Coronavirus : l’économie chinoise asphyxiée, l'activité mondiale menacée

Le coronavirus a plongé l’économie chinoise dans la torpeur. La baisse de la consommation et la chute de la production industrielle dans la deuxième puissance économique mondiale pourraient avoir des effets dévastateurs à l’échelle de la planète.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

Des usines fermées, une consommation en berne, des villes entières confinées...l'épidémie du coronavirus a mis un sérieux coup d'arrêt aux principaux moteurs de l'économie chinoise. Ce problème sanitaire pourrait faire chuter la croissance du géant asiatique déjà fragilisée par le coup de frein du commerce mondial. Un mois et demi après l'apparition du premier cas de virus, l'économie chinoise est en alerte alors que la croissance du PIB a ralenti en 2019 à un plus bas de 30 ans (6,1% selon le FMI). "L'impact va être assez significatif sur le premier trimestre en Chine et ailleurs. Pour les transports, les conséquences sont catastrophiques. Sur le volume des transports, il y a eu une chute entre le 8 janvier et le 10 février de 40%. Sur la période du Nouvel an chinois, il y a eu des baisses de l'ordre de 80%" avertit l'économiste de Market Securities, Christophe Barraud. La Banque centrale de Chine a déjà annoncé le 9 février qu'elle allait débloquer 300 milliards de yuans (43 milliards de dollars environ) pour aider les entreprises impliquées dans la lutte contre l'épidémie de pneumonie virale qui a déjà provoqué plus de 1.000 morts et contaminé des dizaines de milliers d'individus. Si les autorités tentent d'afficher des efforts pour soutenir l'économie, l'arrestation de huit médecins à l'origine du signal d'alarme le premier janvier dernier a provoqué une grande vague de colère dans la population.

Un choc sur l'économie chinoise

Depuis le 22 janvier, les autorités ont mis en oeuvre des mesures de confinement dans la région de Hubei dans le but de ralentir la propagation de l'épidémie. Les déplacements ont été fortement limités, notamment lors du Nouvel an chinois et les vacances ont été prolongées. Evidemment, il est encore difficile à ce stade de mesurer l'ampleur du ralentissement. Tout va dépendre de l'évolution de l'épidémie et du prolongement des mesures de restriction. Dans une récente note, l'économiste en chef de Oddoes Securities, Bruno Cavalier, tablait sur une baisse de l'activité de l'ordre de deux points sur un trimestre, "ce qui est déjà conséquent. Puisque le PIB réel progressait de 1.5% par trimestre (6% l'an) en temps normal, la croissance pourrait tomber à zéro au premier, voire passer en territoire négatif".


Sur le plan industriel, les clignotants sont au rouge. Une dizaine de provinces fortement industrialisées ont demandé la fermeture d'usines et d'entreprises au moins jusqu'au 9 février. "Ces régions représentent plus de 50% du PIB chinois, tout retard dans la reprise de l'activité amplifiera l'impact sur la croissance au premier trimestre", avertit le cabinet Oxford Economics. Même si le poids du secteur industriel dans l'économie chinoise a perdu du terrain au profit des services, il représente tout de même 40% de la valeur ajoutée.

En outre, la demande intérieure est paralysée. Les consommateurs chinois ont déserté les commerces dans certaines métropoles. "L'épidémie et le "facteur peur" associé pèseront sur les dépenses de consommation" expliquent les économistes d'Euler Hermes dans une récente note de conjoncture. L'impact de l'épidémie actuelle pourrait être bien plus importante que celui du Sras en 2003, compte tenu du poids de la consommation des ménages dans le PIB. La contribution de la consommation des foyers chinois au PIB était d'environ 30% il y a 15 ans contre 50% actuellement.

Le risque de propagation à l'échelle mondiale

Malgré les mesures de prévention et de confinement, les répercussions économiques du virus à l'échelle mondiale semblent inévitables. La Chine a acquis une place considérable dans la mondialisation économique et financière en deux décennies (16% du PIB mondial contre moins de 5% il y a 20 ans). "Au niveau mondial, toutes les régions vont être touchées. Evidemment, il peut y avoir des différences en fonction du degré de proximité avec la Chine" affirme Christophe Barraud. Sur le front commercial, les pays voisins sont en première ligne. Tous les "dragons asiatiques" ( Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan) ont enregistré un recul de leurs échanges avec les entreprises chinoises. "Les premiers chiffres d'importations et d'exportations des pays qui font du commerce avec la Chine montrent une baisse. Le Vietnam a indiqué que son commerce bilatéral imports/exports était à -11,8% en janvier en rythme annuel. Les exportations sud-coréennes à destination de la Chine ont chuté de 8% en janvier" ajoute Christophe Barraud.  En outre, l'intégration plus poussée de la Chine dans les chaînes de production et les chaînes de valeur à l'échelle du globe peut aboutir à une désorganisation des flux et in fine, une paralysie la production de bien manufacturés dans de nombreux secteurs. La montée en puissance des nouvelles routes de la Soie peut également faciliter les phénomènes de propagation économiques sur l'ensemble des pays traversés.

Au delà des pays avoisinants, de grands pays exportateurs comme le Japon et l'Allemagne sont également très exposés (environ 3% du PIB). Le ralentissement de la demande chinoise pourrait affecter l'appareil exportateur de grandes puissances industrielles ou pétrolières. Outre les biens, les dépenses en services notamment touristiques pourraient être grandement affectées par cette maladie. "D'un point de vue touristique, c'est une catastrophe. Tous les pays qui sont touchés comme la Thaïlande ou le Vietnam vont connaître un impact sur plusieurs trimestres" indique Christophe Barraud.

