Corruption, pots de vin, argent sale...dans son dernier rapport dévoilé ce jeudi 25 février, l'OCDE brosse le portrait clinique des intermédiaires financiers qui jouent un rôle prépondérant dans la fraude fiscale. Le scandale des Panama Papers avait jeté une lumière crue sur le cabinet d'avocats Mossak Fonseka dont les fondateurs sont actuellement visés par un mandat d'arrêt international. Plus récemment, l'affaire des LuxLeaks a rappelé que malgré des avancées, le Luxembourg demeure un paradis fiscal de premier ordre au coeur de l'Europe et des transactions financières mondiales. Pour tenter de freiner les pratiques frauduleuses de ces intermédiaires, l'OCDE formule quelques recommandations à destination des Etats et des autorités fiscales.
« Le petit groupe de spécialistes qui contribuent à l'exécution et (ou) à la dissimulation des délits de cette nature ne mettent pas seulement en péril la règle de droit, mais font du tort à leur propre profession, à la confiance du public envers le système juridique et financier, et à l'uniformité de traitement entre les contribuables respectueux des règles et ceux qui les bafouent. À terme, c'est l'intérêt général que présentent les recettes fiscales et leur disponibilité à des fins publiques qui est compromis » informe le rapport intitulé « En finir avec les montages financiers abusifs : Réprimer les intermédiaires qui favorisent les délits fiscaux et la criminalité en col blanc ».
> Lire aussi : « Luxleaks » : le rôle toujours plus important du Luxembourg dans l'évitement fiscal
Des connaissances pointues sur la fiscalité
Il n'existe pas à proprement parler de définition universelle pour les intermédiaires financiers. Chaque pays a sa propre approche de ce type de structure. Dans leur dossier, les auteurs soulignent néanmoins des caractéristiques communes dans la plupart des pays étudiés. Il s'agit de personne physique ou morale qui possède :
- des qualifications ou une formation professionnelles ;
- une connaissance pointue des procédures fiscales, juridiques ou financières ;
- une expérience du montage de structures fiscales, ou de structures comportant des éléments transnationaux ;
- une expérience du montage de structures opaques pour éviter que les activités fiscales et économiques de leurs clients ne fassent l'objet de contrôles.
« Ce rapport veut mettre la lumière sur cette absence de définition commune. Il est nécessaire d'avoir des concepts communs. Tous les pays doivent appréhender les risques qui existent et mettre en oeuvre une législation plus précise. Ce document peut permettre aux Etats d'observer les définitions existantes dans les autres pays » explique Grace Perez-Navarro, directrice adjointe du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE interrogée par La Tribune.
Des stratégies toujours plus élaborées
Ces intermédiaires élaborent des stratégies toujours plus élaborées pour échapper aux services fiscaux et aux enquêteurs. Comme le rappellent les auteurs du rapport, la mise en oeuvre de dispositifs facilitant la création d'entreprise peut favoriser les pratiques frauduleuses. La multiplication des sociétés écrans et des entreprises « de façade » sont les exemples les plus flagrants de cette délinquance.
« Si la rapidité des formalités d'immatriculation a souvent pour objectif d'alléger la charge induite par le respect des obligations réglementaires pour les propriétaires d'entreprises légitimes et de stimuler la croissance économique nationale, elle peut aussi exposer le système à des actes illicites. Quand il est possible de créer rapidement une entreprise, les criminels n'ont pas besoin d'infiltrer des entreprises établies », indique le rapport.
« Les personnes qui veulent échapper aux impôts utilisent ces entreprises dans les paradis fiscaux ou des banques à l'étranger. Pour faciliter ces pratiques, ils ont recours à ces intermédiaires pour créer des sociétés. Les personnes qui veulent échapper à l'impôt ne connaissent pas forcément les modalités pour créer des sociétés à l'étranger donc il faut utiliser des intermédiaires. C'est la complexité des affaires qui permet d'occulter la fraude fiscale, les intermédiaires jouent un rôle important pour mettre en place cette complexité. C'est la complexité des affaires financières qui peut favoriser ces pratiques » ajoute Grace Perez-Navarro.
La pandémie pourrait augmenter les risques de fraude
Depuis le début de la pandémie, la plupart des Etats et des Banques centrales ont mis en place des vastes plans de soutien et des politiques monétaires ultra accommodantes pour protéger le tissu économique et permettre aux intermédiaires financiers d'injecter des liquidités. Selon l'institution internationale basée à Paris, cette période pourrait être propice à l'apparition de nouvelles menaces.
« Dans le sillage de la pandémie du COVID-19, de nouveaux risques continuent de surgir, comme la possible intervention d'intermédiaires fiscaux pour favoriser l'accès frauduleux aux financements de soutien, ce qui met en lumière la menace persistante que ces spécialistes représentent pour la société », indique l'organisation mondiale.