La banque asiatique d'investissement accusée d'être sous influence du Parti communiste chinois

L'ex-responsable de la communication de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures a accusé jeudi le Parti communiste chinois d'exercer une influence « excessive » sur l'institution, ce qui a poussé le Canada à geler sa coopération avec l'organisation.
La Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures a été créée en 2016 dans l'optique de contrecarrer l'influence des Occidentaux au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale.
La Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures a été créée en 2016 dans l'optique de contrecarrer l'influence des Occidentaux au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale. (Crédits : © POOL New / Reuters)

La banque asiatique d'investissement (BAAI) pour les infrastructures est-elle sous influence chinoise ? C'est l'accusation portée par Bob Pickard, ancien responsable de la communication de la BAAI, qui a démissionné cette semaine.

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S'exprimant depuis Tokyo à l'AFP - il a quitté la Chine précipitamment, craignant pour sécurité - le Canadien de 58 ans a affirmé que la banque est dominée par des membres du Parti communiste chinois (PCC) et finance principalement des projets présentant un intérêt pour Pékin. « C'est une ressource pour les objectifs géopolitiques de la République populaire de Chine », a-t-il estimé.

Financement des pays concernés par l'initiative chinoise des « Nouvelles routes de la soie »

La banque a orienté ses prêts principalement vers les pays concernés par l'initiative chinoise des « Nouvelles routes de la soie », également connue sous le nom « La  Ceinture et la Route », a dit aussi l'ex-responsable à l'AFP. « Il ne s'agit pas de projets déconnectés, l'initiative « La Ceinture et la Route » et la BAAI (...) ce sont des types de pays similaires que la Chine essaie d'entretenir politiquement. »

L'accusateur a affirmé avoir été prévenu, après avoir rejoint la banque en mars 2022, « de ne pas s'embrouiller avec des membres du parti (...) parce qu'ils sont puissants ». L'ex-responsable a refusé de dévoiler l'identité de l'émetteur de l'avertissement. Il a cependant admis avoir fait part de ses préoccupations quant au rôle des membres du parti et à leur influence, par écrit il y a un mois. « La réponse a été, en substance : « ne vous aventurez pas sur ce terrain. »

Selon l'ancien responsable de la communication, « il y a beaucoup de cadres étrangers de façade au sein de la direction ». À l'intérieur de la banque, « il y a un système parallèle, il est adjacent à la structure de prise de décision publique », a-t-il ajouté.

La banque balaie les accusations

À la suite de tweets dans lesquels il s'en est pris à l'institution, la BAAI a jugé ses accusations « sans fondement et décevantes », se disant « fière de notre mission multilatérale ».

La Chine a, elle, défendu jeudi la « transparence » BAII qui « respecte les principes d'ouverture, de méritocratie et de transparence dans le recrutement et la gestion de ses effectifs » comme l'a assuré Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise, interrogé sur cette affaire lors d'un point presse. « Depuis sa création [...] la BAII a permis d'importantes réalisations [...] qui ont été largement reconnues par la communauté internationale », a-t-il souligné.

Installée à Pékin, la banque vise à financer des projets d'infrastructures en Asie. Elle a été créée en 2016 dans l'optique de contrecarrer l'influence des Occidentaux au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale.

Elle est composée de 106 membres, parmi lesquels figurent la France, l'Allemagne, le Canada et l'Australie. Les Etats-Unis n'en font pas partie, ayant choisi de ne pas y participer dès sa création, préoccupés par sa gouvernance et sa transparence.

Le Canada cesse toutes ses activités au sein de la Banque

A la suite de ces accusations, la ministre canadienne des Finances, Chrystia Freeland, a annoncé qu'Ottawa « cessera immédiatement toutes ses activités au sein de la Banque ». Son ministère, a-t-elle ajouté, sera chargé « d'examiner sans tarder les allégations soulevées et la participation du Canada dans les activités de la BAAI ».

Bob Pickard s'est dit « heureux que le gouvernement de [s]on pays prenne au sérieux le problème du manque de transparence et de l'influence excessive du PCC sur ce qui est censé être une organisation multilatérale ». « Pourquoi le Canada participe-t-il à une organisation qui, en fin de compte, rend la Chine plus puissante ? », s'est-il interrogé.

Par le passé, la BAAI a fait l'objet d'accusations similaires. En 2017, son vice-président d'alors, Thierry de Longuemar, avait souligné que la banque n'était pas un « un instrument de l'Etat chinois ».

Pour les Etats-Unis, le FMI et la Banque mondiale se posent en contrepoids aux prêts accordés par la Chine

La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a estimé mardi que les institutions économiques internationales, comme le FMI ou la Banque mondiale, « servent de contrepoids » aux prêts accordés notamment par la Chine. « Ces institutions reflètent les valeurs des Etats-Unis », a déclaré la ministre de l'Economie et des Finances de Joe Biden, devant une commission de la Chambre des représentants. Le poids des Etats-Unis « au sein de ces institutions est l'un des principaux moyens de s'engager avec les marchés émergents et les pays en développement », a-t-elle ajouté. L'aide des institutions financières internationales « s'accompagne d'exigences fortes en matière de gouvernance, de responsabilité et de viabilité de la dette », et « cela sert de contrepoids important aux prêts non transparents et non durables d'autres pays comme la Chine », a-t-elle précisé.

La Chine est l'un des principaux créanciers des pays en développement, et les conditions auxquelles ses prêts sont accordés sont régulièrement pointées du doigt par la communauté internationale, pour n'être pas transparentes notamment. La restructuration de la dette extérieure du Sri Lanka, par exemple, avait été retardée, car la Chine était initialement réticente à l'accepter et proposait d'autres prêts pour rembourser d'anciennes dettes. La ministre s'est aussi dite opposée à ce que la Banque mondiale prête de l'argent à la Chine. « Nous ne soutiendrons ni ne voterons en faveur d'aucun prêt de la Banque mondiale à la Chine. Nous utilisons notre vote pour nous y opposer », a-t-elle assuré.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 17/06/2023 à 8:01
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Bonjour, quel surprise le partis communiste chinois en sous mains de la banque d'investissement asiatique.... MDR. Dire que les américains font pareils avec le FMI .

à écrit le 15/06/2023 à 8:23
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"ce qui a poussé le Canada à geler sa coopération avec l'organisation" Il ne leur en faut pas beaucoup quand même car totalement hypocrite, tout le monde est au courant des compromissions de tout le monde puis dès qu'elles voient le jour ça y est fau...

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