Fusions-acquisitions : faut-il toujours tenir le prix secret ?

OPINION. Même dans le cas d'une opération dont l'impact serait négatif sur la profitabilité de la société, publier des chiffres dissipe les malentendus et limite les erreurs d'estimation. Par Antoine Denry et Nizar Berrada, directeur et consultant au sein du cabinet de conseil en communication stratégique Taddeo.
(Crédits : Reuters)

« Should I stay, or should I go? ». Non contente de résonner dans la tête des nostalgiques des Clash, cette question taraude aussi les investisseurs positionnés sur un véhicule coté. Quand il s'agit d'une action, la réponse est souvent justifiée par l'analyse des fondamentaux de l'entreprise. Le potentiel de croissance et la profitabilité sont en effet des variables clés dans l'évaluation d'un investissement. Néanmoins, ces dernières ne dépendent pas toujours de la vie « organique » des entreprises. Certaines ont recours à des stratégies de croissance externe.

Le choix d'acquérir ou de céder des actifs peut générer de la valeur, mais il peut aussi en détruire. C'est là que réside l'intérêt de fournir au marché les informations nécessaires pour forger son jugement.

Pour évaluer cette création -ou destruction- de valeur, un actionnaire a besoin de connaitre les montants engagés (acquisitions) ou dégagés (cessions) en vue d'affiner son analyse et son choix d'investissement. Pour les sociétés cotées, divulguer la somme est toujours un acte de transparence financière qui facilite la décision des investisseurs présents au capital ou intéressés par le titre (Should I come ?).

Outre les contraintes réglementaires qui restreignent la communication des entités cotées lors d'opérations de haut de bilan, donner le prix demeure une option préférable car elle permet d'ôter le doute sur une possible déperdition de valeur. Même dans le cas d'une opération dont l'impact serait négatif sur la profitabilité de la société, publier des chiffres dissipe les malentendus et limite les erreurs d'estimation.

La communication du montant des opérations a d'autres conséquences positives, elle facilite le suivi du retour sur investissement et l'évaluation de la pertinence des stratégies de croissance externe sur le long-terme. Informer sur les synergies attendues fait également partie des meilleures pratiques : cette information permet de cerner la compétence des dirigeants dans l'intégration des cibles et leur capacité à générer de la valeur.

Les montants seront révélés tôt ou tard

Dans le cas des sociétés privées, pour lesquelles l'obligation de divulguer le montant d'opérations, même significatives, est levée, il demeure pertinent de publier cet élément. L'objectif reste de donner des indications sur la capacité et la profondeur financières de l'entreprise, dans une logique de transparence envers des marchés qui pourraient être sollicités ultérieurement pour une levée de fonds.

Enfin, si l'entreprise, cotée ou privée, ne communique pas le prix, d'autres le font ou le feront. Sur toutes les places financières, banquiers, avocats et autres conseils sont enclins, tôt ou tard, à révéler les montants des transactions accomplies.

Comme nous le rappelle Warren Buffet, le but premier des investisseurs (et des sociétés en recherche de croissance externe) est de « découvrir des entreprises extraordinaires à des prix ordinaires, et non des entreprises ordinaires à des prix extraordinaires ». Sans divulgation du montant et des synergies attendues, il est impossible d'évaluer la pertinence de telles opérations.

Les seuls acteurs qui peuvent à notre sens trouver intérêt à plus de discrétion sur les montants sont les fonds de Private Equity. Dans un environnement très concurrentiel où chaque opération est scrutée de près, une communication « trop » transparente s'avérera nuisible si elle permet aux autres acteurs d'ajuster leurs positions ou mieux valoriser leurs prochaines cibles.

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Commentaire 1
à écrit le 04/08/2023 à 18:45
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La discrétion est de rigueur dans le mondes affaires que ce soit comme dans le cas présent l'achat ou le vente d'entreprises comme dans les négociations commerciales , tant que ce n'est pas finalisé il ne faut surtout pas vendre la peau de l'ours .....

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