Compétitivité : la concurrence fait rage au sein de la zone euro

Dimanche, François Hollande, le chef de l'Etat, appelait de ses vœux la création d'un gouvernement de la zone euro pour accélérer l'intégration économique de ses pays membres. En attendant, chaque pays joue cavalier seul pour sortir de la crise, ce qui alimente la concurrence au sein même de la zone euro.
Fabien Piliu
Comme prévu, Charles Michel, le Premier ministre belge, lance un choc de compétitivité pour relancer l'économie de son pays

Dimanche, dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche, François Hollande reprenait une idée un temps émise par Jacques Delors : créer un gouvernement et un Parlement de la zone euro. Qu'importe le fait que des instances similaires existent déjà. L'eurogroupe et l'institutionnalisation de la réunion des chefs d'Etat de la zone euro jouent déjà ce rôle. Qu'importe également que le chef de l'Etat recycle une idée déjà ancienne pour masquer l'incroyable discrétion de la France au cours de ces derniers mois dans le dossier grec.

Avec ces " nouvelles " instances, si l'on en croit François Hollande, l'intégration économique des pays membres de la zone euro serait accélérée, ce qui permettrait d'éviter que ne se reproduise une crise comparable à celle qui vient de secouer, et qui secoue, la Grèce.

Cavalier seul

Il serait temps. En attendant, un à un, les pays membres de la zone euro continuent de jouer cavalier seul en multipliant les réformes capables de leur donner un avantage décisif sur leurs principaux partenaires et concurrents européens.

Un "virage fiscal" en Belgique

Ce jeudi, des sources gouvernementales belges ont indiqué que le gouvernement du Premier ministre, le libéral francophone Charles Michel, avait décidé d'engager un "virage fiscal" permettant d'alléger le coût salarial.

Cette réorientation de la fiscalité n'est pas une surprise. C'est l'une des mesures phares du gouvernement de droite arrivé au pouvoir en octobre. Concrètement, ce "virage fiscal" consistera en un allègement des cotisations sociales sur les salaires, qui passeront de 33 à 25%. Cette mesure entraînera une baisse des charges pour les entreprises de quelque 900 millions d'euros, selon une source gouvernementale citée par l'agence Belga.
En outre, une somme de 430 millions d'euros a été affectée au développement des petites et moyennes entreprises. Pour financer ces mesures, le taux de TVA sur l'électricité passera de 6% à 21%. Les taxes sur les sodas, l'alcool et le gazole seront augmentées.

L'Allemagne, pionnière de la désinflation compétitive

En procédant ainsi, la Belgique prend simplement modèle sur ce qui a déjà été fait ailleurs notamment dans l'union monétaire, à ses frontières. C'est l'Allemagne qui a ouvert le bal, en 2007. Pour compenser la baisse de deux points des cotisations chômage, le gouvernement dirigé déjà par Angela Merkel décide de remonter de 16% à 19% le taux de TVA. Les effets de cette mesure s'ajoutent aux effets positifs sur la compétitivité prix de la quasi-stagnation des salaires outre-Rhin. Avec le Pacte de compétitivité, dont la mesure-phare est le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), et le Pacte de responsabilité qui prévoit de réduire de 40 milliards le poids des cotisations patronales, la France a adopté la même stratégie. Une stratégie considérée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) comme de la désinflation compétitive qui explique en partie les succès du made in Germany à l'international

 En Italie, l'impôt sur les sociétés est passé de 33% à 27,5%

En Italie, idem. Les allègements fiscaux en direction des entreprises ont été nombreux. Citons notamment la baisse de 10 % de l'Irap, une taxe régionale. Le gouvernement a également pris des mesures pour permettre à l'administration de payer les arriérés de factures dues aux entreprises. Leur montant s'élève à 60 milliards d'euros. Pour y parvenir, la Caisse des dépôts et des prêts remettra une créance garantie par l'État que l'entreprise bénéficiaire pourra faire valoir auprès des banques. Ces mesures interviennent après l'abaissement par le prédécesseur de Matteo Renzi, Enrico Letta, du taux de l'impôt sur les sociétés (IS), passé de 33% à 27,5% entre 2013 et 2014.

