spécifiques au monde rural, la stratégie repose sur quatre axes. Un programme Villages d'avenir de 15 millions d'euros sera lancé pour aider les petites communes à mener à bien leurs projets, à l'instar des programmes de « revitalisation » des centres-villes comme Action coeur de ville. Et 100 chefs de projets « ingénierie » seront déployés dans les préfectures.
Protection de la biodiversité
Parmi les mesures très attendues, les villages seront rémunérés grâce à la dotation « biodiversité » qui sera portée de 42 millions d'euros « à plus de 100 millions d'euros » afin de protéger les « aménités rurales », à savoir des espaces naturels protégés (parcs naturels), mais aussi des espaces n'ayant aujourd'hui aucune valeur marchande (forêts, étangs, sols) pour les communes. Les territoires ruraux « représentent des enjeux extrêmement importants en termes de puits de carbone, de transition agricole, de production d'énergies renouvelables et ce rôle les place au coeur de la planification écologique », a commenté Matignon.
Réduire la dépendance à la voiture
France ruralités prévoit également un plan d'action pour améliorer le quotidien des habitants. Côté transports, un fonds de 90 millions d'euros sur trois ans permettra ainsi d'aider les collectivités à déployer des services de mobilité « innovants et solidaires » pour que les gens « soient moins dépendants de leur voiture ».
Face à la dégradation du bâti dans les centres-bourgs, une « prime de sortie de la vacance » d'un budget total de 5 millions d'euros sera mise en place pour remettre des biens immobiliers sur le marché de la résidence principale. Pour développer les commerces de proximité absents dans 20.000 communes, les projets d'implantation seront soutenus « à hauteur de 36 millions d'euros sur trois ans », a précisé la Première ministre.
Lancement de 100 médico-bus
Pour l'accès aux soins, l'une des premières préoccupations d'un monde rural particulièrement touché par les déserts médicaux, le gouvernement va lancer 100 médico-bus dotés de spécialistes, notamment des gynécologues, là « où il est le plus difficile d'accéder » aux soins. En outre, le nombre de maisons pluridisciplinaires de santé passera de 700 à 1.400.
Sur l'éducation, les élus ruraux auront par ailleurs une visibilité « sur trois ans » en cas de fermeture de classe, et 3.000 places seront créées dans les « internats d'excellence ».
Le dispositif ZRR pérennisé
Dernier axe : le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) - qui permet aux entreprises, collectivités, etc. en zone rurale de bénéficier d'exonérations fiscales et sociales - sera pérennisé. Sa cartographie sera réformée pour toucher les communes les plus fragiles.
« Ce plan est une évolution forte de la reconnaissance de la ruralité et de ses besoins, mais aussi du service rendu à la nature, qui est une démarche nouvelle », a réagi Michel Fournier, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), qui a travaillé étroitement avec le gouvernement sur le sujet. « La grosse satisfaction, c'est qu'on revient à une politique d'aménagement du territoire qui avait été oubliée pendant de nombreuses années avec des territoires ruraux mis à l'écart pendant trop longtemps », a-t-il ajouté, saluant le « gros travail » de la ministre chargée de la Ruralité Dominique Faure.
« La ruralité est enfin prise en compte par le gouvernement et une première marche a été franchie, même si sur la santé, l'éducation, il faudra aller plus loin pour garantir une offre à hauteur des besoins », a estimé de son côté le sénateur Bernard Delcros (Union centriste), président du Parlement rural, une association de promotion du monde rural. Elle regroupe élus, chercheurs, entreprises et associations agissant en milieu rural, et a annoncé de son côté l'adoption d'une « résolution » pour mieux répondre aux enjeux du monde rural, comme « structurer une offre de services performante dans les domaines de la santé, des mobilités, de l'éducation ou encore des infrastructures ferroviaires ».
L'association Familles rurales fait entendre sa voix
Ce plan arrive au moment où, selon l'association Familles rurales, l'image « négative et parfois décliniste » des territoires ruraux semble avoir laissé place à celle de « territoires d'avenir ». D'après un sondage Ifop publié mercredi pour l'association de consommateurs, quelque 59% du grand public et 75% des ruraux considèrent ainsi que le monde rural connaît un renouveau. Néanmoins, les zones rurales « demeurent plus que jamais confrontées au recul des services publics », constate Familles rurales. 60% des ruraux font notamment état « d'une dégradation de l'accès aux services publics ces dernières années » et 66% aux services de santé. De plus, le déficit de services publics est le « principal frein » identifié par le grand public (à 70%) pour s'installer en zone rurale, selon les personnes interrogées.
A ces difficultés structurelles s'ajoutent des problèmes conjoncturels comme l'inflation, qui a eu un impact plus important pour les habitants des zones rurales en raison de l'explosion du prix de l'énergie et des carburants. « Pour faire reculer la fracture territoriale et préparer l'avenir, il est temps pour les pouvoirs publics (...) de déployer une véritable politique structurelle », a assuré Guylaine Brohan, présidente de Familles rurales.
(Avec AFP)