Sabotage de Nord Stream : la Suède met fin à son enquête sans savoir qui est coupable

Le parquet suédois a annoncé clore son enquête sur le sabotage des gazoducs Nord Stream en septembre 2022. Les services de renseignements suédois ont précisé qu'elle avait été ouverte pour savoir si la Suède était visée par cet acte malveillant, ce qui visiblement « n'était pas le cas ». Les enquêtes lancées par l'Allemagne et le Danemark se poursuivent de leur côté.
Des bouillonnements allant de 200 à 900 mètres de diamètre avaient été observés à la surface de l'eau, causés par les quatre fuites en septembre 2022.
Des bouillonnements allant de 200 à 900 mètres de diamètre avaient été observés à la surface de l'eau, causés par les quatre fuites en septembre 2022. (Crédits : RITZAU SCANPIX)

Qui est derrière le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, qui relient la Russie à l'Europe par la mer Baltique, en septembre 2022 ? Une question à laquelle l'enquête lancée par le parquet suédois ne donnera pas de réponse.

« La conclusion de l'enquête est qu'elle n'est pas du ressort de la juridiction suédoise et que l'enquête doit donc être clôturée », a déclaré le procureur suédois Mats Ljungqvist dans un communiqué ce mercredi 7 février. « Rien n'indique que la Suède ou des citoyens suédois aient été impliqués dans cette attaque qui s'est déroulée dans les eaux internationales », a-t-il ajouté.

Dans un communiqué séparé, les services de renseignements suédois ont indiqué que l'enquête avait été ouverte « afin de déterminer si le sabotage visait la Suède et menaçait ainsi la sécurité du pays, et il a été établi que ce n'était pas le cas ».

Sabotage avéré

C'est un énième épisode dans cette affaire, qui a éclaté à un moment de tensions accrues entre la Russie et l'Occident. Pour rappel, tout est parti de fuites constatées le 26 septembre 2022 sur les deux gazoducs Nord Stream 1 et 2, appartenant au groupe russe Gazprom. À cette époque, Moscou avait déjà cessé de livrer du gaz via Nord Stream 1, sur fond de bras de fer énergétique avec les pays européens qui soutiennent l'Ukraine. Et Nord Stream 2 n'était pas encore entré en service, et ne l'a jamais été depuis d'ailleurs (voir encadré ci-dessous).

Un rapport réalisé dans la foulée par la Suède et le Danemark avait alors révélé qu'elles étaient dues à des explosions sous-marines correspondant « à des centaines de kilos de TNT ». « Toutes les informations disponibles indiquent que ces explosions sont la conséquence d'un acte délibéré », écrivaient les deux pays dans ce document remis au secrétaire général de l'ONU.

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Les fuites de gaz se sont produites dans les eaux internationales, au large de l'île danoise de Bornholm et des côtes du Sud de la Suède. Trois enquêtes avaient alors été ouvertes, en Allemagne, en Suède et au Danemark. L'enquête suédoise est donc la première à s'achever. Un « grand nombre » de mouvements de bateaux ont été analysés et « une enquête approfondie a été menée sur la scène du crime », a souligné le procureur suédois ce mercredi. Mats Ljungqvist a aussi confié que la coopération judiciaire avec les deux autres pays a été « bonne ». « Dans le cadre de cette coopération juridique, nous avons pu remettre des documents qui peuvent être utilisés comme preuves dans l'enquête allemande », a-t-il précisé.

L'enquête se poursuit en Allemagne

L'enquête allemande « se poursuit », a d'ailleurs confirmé une porte-parole du parquet fédéral allemand interrogé par l'AFP ce mercredi. « Aucune information complémentaire ne sera pour le moment livrée », a-t-elle précisé. Les autorités danoises n'ont, elles, pas réagi pour le moment.

Les autorités russes ont, de leur côté, salué la décision suédoise. « C'est une décision remarquable », a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitry Peskov. « Il sera intéressant de voir avec quelle rigueur les autorités allemandes aborderont cette enquête », a-t-il poursuivi, estimant que « de nombreuses informations ont été publiées sur les personnes qui pourraient être à l'origine de cette affaire ».

Si le sabotage est bien avéré, le mystère sur son origine reste donc pour le moment entier. La « principale hypothèse est qu'un État est derrière » le sabotage, avait affirmé en avril 2023 le procureur suédois Ljungqvist, ajoutant que ses auteurs savaient « très bien qu'ils laisseraient des traces ». La responsabilité des explosions a été attribuée, selon différentes sources, à l'Ukraine, à la Russie ou aux États-Unis, mais tous ont nié.

