« Travailler sur le biomimétisme, c’est repenser le rapport au vivant et la dynamique économique » (Sidney Rostan)

En fondant Bioxegy, Sidney Rostan a créé l’un des fleurons mondiaux du biomimétisme concret appliqué à l’entreprise. (Cet article est issu de T La Revue n°15 – « Sobriété, frugalité, ingéniosité : comment innover autrement ? »)
(Crédits : DR)

Rien ne prédestinait Sidney Rostan à devenir l'un des apôtres français du biomimétisme. Au contraire, même. Diplômé de l'EM Lyon après un parcours universitaire tout ce qu'il y a de plus classique, Rostan continue de suivre la voie qui semblait toute tracée en réalisant des stages, puis en enchaînant avec son premier emploi au sein des grandes marques de l'industrie automobile allemande. Audi, Porsche, de l'innovation technologique, de beaux projets, mais un essoufflement. « Ce qui me manquait était double : d'abord un manque de marge de manœuvre et des choses qui traînaient trop, ainsi qu'une innovation passionnante mais que je trouvais trop encadrée » confie Sidney Rostan qui, déjà, nourrissait des envies d'une aventure différente. Alors qu'il est entre deux emplois, un peu en recherche de ce qu'il pourrait faire, son colocataire Simon De Myttenaere, qui deviendra plus tard son associé, lui conseille de regarder une vidéo sur YouTube réalisée pour un rapport du CESE autour du biomimétisme. « Cela a été un déclic. En découvrant cette nouvelle matière, j'ai gagné une passion et en me documentant plus encore sur le sujet, j'ai pris conscience de l'ampleur des possibles que pouvait offrir le biomimétisme » se souvient Sidney Rostan.

Fort de cette conviction d'entrepreneur, il décide donc de se lancer et devient l'un des promoteurs de ce biomimétisme qu'il définit comme « une approche de la recherche et du développement qui consiste à s'inspirer de l'ingéniosité des mécanismes, des fonctions, des propriétés et parfois des comportements des organismes vivants pour l'innovation. On parle aussi de technologies bioinspirées ». Passionné, le jeune entrepreneur, au fur et à mesure qu'il raconte l'histoire de sa découverte de la matière, s'enflamme : « Je me suis vite aperçu qu'il y avait une explosion du nombre de brevets déposés en la matière : +700 % entre 2000 et 2014 rien qu'aux États-Unis. La Chine était également très en pointe sur ces questions, mais l'Europe était un peu à la traîne. Je ne comprenais pas la réticence des industriels à s'emparer du sujet, alors que la nature, avec ses 3,8 milliards d'années d'évolution fourmille de solutions performantes et innovantes qui sont autant d'outils pour appréhender les transformations actuelles du monde. » Ce décalage entre le dynamisme des États-Unis et de la Chine va l'amener à développer sa touche personnelle. « Tout ce que je lisais, écoutais et entendais en France sur le sujet était très intéressant, très inspirant, mais trop philosophique et pas très concret », se remémore-t-il.

Innover autrement

C'est ainsi qu'il devient d'abord « autoentrepreneur » pour porter la bonne parole auprès des entreprises et les convertir à cette nouvelle approche de l'innovation. « En fondant Bioxegy, à ce moment-là, je l'imagine comme une courroie de transmission entre la recherche et les entreprises », détaille encore le jeune entrepreneur. L'accueil est bon, les clients affluent et Bioxegy, augmentée de l'arrivée de Simon de Myttenaere dans l'aventure, devient une entreprise à part entière.

« C'est à ce moment-là que nous avons modifié en profondeur notre approche. Nous ne nous sommes plus contentés de faire uniquement de la formation et du conseil au biomimétisme, nous sommes devenus des acteurs de ce marché, en nous positionnant comme un bureau d'études qui était capable de concevoir des solutions inspirées du vivant, de les implémenter dans les entreprises et de faire aussi figure de porte-parole de cette nouvelle science », raconte Rostan. Concrètement, lorsqu'un client vient voir Bioxegy, la société établit un diagnostic et évalue les pistes possibles de développement de solutions nouvelles en lien avec les départements R&D et innovations de ces entreprises. Ensuite, le travail consiste à réaliser des preuves de concept, des études, et des mises en application. C'est ainsi, par exemple, que Bioxegy a travaillé avec la RATP sur l'amélioration de la ventilation des souterrains en s'inspirant « des tubercules présents sur les nageoires des baleines à bosse » s'émerveille Rostan. C'est ainsi également que la fourmi argentée du Sahara inspire les équipes de Rostan pour imaginer des dispositifs de régulation de la température et ainsi la faire baisser. « Nous nous sommes aperçus que ces fourmis résistaient à de très fortes chaleurs. Nous étudions leur morphologie, leur façon de réguler la température de leurs organismes afin de voir ce que nous pouvons dupliquer ou imaginer », décrypte Rostan qui confie que cette « recherche est sur le point d'aboutir ».

Inventer une nouvelle voie

Peut-être viendra-t-elle garnir les reconnaissances et les récompenses déjà raflées par la start-up de Sidney Rostan qui s'est vu décerner le prix de l'innovation du groupe Galilée, figure dans le top 5 des experts mondiaux du biomimétisme, et dans le top 35 européen des entreprises les plus innovantes de la tech. Avec désormais une équipe de 23 personnes, et une croissance qui frôle les 120 % de façon continue chaque année, la petite entreprise de Rostan est en train de prendre une nouvelle dimension. « Nous inventons une nouvelle voie. Quatre cinquièmes de nos ingénieurs sont au départ des ingénieurs généralistes. Au contact des scientifiques que nous employons, ils deviennent des biomiméticiens qui ont un objectif en plus de trouver des solutions innovantes, c'est de concilier la performance et la sobriété », avance le PDG.

« Travailler sur le biomimétisme, c'est aussi repenser le rapport au monde, le rapport au vivant et aussi la dynamique économique actuelle où seule la performance compte », décrypte encore le bouillonnant entrepreneur. Et d'ajouter : « Nous revendiquons, dans notre façon de faire, une volonté de remise en connexion de l'homme et du vivant. » Selon Rostan, « l'homme s'est quelque peu artificialisé » et a vécu « un éloignement cognitif vis-à-vis du vivant » alors qu'il en est « une partie non négligeable ». Ainsi, en imaginant ces solutions, Bioxegy participe à « la réflexion » et de « la création » qui « vise à rendre le monde plus soutenable, plus durable et plus habitable ».

Alors que le rendez-vous se termine, Sidney Rostan énumère les clients pour lesquels il a déjà travaillé sans pour autant pouvoir dire les détails des projets : Stellantis, Renault, Faurecia, Valeo, Dassault, Safran, la SNCF, la RATP, Air Liquide, Total, Engie, EDF, etc. Il affirme que « la prise de conscience a bel et bien eu lieu », mais que le chemin sera encore « un peu long » avant de pouvoir vraiment « avoir pris le tournant du biomimétisme » qui constitue, selon Rostan, une forme de « nouvelle révolution industrielle », en ce sens qu'il « change les paradigmes économiques ».

Changer les paradigmes, bouger, changer les perspectives, voilà peut-être ce qui caractérise Sidney Rostan. Le fameux battement d'ailes du papillon qui peut modifier en profondeur le cours des choses. Biomimétisme, un jour, biomimétisme toujours.

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T15

Commentaire 1
à écrit le 14/07/2023 à 10:42
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"repenser le rapport au vivant et la dynamique économique" Vaste programme avec les allemands.

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