On pourrait à l'envi multiplier les exemples de ce type. En 2013, le gouvernement portugais a décidé de réduire l'IS de 25% à 23%. Il continuait à baisser pour atteindre une fourchette prévue entre 17% et 19% l'année prochaine. En 2014, il a été réduit de 5 points pour atteindre 25%. Seules exceptions, Chypre et la Grèce ! Parmi les gages réclamés pour obtenir l'aide internationale octroyée à Nicosie et à Athènes, une hausse du taux d'IS a été décidée, imposée. A Chypre, celui-ci est passé de 10% à 12,5% en avril 2013. En Grèce, il passera de 23% à 26% en 2016.

En utilisant la fiscalité, les pays de la zone euro ne se contentent pas donner de la marge à leurs entreprises, en relevant leur compétitivité-prix. Ils améliorent également l'attractivité de leurs territoires augmentant de facto leurs chances d'attirer des investissements étrangers. Des investissements désormais précieux pour la plupart des économies, industrialisées ou émergentes. En France, dans le secteur marchand, un salariés sur sept travaille pour une entreprise étrangère, soit deux millions de personnes.

La puissance du Mittelstand

Ces stratégies nationales peuvent-elles être efficaces ? Le succès des entreprises allemandes à l'international s'explique de différentes et de nombreuses manières : la puissance de son Mittelstand et des écosystèmes régionaux, la qualité de sa formation professionnelle sont évidemment à citer car ils expliquent le niveau élevé de la compétitivité hors-prix des produits fabriqués en Allemagne. La désinflation compétitive - jugée déloyale par certains économistes  - menée depuis le début des années 2000 a permis de renforcer leur compétitivité-prix. C'est un fait. Mais cette stratégie a surtout fonctionné parce que l'Allemagne était la première à la déployer. Aujourd'hui, la multiplication des chocs de compétitivité au sein de la zone euro annule en partie leurs effets positifs sur la croissance et l'attractivité.

Un budget fédéral pour la zone euro ?

Dans ce contexte, les propositions de François Hollande peuvent-elles être retenues par les pays membres de la zone euro ? L'avenir le dira.

D'autres mesures pourraient être prises pour renforcer les solidarités au sein de l'union monétaire. En 2014, après la crise chypriote, le Conseil d'analyse économique (CAE) souhaitait déjà le renforcement de l'intégration économique au sein de la zone euro. Parallèlement à l'union bancaire réclamée, le CAE proposait la mise en place d'une union budgétaire, " comme complément nécessaire à l'union monétaire ".

" Une union budgétaire aiderait les États membres à compenser leur manque d'autonomie en matière de politique monétaire lorsqu'ils font face à un choc macroéconomique spécifique. Selon la théorie des zones monétaires optimales, les pays d'une union monétaire doivent pourvoir s'appuyer sur des dispositifs alternatifs d'ajustement, comme la flexibilité des salaires et des prix, la mobilité des facteurs de production ou un budget fédéral. L'effet stabilisant de ce dernier suite à un choc spécifique peut être direct (en soutenant le revenu disponible par des transferts dans les pays en crise) ou bien indirect (en facilitant la mobilité du travail et en stabilisant les mouvements de capitaux). La question clé est alors celle des ressources pour alimenter ce budget. Nous proposons d'utiliser l'IS du secteur bancaire [dont le taux et l'assiette auront été préalablement harmonisés] comme une première étape dans la construction d'un budget zone euro. Un chiffrage grossier laisse penser que les recettes annuelles pourraient être de l'ordre de 20 milliards d'euros ".

Inaudible en 2014, le CAE fera-t-il entendre sa voix en 2015 ?

Fabien Piliu

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Commentaires 38
à écrit le 01/08/2015 à 7:37
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Il y a un probleme dans cette construction Europeen, nous ne fessons pas des efforts depuis 30 ans pour que les Europeen soit mis en concurance economique.... Il y aurra toujours un pays plus pauvre ou la main-d'œuvre est moins chere dans notre Europ...

