
Il a reçu cette semaine le prix national de la laïcité, des mains de Richard Malka, l'avocat de Charlie Hebdo, au nom du Comité Laïcité République. Le maire socialiste de Montpellier a affiché les visages des otages du Hamas sur le parvis de son hôtel de ville. Il incarne, à gauche, la relève du courant républicain, dans une famille politique traversée par la vague de l'antisémitisme.
LA TRIBUNE DIMANCHE - Autrefois, les marches contre l'antisémitisme et le racisme mettaient en cause le FN. Aujourd'hui, c'est LFI. Que s'est-il passé à gauche ?
MICHAËL DELAFOSSE - La gauche a toujours lutté contre l'antisémitisme, dont elle est elle aussi victime. Que l'on pense à Léon Blum, Pierre Mendès France... Ce combat est constitutif de notre identité politique. Or il y a une composante de la gauche qui est en rupture avec ses propres repères. Des esprits se laissent contaminer. Jean-Luc Mélenchon tweete avec ambiguïté contre la présidente de l'Assemblée nationale, contre un patron de presse... Il fait un calcul politicien. Je suis sidéré par ce chemin qui est une impasse, une imposture morale que je condamne.
La gauche peut-elle admettre qu'une part de son électorat cède aux stéréotypes antisémites, comme le montrent les enquêtes* ?
Notre engagement contre les préjugés doit être sans faille et fidèle à notre histoire. Depuis les meurtres d'Ilan Halimi et de Mireille Knoll et les attentats de Mohammed Merah et de l'Hyper Cacher, le retour du venin antisémite nous oblige à le combattre. Il faut affronter la situation avec lucidité et fermeté. Il n'y a pas à transiger. Avec la marche de ce dimanche, nous disons avec force à tous les Français juifs : n'ayez pas peur, nous sommes ensemble, nous faisons bloc et nous ne céderons rien. Le silence est impossible.
La gauche n'a pas le monopole de la lutte contre l'antisémitisme...
Oui, c'est un combat de tous ceux qui sont profondément attachés à l'idéal républicain et qui entendent agir pour protéger tous nos concitoyens.
Marine Le Pen va manifester aujourd'hui. Croyez-vous sa présence insincère ?
Il ne faut pas être dupes. Il y a une tentative de se laver des constantes de l'Histoire. L'extrême droite est antisémite depuis toujours. Jordan Bardella explique que Jean-Marie Le Pen ne l'était pas, c'est une falsification qui est un aveu. Dans les manifestations contre la réforme des retraites ou celles des Gilets jaunes, on a vu des pancartes abjectes dont certains auteurs étaient liés au RN. C'est la poursuite de la même histoire.
Êtes-vous favorable au « cordon sanitaire » voulu par le PS, EELV et le PCF pour se distinguer du RN dans le défilé ?
Le RN n'a rien à faire dans les manifestations d'aujourd'hui. Si je croisais un membre de ce parti cet après-midi, je dirais : vous n'avez pas honte ? Mais je pense que le RN ne défilera pas à Montpellier.
Emmanuel Macron aurait-il dû se joindre au cortège parisien ?
Il a exprimé son soutien. L'image de François Mitterrand à Carpentras, en 1990, a marqué l'Histoire. Elle est d'une grande puissance dans nos mémoires. Ce qui se joue aujourd'hui, c'est ce que nous transmettons aux générations futures. Ce type de rassemblement contribue à forger une société, à nous unir autour des fondamentaux de la République, notamment l'égalité.
Au-delà d'une journée de manifestation, comment faire reculer la haine ?
Il faut être debout et soutenir les enseignants qui éduquent, la police qui enquête sur les délits racistes et antisémites, la justice qui les condamne. C'est un défi pour notre pays. Relevons-le en étant fidèles à nos valeurs.
* Ipsos pour la CNCDH, novembre 2022.
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