En France, l'industrie touristique s'inquiète avec plusieurs dizaines de vols annulés chaque semaine. La puissance asiatique est en effet le premier pays émetteur de touristes avec près de 150 millions de voyages à l'étranger recensés en 2018 par l'organisation mondiale du tourisme.  Rien qu'en Ile-de-France, les Chinois figurent en tête du classement des clientèles internationales avec plus de 265 millions d'euros d'achats de biens en 2018 selon une récente enquête du comité régional du tourisme. Les Grands magasins (Galeries Lafayette, Printemps) et les boutiques de luxe pourraient particulièrement pâtir de cette chute du tourisme. Reste à savoir si les scientifiques vont pouvoir trouver une solution rapidement à cette immense crise sanitaire.



Grégoire Normand
Commentaires 16
à écrit le 14/02/2020 à 9:18
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Vu les dégâts sur l'environnement que provoque l'activité industrielle et commerciale Chinoise, ce fort ralentissement ne pet être que salutaire et bénéfique. pourvu qu'il dure

à écrit le 11/02/2020 à 10:51
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Pour comprendre comment cette situation a pu se produire, il faut lire "Mémoires chinoises" de Jean Tuan, chez C.L.C. Editions. L'auteur évoque l’évolution à marche forcée de la Chine dont il a été témoin depuis 1980. Marie Holzman, sinologue de reno...

à écrit le 10/02/2020 à 22:24
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eh bien ! enfin une possibilité d'envisager un peu de décroissance, une vraie révolution écologique, une remise en cause de notre relation au travail, de notre consommation, de l'enrichissement sans fin, de la stupidité de se "dépasser", de la reconn...

à écrit le 10/02/2020 à 19:19
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Pendant que l'on parle du coronovirus 360 milliards de sauterelles ( des criquets pélerins) ravagent en ce moment l’Afrique de l’Est et le Moyen-Orient ; il s'agit d'un fléau aux “dimensions bibliques” largement occulté par les médias Les criquets...

le 10/02/2020 à 20:13
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Certainement mais les médias ont le culte de l' entre-soi, les criquets qui dévastent l' Afrique ne les intéressent guère.. Je viens d' apprendre que les sardines pêchées dans le golfe du Lyon avaient perdu 2/3 de leur taille dans l' indiff...

le 11/02/2020 à 14:15
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Il me semble que ce n'est pas occulté, on en parle dans les médias français, belges, UK, etc.

à écrit le 10/02/2020 à 19:11
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Il va falloir le dire aux "investisseurs" en bourse parce qu'ils ne sont pas au courant alors !

à écrit le 10/02/2020 à 18:37
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sans deconner! ok les chinois consomment moins, et ok y a un certain nombres d'industries qui ne tournent pas, mais ca va etre quoi l'impact? 3 mois de legere baisse d'une economie qui pese 15% de l'economie mondiale.... en plus sans etre mechant c...

à écrit le 10/02/2020 à 18:24
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"Pour les transports c'est catastrophique". Ouf, un petit répit pour le climat et la planète et où l'on pourra constater que nous ne sommes pas morts de faim, juste du retard dans la livraison du dernier iPhone. Bof...!

à écrit le 10/02/2020 à 17:13
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Il ne faut pas déconner à vouloir spécialiser les manufactures et les regrouper à l'autre bout de la planète ce n'est pas de la bonne gestion... Il faut retrouver une certaine dose d'autarcie pour les produits de consommation et consommer local..

le 11/02/2020 à 14:35
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"Il ne faut pas déconner à vouloir spécialiser les manufactures et les regrouper à l'autre bout de la planète ce n'est pas de la bonne gestion... " C'est juste pour avoir des marges plus importante.Fabriqué en Chine, mais le prix lui reste françai...

à écrit le 10/02/2020 à 17:11
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Un mal pour un bien: ce virus qui tue essentiellement des gens aux poumons fragiles expose à quel point la pollution a malmené la population dans ce pays. D'ailleurs ce sont les capitaux des investisseurs du monde entier qui en ont généré une quantit...

le 11/02/2020 à 10:52
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Pour comprendre comment cette situation a pu se produire, il faut lire "Mémoires chinoises" de Jean Tuan, chez C.L.C. Editions. L'auteur évoque l’évolution à marche forcée de la Chine dont il a été témoin depuis 1980. Marie Holzman, sinologue de reno...

à écrit le 10/02/2020 à 17:10
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Etrange, cette peur du "moins". D'après la plupart des gens, il faudrait toujours "plus". Plus de PIB, plus d'habitants, plus de voyages, donc au final plus de pollution. Mais le "moins", c'est bien aussi, non ?

le 10/02/2020 à 19:34
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Pourquoi pas. Mais dans ce cas, il faudra faire avec un pouvoir d’achat qui baissera sans cesse, faire une croix sur la retraite. Alors que les français descendent dans les rues depuis un an pour en avoir plus. C’est souvent les mêmes qui sont contre...

le 10/02/2020 à 21:24
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Souvent les fonctionnaires se réjouissent par un reflexe malsain des difficultés économiques car elles n'ont aucun impact immédiat sur leur portefeuille. Du pur égoisme.

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