Relations Etat-collectivités : Borne accouche (enfin) de son « agenda territorial »

Dans la matinée du mercredi 12 avril, la Première ministre et les ministres Christophe Béchu, Olivier Klein et Dominique Faure, ont présenté, à Matignon, cinq axes de travail à toutes les associations d'élus. Elisabeth Borne vient d'annoncer des « plans d'ampleur » pour les quartiers politique de la ville et pour les territoires ruraux. Elle a également confirmé la prolongation du « Fonds vert » et répondu aux interrogations sur les finances locales. Décryptage.
César Armand
A Matignon le 12 avril, la Première ministre Elisabeth Borne entourée par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu et la ministre des Collectivités territoriales Dominique Faure.
A Matignon le 12 avril, la Première ministre Elisabeth Borne entourée par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu et la ministre des Collectivités territoriales Dominique Faure. (Crédits : Reuters)

Les élus locaux l'attendaient avec impatience depuis le discours de politique générale de la Première ministre, en juillet dernier. Elisabeth Borne vient d'accoucher d'un « agenda territorial ». Il y a neuf mois devant l'Assemblée nationale, la locataire de Matignon s'était en effet engagée à « laisser des marges de manœuvre aux territoires » et à « concentrer les moyens et les responsabilités à l'échelle des bassins de vie ».

« Etat et collectivités doivent se donner une lecture commune des défis à relever, des leviers à activer, des moyens nécessaires », avait-elle encore ajouté.

Lire aussiTransition écologique : Elisabeth Borne promet de pérenniser le « Fonds vert »

Cinq axes de travail

Chose promise, chose due. Dans la matinée du mercredi 12 avril, l'ensemble des associations d'élus a été reçu, pendant deux heures, par la Première ministre et ses ministres Christophe Béchu (Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires), Olivier Klein (Ville et Logement) et Dominique Faure (Collectivités territoriales et Ruralité).

Autour de la table : les intercommunalités, les Départements (ADF), les maires (AMF), les Régions, les urbains et métropolitains (France urbaine), les ruraux (AMRF), les petites (APVF) et moyennes villes (Villes de France), ainsi que les banlieusards (Ville et Banlieue).

Cinq axes de travail leur ont été présentés, a précisé le ministre Christophe Béchu à la sortie. Un volet institutionnel sur le statut de l'élu, le contour des collectivités et le rôle des intercommunalités ; un chapitre financier où il a été question de programmation, de lisibilité et de dotation globale de fonctionnement (DGF) ; une partie sur le social autour de la petite enfance et du bien vieillir ; une autre sur la cohésion des territoires, et enfin une dernière sur la transition écologique.

Lire aussiLa proposition de loi « Bien vieillir » : un texte de Renaissance en-dessous des attentes

De nouvelles rencontres prévues

Ensemble, ils ont convenu de se revoir, dès le mois de mai, tous les premiers jeudis de chaque mois, sur un sujet précis. Le gouvernement avait déjà son calendrier établi d'ici aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Mais « les élus locaux vont le relire une dernière fois pour y mettre leur patte », fait savoir Matignon à La Tribune. D'autant que la question de la santé manquait à l'appel, pointe une participante.

Hasard du calendrier : ce rendez-vous intervenait dans le cadre des concertations conduites par la Première ministre pour proposer au chef de l'Etat « un programme de gouvernement et un nouvel agenda parlementaire ». A l'issue du rendez-vous, le président délégué (ex-LR) des Régions de France, Renaud Muselier, évoquait ainsi « un pacte de gouvernance avec les collectivités territoriales ».

Des « plans d'ampleur » pour les quartiers de la politique de la ville...

D'ores et déjà, le gouvernement a, lui, communiqué sur la présentation, « d'ici à l'été » de deux plans « d'ampleur » en faveur des quartiers de la politique de la ville et des territoires ruraux « afin d'assurer une réelle justice territoriale ». Un comité interministériel de la ville se tiendra ainsi en juin prochain.

Pour les quartiers de la politique de la ville, « il n'y a rien de neuf sous le soleil pour l'instant », lâche, pourtant, le président (PCF) de Villes & Banlieue, Gilles Leproust. Depuis les déclarations de campagne du président-candidat il y a presque un an, l'exécutif travaille déjà à un plan baptisé « Quartiers 2030 ».

Sauf qu'en attendant, « la dégradation sociale est réelle, avec un vrai risque de fracture de la République », poursuit le maire d'Allonnes (Sarthe). Les bailleurs sociaux lui font remonter des problèmes d'impayés croissants, tout comme les associations, comme le Secours Catholique témoigne de toujours plus de bénéficiaires.

Sans parler de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont des projets « prennent du retard », voire « risque d'être annulés » du fait de l'augmentation des coûts de construction dans le BTP. Et ce, alors que les habitants des quartiers souffrent « le plus » de la crise climatique. « Ils ne doivent pas être les oubliés de cet enjeu », dit-il encore.

... et pour les quartiers ruraux

Pour les territoires ruraux, le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR), censé prendre fin le 1er janvier 2024, sera prorogé. Créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT) du 4 février 1995, il désigne des crédits d'impôts à destination des entreprises créant des emplois dans les villages ruraux. Mi-octobre, près de 24.000 sociétés, localisées dans 13.669 communes sur les 34.995 du territoire national, étaient concernées, avait dévoilé l'association des maires de France (AMF).

