2023, année morose pour les fusions et acquisitions

Les craintes sur la récession mondiale ont grippé le marché des fusions-acquisitions en 2023. Après l'embellie spectaculaire post-Covid, rares sont les secteurs qui ont pu poursuivre leur consolidation. Les exceptions se trouvent du côté des filières stratégiques, dans un contexte géopolitique incertain où la défense des intérêts souverains devient centrale.
Les grands groupes se sont faits rares à l'achat, hormis quelques exceptions, comme des annonces d'acquisitions tactiques à l'étranger dans la défense.
Les grands groupes se sont faits rares à l'achat, hormis quelques exceptions, comme des annonces d'acquisitions tactiques à l'étranger dans la défense. (Crédits : Laurian Ghinitoiu/Bjarke Ingels Group/Cover Images via Reuters)

« Il y a une chose que le M&A [le marché des fusions-acquisitions] déteste, c'est l'incertitude », lâche, en guise de résumé de l'année 2023, un banquier d'affaires. Ce constat, beaucoup d'autres professionnels le partagent, accusant « les histoires d'inflation, les taux d'intérêt, les conflits géopolitiques...». Rares sont ceux qui ont eu des opérations à se mettre sous la dent ces douze derniers mois. Une situation antinomique avec la période Covid où l'afflux de liquidités avait dopé les transactions entre les entreprises.

En 2021, les « fusacqs », avaient atteint 5.800 milliards de dollars, en hausse de 64% par rapport à 2020, et un record, selon le rapport annuel du cabinet d'avocats Allen & Overy, s'appuyant sur les données du spécialiste des données financières Refinitiv.

Cette embellie était alors due à deux phénomènes : d'abord « les grandes entreprises technologiques qui procédaient à des acquisitions à un rythme accéléré » pour se développer, tandis que les entreprises traditionnelles « cherchaient à accélérer leur propre transformation numérique », appuie le cabinet. Depuis la remontée des taux d'intérêts est venue calmer l'euphorie dans la tech, tant du côté des acheteurs que des vendeurs. Ces derniers ont parfois du mal à accepter une baisse de prix de leurs actifs, dont la perspective de croissance à moyen et long terme s'est assombrie dans un contexte économique morose.

Montant total en baisse de plus de 20%

Ainsi, pour 2023, le patron de la banque américaine JP Morgan à Paris, Kyril Courboin, évoque une année « calme » quand l'un de ses concurrents, interrogé par l'AFP, parle, lui, d'un millésime 2023 « très mauvais ».

Refinitiv traduit en chiffres ce sentiment largement partagé : le montant cumulé des opérations a chuté de 21% dans le monde cette année par rapport à 2022 - avec les dernières données arrêtées à fin novembre -, pour atteindre un point bas depuis dix ans. La France n'est pas épargnée et le coup d'arrêt est net sur le « large cap », les opérations à plus d'un milliard d'euros.

Les spécialistes de ce segment, comme Lazard, souffrent particulièrement : la banque d'affaires franco-américaine a enregistré une perte nette de 139 millions de dollars entre janvier et septembre, et se déleste de 10% de ses effectifs.

Les plus gros se maintiennent dans la course

Mais certaines firmes parviennent à dompter le marasme. Ainsi, dans le secteur minier, les besoins en métaux stratégiques exigés par la transition énergétique sont tels que les groupes poursuivent le mouvement de consolidation. Pour 2023, à rebours de la tendance, en matière de rachats et de fusions, le montant devrait atteindre 65 milliards de dollars (contre 36 milliards de dollars en 2022), soit son plus haut niveau depuis 2012, estimait le cabinet d'études Dealogic.

Début mai, l'australo-britannique BHP Billiton, la première compagnie minière mondiale en termes de valorisation, a finalisé le rachat de 100% de la compagnie minière australienne OZ Minerals pour 6,4 milliards de dollars. Dans le lithium, l'Australien Allkem rachète l'étasunien Livent pour 10 milliards de dollars pour créer un nouveau groupe qui va lui permettre de se hisser à la troisième place mondiale.

Lire aussiLe secteur minier menacé par les risques géopolitiques et l'envolée des coûts de production

Sous la même pression, les M&A sont à l'avantage des plus gros : le japonais Mizuho s'est ainsi emparé de l'américain Greenhill, et l'italien Mediobanca est en train de s'offrir la boutique tech londonienne Arma Partners.

Le contexte contraint aussi les banques d'affaires à être plus inventives. « On a été très créatifs cette année pour essayer de faire des opérations qui contournaient toutes les difficultés structurelles et la frilosité des investisseurs », témoigne un banquier parisien interrogé par l'AFP.

Plutôt que de vendre à prix cassé, certaines sociétés de capital-investissement préfèrent par exemple conserver plus longtemps leurs participations en les transférant dans un fonds successeur, appelé fonds de continuation.

Des achats tactiques

Les grands groupes se font eux aussi rares à l'achat, hormis quelques exceptions, comme des annonces d'acquisitions tactiques à l'étranger dans la défense (Thales, Safran) ou le luxe (Kering), ou encore le rachat des activités de logistique internationale de Bolloré par l'armateur CMA CGM (propriétaire de La Tribune depuis 2023), qui devrait être finalisée au premier trimestre 2024.

Les prix sont déjà à un point bas depuis 2018 sur le segment de marché juste en dessous, c'est-à-dire les entreprises de taille moyenne (ETI) valorisées entre 15 et 500 millions d'euros, d'après l'indice calculé tous les trimestres par la société de gestion Argos Wityu.

Les investisseurs institutionnels (assureurs, fonds de pensions....) ont par ailleurs tendance à moins diversifier leurs investissements, préférant un petit nombre de sociétés de gestion au grand nombre de produits (capital, dette, infrastructure) plutôt que l'inverse.

La période pousse donc les acteurs du capital-investissement, acheteurs et vendeurs compulsifs d'entreprises, à eux aussi entrer dans une phase de consolidation, surtout si leurs métiers s'avèrent complémentaires.

La société d'investissement Wendel a ainsi annoncé mi-octobre un accord en vue de reprendre IK Partners. Quelques semaines plus tard, Omnes Capital entrait en négociations exclusives avec l'Idi, Naxicap ayant de son côté des vues sur Entrepreneurs Invest.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 27/12/2023 à 12:20
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Remarquons en passant que la désertion des électeurs lors des consultations électorales prouve qu'il existe le même manque de fusion entre électeurs et élus.

à écrit le 26/12/2023 à 7:18
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"où la défense des intérêts souverains devient centrale" Dans ce cas faut être logique et sortir de l'UE sinon nous n'avons aucun intérêt souverain au sein de l'UERSS empire financier prévu pour durer mille an. Pire elle les a massacré nos intérêts s...

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