Le prix du pétrole s'envole après l'annonce d'importantes baisses de production

Les prix du pétrole bondissent en ce début de semaine après l'annonce surprise par plusieurs grands pays exportateurs d'une réduction dès mai de leur production. Une baisse présentée comme une « mesure de précaution » pour stabiliser le marché, alors que les États-Unis appellent à une hausse en raison de l'inflation galopante. Les investisseurs redoutent que cette initiative accentue les tensions inflationnistes et pousse par conséquent les banques centrales à maintenir une politique restrictive plus longtemps que prévu.
Au total, la baisse de production annoncée représente environ 1,16 million bpj en moins, soit la plus importante réduction depuis octobre.
Au total, la baisse de production annoncée représente environ 1,16 million bpj en moins, soit la plus importante réduction depuis octobre. (Crédits : Reuters)

[Article publié le lundi 3 avril 2023 à 09h20 et mis à jour à 13h55] Les prix du pétrole grimpent, ce lundi 3 avril. Le baril de Brent de mer du Nord, la référence mondiale, montait de 5,26% à 84,09 dollars et celui de WTI américain de 5,26% à 79,66 dollars vers 7h10 GMT. Vers 11h20 GMT, le baril de Brent montait de 5,87% à 84,58 dollars et celui de WTI de 6,10% à 80,27 dollars.

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Cette brusque remontée freine à peine la dynamique des bourses européennes. Vers 11h25 GMT, Londres gagnait 0,65%, Milan 0,49%, Paris 0,42%, Francfort 0,02%. Wall Street se dirige vers une ouverture mitigée. Les actions des grands fournisseurs de pétrole montaient avec la flambée des prix: à Londres, BP prenait 4,89%, Shell 4,46% et à Paris, TotalEnergies gagnait 4,89% dans les premiers échanges.

Baisse de la production coordonnée

À l'origine de cette hausse des prix du pétrole, la baisse de production annoncée dimanche par plusieurs pays producteurs. Dans le détail, l'Arabie saoudite va réduire sa production de 500.000 de barils par jour (bpj), l'Irak de 211.000 bpj, les Émirats de 144.000 bpj, le Koweït de 128.000 bpj, l'Algérie de 48.000 bpj et Oman de 40.000 bpj, ont déclaré chaque pays via leurs agences de presse officielles respectives.

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Au total, ce sont environ 1,16 million bpj en moins, soit la plus importante réduction depuis octobre. Ces baisses auront toutes lieu à partir de mai jusqu'à fin 2023. Elles ont lieu « en coordination avec certains pays membres de l'Opep et non membres de l'Opep », selon le ministère algérien de l'Energie. Quant à la Russie, elle a annoncé de son côté continuer à réduire sa production de pétrole brut de 500.000 bpj jusqu'à la fin de l'année.

Volume surprise

Un haut responsable du ministère saoudien de l'Énergie, cité par l'agence saoudienne SPA, a justifié cette baisse comme une « mesure de précaution visant à soutenir la stabilité du marché pétrolier ». De son côté, le ministre émirati de l'Énergie, Souhail ben Mohammed al-Mazrouei, a évoqué « une initiative volontaire », selon l'agence de presse officielle émiratie WAM.

Les mêmes termes ont été, peu ou prou, repris par le ministère algérien de l'Énergie, pour qui la baisse relève d'une « réduction volontaire » et d'une « mesure préventive », d'après l'agence algérienne APS. Le vice-Premier ministre russe chargé de l'Énergie, Alexandre Novak, a évoqué quant à lui une période d'« incertitude » sur le marché de l'or noir, mettant en avant une « action responsable et préventive ».

Cette nouvelle coupe « intervient après que les prix du pétrole ont atteint en mars leur plus bas niveau en deux ans (...) à moins de 80 dollars pour le baril de Brent, un niveau inacceptable pour les membres de l'Opep+ », explique à l'AFP Ibrahim al-Ghitani, expert du marché pétrolier, basé aux Émirats.

Les réductions « changeront les mécanismes du marché et soutiendront les prix au-delà de leur niveau actuel », assure-t-il.

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De nouvelles poussées inflationnistes à venir ?

La demande en pétrole est menacée par « la perspective d'une haute inflation et des pressions récessionistes », signale Yesar al-Maleki, analyste au Middle East Economic Survey, mettant lui aussi en cause les remous suscités par la faillite de la banque américaine SVB et le sauvetage de Credit Suisse. Si la nouvelle baisse « n'est pas entièrement inattendue », affirme l'expert, elle « comporte un élément de surprise, en ce qui concerne les volumes ». Car ceux-ci « s'ajoutent à la coupe de 2 millions de bpj consentie en octobre 2022 et prolongée jusqu'à fin 2023 ». Il s'agissait alors de la plus importante réduction depuis le début de la pandémie de Covid-19.

La mesure a « fait l'effet d'une bombe » pour Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote Bank. « Officiellement, le cartel veut la stabilité du marché » mais certains pays de l'Opep « veulent simplement des prix plus élevés », estime-t-elle. Le Brent était tombé à moins de 73 dollars le baril mi-mars, son plus bas niveau en deux ans, et peinait à revenir au-dessus des 80 dollars. En avril 2022, il évoluait au-dessus des 100 dollars le baril, dopé par les répercussions de la guerre en Ukraine.

