Qui incarnera la résilience de l’Otan ?

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — En pleine montée des périls face à la Russie, la campagne en coulisses pour prendre la tête de l’Alliance atlantique s’accélère. Celui ou celle qui occupera la fonction de secrétaire général de l’organisation a intérêt à savoir naviguer en eaux troubles.
François Clemenceau
(Crédits : © LTD / DR)

Un homme ou une femme ? Un ancien dirigeant d'Europe de l'Ouest ou une figure résistante du flanc est de l'Alliance ? Un filet d'eau tiède ou un sac de fonte pour résister aux coups de boutoir ? L'Otan cherche son ou sa secrétaire général(e) pour les quatre années à venir, et la fiche de poste a été sérieusement corrigée à l'heure des roulements de tambour et des bombardements russes au cœur du continent européen.

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L'organisation, qui célébrera son 75e anniversaire au début du mois de juillet à Washington, n'est franchement plus la même depuis que le mur de Berlin s'est effondré. De la guerre froide, elle est passée à la lutte antiterroriste en Afghanistan au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Et du soutien à la coalition contre Daech au renforcement de la posture défensive des pays limitrophes de la Russie et de l'Ukraine. Ces dix dernières années, le Norvégien Jens Stoltenberg a rempli avec un sens du devoir remarqué cette fonction de représentant des pays membres sur la scène internationale et d'animateur des débats - parfois vifs - qui agitent leurs réunions à Bruxelles. Critiqué pour sa langue de bois et son manque de charisme et de spontanéité, il a tenu la barre dans la tempête. Y compris lorsque Emmanuel Macron a osé dire en 2019 que l'Alliance était, à ses yeux, « en état de mort cérébrale ».

Absence de candidat consensuel pour diriger l'Otan

Mais tout a changé bien sûr avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine en février 2022. L'heure n'est plus aux joutes sans fin sur le rôle géographique ou la cohésion de l'organisation politico-militaire, mais aux agencements de posture stratégique face à un adversaire qui menace les peuples du continent, bien au-delà de Kiev et d'Odessa. Stoltenberg devait finir son deuxième mandat l'an dernier, mais il a accepté de rester un an de plus en raison de l'absence de candidat consensuel pour le remplacer. La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, s'y voyait déjà - une femme à la tête de l'Otan eût été une première -, mais sa candidature a été écartée.

Le favori est le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, européen convaincu

Comme l'explique Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan et chercheur associé à l'European Council on Foreign Relations, « la nécessité du consensus oblige à procéder à une réduction graduelle du pool de candidats potentiels ». C'est ainsi que le secrétaire général ne peut être américain dans la mesure où l'est déjà le commandant militaire suprême de l'Alliance. Pas britannique non plus, depuis le Brexit, car pas assez enraciné sur le continent. Pas davantage français, tant la France, puissance nucléaire indépendante, occupe une place singulière. Ce ne peut-être non plus le représentant d'un trop petit pays sans surface stratégique crédible. Pas davantage un Turc ou un Hongrois, puisque leurs deux pays confondent depuis trop longtemps l'Alliance avec un marché de négoce, comme on l'a vu dans leur chantage à l'adhésion de la Finlande puis de la Suède.

Consensus autour de Mark Rutte

Le consensus des quatre grands de l'Otan (États-Unis, Royaume-Uni, France et Allemagne) favorise aujourd'hui le Premier ministre néerlandais sortant, Mark Rutte, 57 ans, atlantiste authentique, européen convaincu, volontaire très tôt pour livrer des F-16 à l'Ukraine. Mais si cet adoubement venait à se confirmer, ce serait tout de même une mauvaise nouvelle pour la Première ministre estonienne, Kaja Kallas, candidate d'un pays voisin de la Russie, s'estimant l'une des prochaines cibles du Kremlin. Selon elle, l'Otan perdrait là l'occasion d'afficher son audace et sa force face à Vladimir Poutine. C'est ce que pense également le président sortant roumain, Klaus Iohannis, autre prétendant à la fonction, dont la nation est aux portes de la Moldavie et accueille sur son sol, tout comme l'Estonie, les bataillons otaniens fers de lance d'une posture dissuasive. « Selon moi, Rutte est au point d'équilibre du consensus des pays membres, et il faut aussi faire vite dans ce processus de succession, analyse Camille Grand. Afin d'échapper aux tractations des grands postes de l'UE dès le lendemain de l'élection européenne du 9 juin et de polluer le moins tard possible la campagne présidentielle américaine. » Et peu importe si Rutte devenait le quatrième Néerlandais à piloter l'Alliance depuis sa fondation, alors qu'aucun représentant d'Europe centrale et orientale n'a pu exercer jusqu'à présent cette fonction clé. Tenir tête à Poutine donc, mais de pas trop près. Et possiblement à Trump, qui promet désormais de « laisser la Russie » attaquer les pays membres de l'Alliance les moins soucieux d'investir dans leur propre défense. Attachons nos ceintures.

François Clemenceau
Commentaires 2
à écrit le 18/03/2024 à 12:40
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François Clemenceau doit faire son paquetage , il a tout notre soutien , courage mec , tu seras décoré a titre posthume !

à écrit le 18/03/2024 à 9:23
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C'est encore une affaire de gros sous et d'une motivation de son existence mais d'une utilité nulle !

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