
« Local à louer », « bail à céder », « liquidation totale avant fermeture ». Dans certaines zones rurales et petites villes, ces pancartes sur les vitrines des magasins sont devenues monnaie courante. L'expansion des grandes surfaces commerciales à la périphérie des villes des années 70 au début des années 2000 a plongé certains commerces dans un épais brouillard.
Mais la désaffection pour les hypermarchés et supermarchés, le boom du e-commerce et la pression environnementale sur le foncier commercial ont changé la donne. Face au risque d'un déclin plus prononcé, le gouvernement a lancé un programme de reconquête du commerce rural en février dernier doté d'une enveloppe de 12 millions d'euros. «Selon l'Insee plus de 21.000 communes ne disposent d'aucun commerce, soit 62% des communes françaises contre 25% en 1980 », avait souligné l'exécutif.
« Il faut absolument une politique ciblée »
Dans une note dévoilée ce jeudi 25 mai, le Conseil d'analyse économique, un organisme placé sous la responsabilité de Matignon a mis sur la table une batterie de propositions pour soutenir le petit commerce. « Il faut absolument une politique ciblée », a déclaré Anne Epaulard, professeure d'économie à l'université Paris Dauphine et co-auteur de la note.
« La France n'a pas besoin d'une nouvelle loi pour sauver le petit commerce. En revanche, il peut y avoir des difficultés dans certains secteurs et certaines zones géographiques », a-t-elle ajouté. Lors du point presse, les économistes ont mis en avant les bénéfices du maintien des petits commerces dans les zones les plus enclavées. «Compte tenu des externalités positives, la puissance publique doit subventionner ce type d'activité [...] il faudra toujours porter une attention à la valeur sociale du petit commerce », a affirmé l'économiste Camille Landais, président du CAE.
Politique publique ciblée et locale
Dans leurs travaux, les chercheurs plaident avant tout pour la mise en place d'outils suffisamment flexibles pour s'adapter aux spécificités et problématiques locales. Ces leviers doivent être principalement confiés aux collectivités locales (communes, agglomérations, intercommunalités), défendent les économistes. L'Etat peut intervenir par « un appui technique et financier » par le biais des agences nationales mais l'opérationnel doit rester entre les mains des autorités locales.
Depuis plusieurs années, l'Etat a mis en œuvre plusieurs programmes importants comme « Action Cœur de Ville » I et II et « Petites villes de demain » (PVD) avec des enveloppes importantes respectives de 10 milliards d'euros et 3 milliards d'euros. « Les programmes de revitalisation de centres-villes sont d'une ampleur inédite », a souligné Marie-Laure Allain, économiste à Polytechnique et au CNRS.« Mais il manque des données pour bien évaluer l'efficacité de l'évaluation des fonds », déplore la chercheuse.
Faciliter les régies municipales
L'autre piste mise en avant par le CAE est le développement des régies municipales, une solution « très rarement mise en œuvre ».« La rentabilité de l'activité n'est pas toujours suffisante pour maintenir une entreprise ou un gérant privé, même dans des locaux publics » pointent les auteurs. Le CAE souligne que « la régie municipale ne peut être retenue que pour maintenir le dernier commerce ». « Les fermetures ont des externalités extrêmement négatives sur la population, les écoles dans les zones rurales », rappelle Anne Epaulard.
Les économistes préconisent de mettre en œuvre des procédures standardisées et de nommer un référent dernier commerce dans les préfectures ou les centres des impôts locaux pour faciliter le recours aux régies municipales. Reste à savoir si les économistes du CAE seront entendus par l'exécutif.
Le petit commerce en quelques chiffres Le petit commerce retenu dans la note du CAE représente 12% de l'emploi total (2,5 millions d'emplois) et 6% du produit intérieur brut (PIB). Plutôt qu'un déclin, le petit commerce a subi une profonde mutation selon les économistes. Cette évolution est marquée par de « grandes disparités régionales » et la multiplication « des bars et restaurants » au détriment d'autres activités commerciales.
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