Le gouvernement pensait aller vite et faire passer dès l'automne sa réforme des retraites. Mais, les résultats des élections législatives bousculent ce calendrier. Sans la majorité absolue, et avec une majorité toute relative, ce texte aura toutes les chances d'être retoqué. L'Assemblée, très divisée, aura du mal à se mettre d'accord. Seule possibilité pour « Ensemble ! », trouver l'appui de la droite, favorable à un décalage de l'âge. Pour autant, même s'il serait paradoxal, sur le papier, de ne pas soutenir un projet, dont Valérie Pécresse martelait pendant la campagne présidentielle qu'il avait été « siphonné » par Emmanuel Macron, il est fort probable que, par calcul politique, les Républicains se tiennent en retrait. Dans le contexte actuel, à part le monnayer au prix fort, quel intérêt auraient-ils de valider ce projet si impopulaire ?
Surtout que le gouvernement lui-même reconnaît qu'il n'est pas urgent économiquement. Si le régime est déficitaire de 10 milliards d'euros par an, il devrait cependant s'équilibrer à horizon 2030, avec le décès des baby-boomers, et l'insertion professionnelle de la génération 2000 - qui est plus nombreuse démographiquement. Si l'emploi tient, - tel que c'est le cas malgré une croissance atone -, les cotisations permettent des recettes dans le régime.
Grand flou
Ainsi, Élisabeth Borne, à Matignon, l'assurait il y a encore une dizaine de jours dans le JDD « la réforme n'est pas financière, il s'agit de dégager des marges de manoeuvre ailleurs », c'est-à-dire pour financer des réformes comme celle de la dépendance et du grand âge ou même tout simplement, notre modèle social français.
Et c'est d'ailleurs ce flou qui a si peu convaincu. Le clan Macron n'a pas réussi à persuader les Français de la nécessité de décaler l'âge légal. Durant la campagne, le projet a souvent changé. Emmanuel Macron a ainsi évoqué un report de l'âge à 65 ans, puis à 64 ans.... Tout en expliquant finalement, via la voix d'Élisabeth Borne, « que 64 ou 65 ans », n'est plus un totem. Des zigzags qui peuvent même laisser penser que le chef de l'Etat lui-même n'est pas si arc-bouté sur cette réforme, mais que le décalage de l'âge est plutôt le souhait de son entourage, au premier rang duquel son plus proche collaborateur, Alexis Kholer.
Opposition de la CFDT
En plus d'une Assemblée nationale qui s'opposera au texte, ainsi que l'opinion publique, Emmanuel Macron se retrouve face à un mur côté syndicat. Aucune centrale ne veut de cette réforme, et toutes - de FO à la CGT en passant par la CFDT- ont déjà prévenu qu'elles descendraient dans la rue pour la combattre. Dans ce contexte, la majorité présidentielle espérait il y a encore quelques jours, trouver des points de passage, notamment avec la CFDT de Laurent Berger, via un allongement plus rapide de la durée de cotisation. Soit une accélération de la réforme Touraine. Mais surprise, alors que le syndicat réformiste tenait son congrès à Lyon, la semaine dernière, les adhérents ont durci la doctrine à plus de 67 % des voix . La CFDT a posé comme principe non seulement le refus du report de l'âge légal, mais aussi tout durcissement de la réforme Touraine, qui signifierait un accroissement de la durée de cotisation pour obtenir le taux plein. Contrairement aux réformes précédentes de 2003 et de 2014, la CFDT, cette fois, sera hostile à ces mesures. De quoi compliquer encore l'équation d'Emmanuel Macron.
Au vu de ces éléments, difficile de voir comment Emmanuel Macron portera sa réforme. Le piège semble se refermer sur lui, car s'il ne la fait pas, il perdra en crédibilité. Vis à vis de ses électeurs, mais aussi vis à vis de ses partenaires européens qui attendent que la France travaille plus longtemps. Et économiquement, il devra se passer de milliards d'euros sur lesquels il comptait pour boucler son budget. Une mauvaise nouvelle dans un environnement où les taux d'intérêts remontent, alourdissant la charge de la dette Française.