Cette décision « pourrait conduire à de nouvelles (poussées, NDLR) inflationnistes liées à l'énergie », alors que c'est en grande partie grâce à la chute des prix du pétrole et du gaz que l'inflation recule ces derniers mois dans les pays occidentaux, relève Vincent Boy, analyste d'IG.

Risques de tension inflationniste

Cette nouvelle baisse de la production intervient malgré des appels des États-Unis à augmenter le nombre de bpj, sur fond d'inflation galopante. Et alors que la Chine, le pays le plus gourmand en or noir, rouvre son économie après s'être repliée sur elle-même pendant la pandémie de Covid-19. Les investisseurs redoutent d'ailleurs que l'initiative du cartel accentue les tensions inflationnistes et pousse par conséquent les banques centrales à maintenir une politique restrictive plus longtemps que prévu.

Lire aussiJamais la demande de pétrole n'a été aussi forte : peut-on vraiment se passer de la Russie ?

Une réunion par visioconférence du Comité ministériel conjoint de suivi (JMMC), un panel de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et de leurs alliés (Opep+), doit en tout cas se tenir ce lundi 3 avril. En février, ses membres avaient « réaffirmé leur engagement » envers l'accord décidé en octobre pour soutenir les prix.

(Avec agences)

Commentaires 15
à écrit le 04/04/2023 à 13:56
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Un puits de pétrole ou de gaz perdant 4-5% de pression par an, il faut compenser en creusant d'autres puits. La Russie est actuellement sous embargo technologique, donc sa capacité de production va progressivement diminuer, sous un habillage politiqu...

le 04/04/2023 à 15:38
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Mais si les cours montent exagérément, les pays asiatiques les plus accros peuvent lâcher l'Arabie Saoudite, Koweït et les EAU pour se fournir aux Etats-Unis (N°1), au Canada (N°4) et en Amérique du sud, pétroles de moins bonne qualité, mais moins c...

le 04/04/2023 à 16:38
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On ne passe pas d'un pétrole arabe à une pétrole de schistes bitumineux canadiens d'un claquement de doigt. Les raffineries sont généralement calibrées pour fonctionner avec un type de pétrole précis. Les raffineries américaines du Sud des USA ont ét...

le 04/04/2023 à 20:43
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@Yakari Oui, infos connues de tous ceux qui suivent les affaires pétrolières. "chacun à son échelle, de faire preuve de sobriété" Sobriété non choisie imposée par les prix.

à écrit le 03/04/2023 à 22:32
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En réalité le pétrole n'est jamais au bon prix, ne l'a jamais été et ne le sera jamais. La fin du pétrole sera la fin de la malédiction, MAIS nul doute qu'il sera trouvé un équivalent aussi maléfique. Le diable ne se cache pas que dans le 🛢 pétrole...

à écrit le 03/04/2023 à 21:13
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Ils vont faire exploser l'Europe. "ils" à déterminer, qui tire vraiment les ficelles.?

à écrit le 03/04/2023 à 15:26
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Celui qui tient le pétrole tient le monde pour encore des dizaines d'années, peut être plus..

le 04/04/2023 à 1:47
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Les reserves de petroles se generent sans cesse. Il y aura l'or noir encore pour des siecles. N'importe quel geologue sait cela.

le 04/04/2023 à 9:34
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Une grande partie du pétrole et du gaz naturel que nous utilisons aujourd'hui trouve son origine dans un temps où les dinosaures peuplaient notre planète, il y a 150 millions d'années. Environ 15 m3 de pétrole continuent à se former chaque jour, mais...

à écrit le 03/04/2023 à 13:12
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"une « mesure de précaution visant à soutenir la stabilité du marché pétrolier »" ils ne savent vraiment pas y faire, pourquoi ne pas dire que ça participera moins au réchauffement planétaire et donc que c'est écolo comme décision ? Là, les gens appl...

à écrit le 03/04/2023 à 12:48
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Bonjour, Bien sûr, mais nous pouvons aussi réduire notre consommation.... Plus de transport en commun... Plus de mobilité électrique... Plus de carburant vert... Plus de carburant de synthèse... Plus d'hygiène dans les moteurs des camions... Do...

à écrit le 03/04/2023 à 12:14
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Bon, et bien, c'est une excellente nouvelle pour le climat, non ? L'occident devrait être content

à écrit le 03/04/2023 à 11:53
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Les maître-chanteurs totalitaires du secteur pétrole encore à la manœuvre. Très bien, ça va encore plus accélérer vers le gaz (provisoirement), les renouvelables et l'hydrogène. Ils se tirent encore une balle dans le pied. Augmentation des marges à...

le 04/04/2023 à 1:51
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Non, vous n'y etes pas, comme d'habitude votre morgue vous anneanti la reflexion. Avec le gaz, le petrole on fabrique des tas de trucs, des plastiques entres autres, des pets, indispensables pour la construction d'autres trucs. Pas de petrole, pas d'...

le 04/04/2023 à 10:52
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@ matins calmes Moi savoir. Effectivement, il va être compliqué d'éliminer le pétrole pour un certains nombre de raffinés, médicament, cosmétiques, engrais, donc la secteur de la pétrochimie Dans le reformage, les vapocraqueur, ça va être compliqu...

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