« J'espère qu'on va aller vite, que ce ne sera pas que des paroles et que le regard sur 33% de la population française va changer », souligne, Michel Fournier, président (Sans étiquette) des Maires ruraux (AMRF) et édile des Voivres (Vosges).

« Il reste encore des points de détail, comme le nombre d'entrants et de sortants, ou si le point d'entrée sera la commune ou l'intercommunalité, mais c'est une avancée », appuie Murielle Fabre, secrétaire générale (ex-LR) des Maires de France (AMF) et édile de Lampertheim (Bas-Rhin).

Lire aussiFinances locales: les zones de revitalisation rurale (ZRR) revues et corrigées par les maires

La transition écologique fait encore débat

De son côté, Elisabeth Borne a également confirmé la prolongation au-delà de 2023 du « Fonds vert », ce chèque de 2 milliards d'euros pour la transition écologique locale, comme annoncé la semaine dernière au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

« Il ne faut pas perdre de temps. Il faut maintenant que cela converge avec des résultats concrets », réagit, auprès de La Tribune, le président (PS) des Petites villes de France (APVF) et maire de Barentin (Seine-Maritime).

« La transition écologique, les mobilités et la santé ne se règlent pas à l'échelle du département ou de la région, ou même de la commune. Le bassin de vie incarne la bonne réponse opérationnelle », prêche, pour sa propre paroisse auprès de La Tribune, le président délégué (PS) des Intercommunalités de France, Sébastien Miossec, maire de Riec-sur-Bélon et président de Quimperlé Communauté (Finistère).

L'avenir des finances locales en question

Autre sujet qui n'est pas évoqué par les services de presse de Matignon : les finances locales. Lors de ses vœux début janvier, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, avait annoncé la mise en place des « Assises des finances publiques » en février, pour n'augmenter ni les impôts, ni la dette.

Lire aussiFinances publiques : dans le viseur de Bercy, les collectivités mettent en garde Bruno Le Maire

Suite à quoi les élus locaux, déjà échaudés par la fin de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), avaient mis en garde Bruno Le Maire. Il n'y aura pas de nouveau « contrat de Cahors », a déminé, dans la matinée, la Première ministre. Pour rappel, en décembre 2017, les 322 communes, intercommunalités, départements et régions les plus riches s'étaient engagés à limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionnement, en échange d'une stabilité de leur dotation globale de fonctionnement (DGF).

Il n'empêche : même si ce contrat a été cassé en mars 2020 lors du premier confinement, le président (LR) de Villes de France et maire de Châteauroux Gil Avérous n'est « pas vraiment rassuré là-dessus ».

Lire aussi« Les villes moyennes attirent une population qualifiée qui participe à la réindustrialisation» (Gil Avérous, Villes de France)

La problématique des ZFE-m mise en exergue

Autre problématique, cette fois-ci poussée par la présidente (PS) de France urbaine Johanna Rolland, les zones à faibles émission-mobilité (ZFE-m). « C'est très concret, mais il n'y a pas de réponse pour les habitants d'à côté des grandes métropoles. Nous ne pouvons pas proposer de solutions aux territoires périurbains », pointe la présidente de Nantes Métropole. Le ministre Christophe Béchu lui a promis des réponses au mois de juin.

Lire aussiPollution de l'air : pourquoi Elisabeth Borne a mandaté Barbara Pompili sur les ZFE

 Cela tombe bien : dans une déclaration transmise aux journalistes, Matignon insiste sur « la nécessité de garantir l'égalité des chances dans tous les territoires ». Vaste programme...

Lire aussiRevitalisation des villes moyennes : Action Logement renonce (pour l'instant) à contribuer à « Action Cœur de ville » 2

Fiscalité : les élus écrivent au gouvernement sur les logements vacants

C'est une lettre envoyée le 4 avril aux ministres Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires), Dominique Faure (Collectivités territoriales), Olivier Klein (Ville et Logement) et Jean-François Carenco (Outre-Mer), et adressée en copie à la Première ministre Elisabeth Borne, qui vient d'être rendue publique.

Signée par les président(e)s des maires de France (AMF), France urbaine, Intercommunalités de France, les élus du littoral (ANEL), les élus de la montagne (ANEM) et plus généralement des élus des territoires touristiques (ANETT), la missive revient sur l'élargissement du zonage de la taxe sur les logements vacants aux communes touristiques tendues et l'actualisation de la liste des territoires urbains concernés.

En lieu et place de cet article 73 de la loi de finances 2023, les associations d'élus plaident pour la création d'une fiscalité unique sur les logements vacants, affectée aux collectivités du bloc local. Une proposition déjà émise par les inspections générales de trois ministères dans leur rapport sur la lutte contre l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques.

A défaut, les maires et président(e)s d'intercommunalité concerné(e)s plaident pour une compensation perdant le bénéfice de la taxe d'habitation sur les logements vacants.

Lire aussiLogement : nouveau cadeau fiscal pour pousser les propriétaires à louer moins cher

César Armand
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.