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Accusations diverses en série

Dernier suspect évoqué en date : Roman Tchervinski, un commandant des forces spéciales ukrainiennes, d'après une enquête conjointe du Washington Post et du Spiegel diffusée en novembre dernier. Il y est soupçonné d'être le « coordinateur » du sabotage, une opération qui aurait été conçue en maintenant le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans l'ignorance. Le quotidien américain et le magazine allemand ont interrogé des responsables en Ukraine et ailleurs en Europe, ainsi que d'autres personnes ayant eu connaissance de l'opération, qui ont répondu sous couvert de l'anonymat. Le principal intéressé a nié tout rôle auprès des deux journaux, par l'intermédiaire de son avocat.

Déjà en mars 2023, le New York Times avait imputé le sabotage à un « groupe pro-ukrainien »sans plus de précision, sur la base d'informations obtenues par le renseignement américain. Volodymyr Zelensky a nié à plusieurs reprises que son pays puisse être impliqué. « Je ne ferai jamais cela », a-t-il déclaré en juin dernier au quotidien allemand Bild, ajoutant qu'il « aimerait voir des preuves ».

Rare certitude sur ce dossier : ce sabotage est lié à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. L'opération a touché une infrastructure d'exportation du gaz russe, même si elle était inactive au moment des faits. Ces dernières années, les deux gazoducs ont été au cœur de tensions géopolitiques, attisées après la décision de Moscou de couper les livraisons de gaz à l'Europe en représailles présumées contre les sanctions occidentales.

Nord Stream 2, un projet « mort-né »

Achevé en septembre 2021 mais jamais mis en service, le gazoduc Nord Stream 2 relie la Russie à l'Allemagne via un tube de 1.230 kilomètres sous la mer Baltique, sur le même parcours que son jumeau Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012. Sa capacité est de 55 milliards de m3 de gaz par an. Contournant l'Ukraine, il était censé augmenter les possibilités de livraison de gaz russe à l'Europe à un moment où la production au sein de l'UE diminue. Le projet, estimé à plus de 10 milliards d'euros, a été cofinancé par cinq groupes européens du secteur de l'énergie (OMV, Engie, Wintershall Dea, Uniper et Shell).

Il a depuis toujours été au cœur de batailles géopolitique et économique. L'Ukraine craignait de perdre les revenus qu'elle tirait du transit du gaz russe et d'être ainsi plus vulnérable vis-à-vis de Moscou. Les États-Unis voyaient en cet aménagement un élément qui dissuaderait les Européens d'acheter le gaz de schiste qu'ils espéraient leur vendre. Ces derniers étaient eux-mêmes divisés. La Pologne ou les pays Baltes s'inquiétaient par exemple de voir l'UE plier devant les ambitions russes.

(Avec AFP)

Commentaires 8
à écrit le 08/02/2024 à 15:09
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On pourrait se contenter de répondre: à qui profite le crime? Cela dit, vous nous signalez que "L'enquête se poursuit en Allemagne". C'est une occasion d'observer si la Justice allemande a conservé un brin d'indépendance.En tout cas, les allemands a...

à écrit le 08/02/2024 à 8:49
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Ce qui signifie en langage hypocrito-politoco-affairiste que c'est pas les russes ! ^^

à écrit le 08/02/2024 à 8:29
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Oui, mystère et boule de gomme, mes enfants

à écrit le 07/02/2024 à 19:07
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Bonjour, quel surprise... Ils n'y a pas de responsable.. Mais nous pouvons supprimer la Russie, car ils étaient plus simple de fermer le robinet... Reste les pays qui sont gagnants de cette destruction... Les USA qui vendent leur gaz ... La GB qu...

à écrit le 07/02/2024 à 16:27
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Pas difficile de comprendre lorsque cela a produit 35% en moins d'énergie pour l'allemagne ! du coup difficile de croire que cela vient d'eux. Le simple fait de ne pas citer la première ministre anglaise et sa démission dans la semaine qui a suivit ...

à écrit le 07/02/2024 à 14:44
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"la Suède met fin à son enquête sans savoir qui est coupable" Non , ils savent qui c'est mais ils font sur eux pour aller publiquement incriminer l'Ukraine , l'Angleterre et surtout les US .Oh ! la boulette, j'ai donner le nom des coupables. En ...

à écrit le 07/02/2024 à 14:39
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La Suède ne risque pas de dire que l'OTAN est derrière tout ça ! ;-)

le 07/02/2024 à 16:31
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Non, sinon il sera difficile d'envisager une guerre avec la russie, l'objectif des responsables en Angleterre en France et aux us ! Sinon difficile de parler de réarmement et d'essayer de convaincre les gens qu'il faut la guerre ! imaginez la réo...

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