Grève dans l'automobile aux Etats-Unis : l'espoir d'un accord « gagnant-gagnant » semble s'éloigner

Vendredi, le syndicat américain des travailleurs de l'automobile, l'UAW (United Auto Workers), a lancé une grève au sein des « Big 3 » (General Motors, Ford, Stellantis) afin de réclamer, notamment, des hausses de salaires. Si elle a, pour l'instant, un impact économique limité, elle semble bien partie pour durer, l'organisation ayant menacé d'une possible « amplification » si de meilleures propositions n'étaient pas faites.
Depuis vendredi, le syndicat américain des travailleurs de l'automobile, l'UAW, mène une grève au sein des « Big 3 » (General Motors, Ford, Stellantis) afin de réclamer, notamment, des hausses de salaires.
Depuis vendredi, le syndicat américain des travailleurs de l'automobile, l'UAW, mène une grève au sein des « Big 3 » (General Motors, Ford, Stellantis) afin de réclamer, notamment, des hausses de salaires. (Crédits : USA TODAY NETWORK via Reuters Connect)

Le gouvernement américain espère toujours une issue favorable à la grève qui touche le secteur de l'automobile aux Etats-Unis depuis vendredi dernier. C'est du moins le cas de la secrétaire au Trésor américaine, Janet Yellen, qui a appelé, lundi, à un accord « gagnant-gagnant ».

« Le point important, je pense, est que les deux parties doivent aplanir leurs désaccords et travailler à un accord gagnant-gagnant, qui soit bon pour les travailleurs et pour l'industrie », a-t-elle affirmé.

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Une revalorisation de 40% exigée

Cette grève a été lancée par le syndicat américain des travailleurs de l'automobile, l'UAW (United Auto Workers), - c'est le tout premier débrayage de son histoire - au sein des « Big 3 » (General Motors, Ford, Stellantis) afin de réclamer, notamment, des hausses de salaires. L'organisation exige une revalorisation de 40%, correspondant à celle perçue par les dirigeants des groupes ces quatre dernières années. Elle demande aussi la fin des différentes grilles salariales et de certains avantages, un ajustement lié au coût de la vie dans un contexte d'inflation ou encore une meilleure couverture sociale pour les retraités. Pour le syndicat, il s'agit de renouer avec les standards en vigueur avant la crise financière de 2008 lorsque les faillites de General Motors et de Chrysler l'avaient contraint à d'importantes concessions.

En négociant simultanément avec les trois groupes, le syndicat a rompu avec la tradition de discuter avec un groupe - quitte à faire grève - et à se servir ensuite de l'accord trouvé comme référence pour les tractations avec les deux autres constructeurs. Les experts s'attendent néanmoins à ce que l'UAW cherche à utiliser son entente avec le premier groupe qui transigera, pour obtenir des deux autres les mêmes conditions économiques notamment concernant les salaires. Les analystes de Cox Automotive considèrent que GM est « probablement plus vulnérable » que Stellantis ou Ford.

Janet Yellen a, elle, souligné que « l'industrie se porte bien et le président souhaite voir les travailleurs également s'en sortir ». Vendredi, Joe Biden a, en effet, appelé les trois constructeurs à un partage « juste » de leurs « profits record » . « Le président Biden a clairement indiqué qu'il s'attend à ce qu'ils travaillent dur pour négocier 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, afin de parvenir à une solution. Nous espérons donc que cela se produira bientôt », a confirmé Janet Yellen, lundi.

Vers un durcissement de la grève

D'autant que la grève pourrait encore se durcir, a prévenu, dimanche, le président du UAW, Shawn Fain, menaçant d'une possible « amplification » de la grève si de meilleures propositions n'étaient pas faites. Lundi soir dans une vidéo, il a même adressé un ultimatum : « Si Ford, General Motors, ou Stellantis ne font pas de progrès substantiels vers un accord juste » d'ici vendredi midi, « l'UAW appellera davantage de membres à joindre la grève ». Pour l'heure, celle-ci concerne trois sites, à l'arrêt depuis vendredi, soit 12.700 des 146.000 membres de l'UAW répertoriés chez les trois constructeurs.

Malgré la forte mobilisation, le coût pour chaque camp reste faible à ce stade. Les usines visées produisent des pick-up de taille moyenne générant des ventes confortables sans être des poules aux oeufs d'or pour les constructeurs historiques de Detroit (Michigan). Paul Jacobson, directeur financier de General Motors, avait d'ailleurs indiqué en juillet que les stocks des nouveaux modèles les plus populaires atteignaient environ dix jours, avec la volonté de parvenir à 50-60 jours d'ici fin 2023. Parmi ces véhicules favoris, se trouvent la Chevrolet Colorado et la GMC Canyon, toutes deux fabriquées à l'usine de Wentzville (Missouri), l'une des trois en grève. En outre, plutôt qu'arrêter la totalité de la production d'un seul ou des trois groupes, l'UAW a lancé une grève limitée. Si son action est donc spectaculaire, car inédite, le coup porté n'a rien de critique pour la rentabilité des groupes. Pas pour l'heure du moins.

Incertitude

Mais elle crée de l'incertitude. « Le syndicat s'est donné la capacité d'escalade et de frappes contre des sites qui pourraient être plus douloureuses », estime Michelle Kaminski, professeure à l'université d'Etat du Michigan, spécialisée dans les relations sociales en entreprise. Le manque à gagner pourrait se situer entre 41 et 64 millions de dollars par semaine au niveau du résultat opérationnel, d'après une note de Deutsche Bank. Or, selon Harry Katz, professeur à l'Ecole des relations industrielles et du travail de l'université Cornell, la grève pourrait durer six à huit semaines, si ce n'est davantage. « Cette situation semble très supportable pour l'instant, illustrant la stratégie de l'UAW de ne pas paralyser immédiatement à grande échelle le circuit de production, mais plutôt d'injecter un haut niveau d'incertitude concernant l'ampleur de la grève (...) pour mettre la pression, en fonction de la progression des négociations », confirme Deutsche Bank.

De son côté, Janet Yellen a estimé, sur CNBC, qu'il était « prématuré de faire des prévisions sur ce que cela signifie pour l'économie. Cela dépendra beaucoup de la durée de la grève et de qui en sera affecté ».

Risque de shutdown

Outre cette grève, une autre ombre plane sur l'économie américaine : celle du shutdown, une paralysie de l'administration. Elle interviendra si républicains et démocrates au Congrès ne s'accordent pas, d'ici au 1er octobre, sur le budget du gouvernement, objet d'une bataille politique.

« Il n'y a absolument aucune raison pour un shutdown et nous voulons que le Congrès fasse son travail de financement du gouvernement », a toutefois voulu rassurer la ministre de l'Economie américaine. Janet Yellen a par ailleurs assuré que celle-ci était en bonne santé, malgré les mesures mises en oeuvres depuis près de deux ans par la banque centrale américaine, la Fed, pour faire ralentir l'activité, et, ainsi, voir baisser l'inflation. « Je ne vois aucun signe indiquant que l'économie risque de connaître un ralentissement », a-t-elle assuré, estimant que « c'est le meilleur des mondes de voir une économie toujours forte, un marché du travail bon et fort et une inflation en baisse ».

(avec AFP)

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