à écrit le 25/07/2015 à 14:06
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Données organisation mondiale du commerce OMC Exportation marchandises, 2013 : 1 Chine (2209 milliards de dollars) 2 Etats-Unis (1580) 3 Allemagne (1453) 4 Japon (715) 5 Pays-Bas (672) paradis fiscal > 6 France (580) ramené par habitants, nos ...

le 27/07/2015 à 10:19
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A. ALAIN/// CES CHIFRES NE M ETONNE PAS CELA FAIT DES ANNEES QUE LA FRANCE PRODUIT PLUS EN VALEUR AJOUTE QUE CES VOISIN PLUS GROS QU ELLES?.DONC IL FAUT ARRETE LA SINITROSE ANBIANTE ET REDONNE DU TRAVAIL AUX JEUNES QUI N ATENDENT QUE CELA POUR PARTIC...

à écrit le 25/07/2015 à 13:23
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Les promesses arrivent au même rythme que le moment des élections approche. L'Europe est un leurre, il n'y a pas de peuple européen, ni de langue européenne, ni de politique fiscale ou sociale communes, que des règles ou règlements débiles sur la tai...

à écrit le 24/07/2015 à 23:47
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A-t-on vraiment besoin d'un "Parlement de la zone euro"? Car l'UE se fout complètement de la démocratie. C'est tout simplement la loi du plus puissant. A propos, la gouvernance ira -automatiquement et de droit- à l'Allemagne...

à écrit le 24/07/2015 à 13:53
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Facile de demander les réformes aux autre quand on a rien fait chez soit. Typiquement français de ne pas voir ces erreurs et encore moins de les admettre. Le nombril du monde ..... Rien de bougera comme d'habitude les socialismes et les répu...

à écrit le 24/07/2015 à 13:08
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veulent décider des programmes scolaires.

à écrit le 24/07/2015 à 13:02
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Mon cher Fabien, pourriez-vous expliquer par quel coup de baguette magique les " nouvelles " instances permettront, comme l'affirme François Hollande, d'accélérer ll'intégration économique des pays membres de la zone euro ? Ce n'est pas sérieux. Par...

à écrit le 24/07/2015 à 12:15
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l'Europe est notre grande chance : des millions de consommateurs sans frontières !!!! déplaçons-nous, prenons nos voitures et allons à la rencontre des autres dans leur pays et nous serons très surpris de leur accueil !!!!! le commerce est notre ...

le 24/07/2015 à 23:49
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Cette Europe-là, l'UE, va droit dans le mur, piegée dans le carcan de la rigueur

à écrit le 24/07/2015 à 12:10
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par ailleurs, je vais souvent en Allemagne : les gens sont riches mais on y voit AUCUNE entreprise française !!!! où sont nos foie gras et autres viandes ??? en France, on voit de très nombreuses voitures allemandes : en Allemagne AUCUNE voiture fr...

le 24/07/2015 à 16:01
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Le jour ou les produits tel que le fromage et le vignoble, en bre tout ce qui touche à la gastronomie sera dédouané à l'export.... La France sera le pays le plus riche du monde :)

le 25/07/2015 à 2:23
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il n'y a aucun pour les produits entre France et Allemagne !!!!

à écrit le 24/07/2015 à 12:08
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M Piliu devrait aller en Allemagne pour voir ce qui s'y passe !!! une des raisons de la puissance allemande est déjà l'ancienneté de son industrie : en Bavière ou en Bade Wurtemberg, de nombreuses entreprises existent depuis ....le moyen-âge !!!! ...

à écrit le 24/07/2015 à 11:39
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Un Europe échouée, entretenue dans la division par ses géniteurs, ses pères américains, asservie à l'otan, demain au tafta, quoi de plus naturel que les gens se questionnent et expriment leur ras le bol..? https://www.youtube.com/watch?v=Bb8dB7d3Bd...

à écrit le 24/07/2015 à 10:44
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2 choses à dire sur la concurrence au sein de l'euro: - DELORS a été un bon Président de l'U.E. mais son acolyte HOLLANDE qui le soutenait en 1993 pour la Présidentielle, ne voulait plus en entendre parler depuis son élection; ni l'un ni l'autre n'o...

à écrit le 24/07/2015 à 10:34
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Compétitivité ou dumping social compétitif? Un pays comme la Chine serait en mesure de produire assez pour le monde entier, le problème est que s'ils vendent plus qu'ils ne consomment (Excédent commercial) à un moment les autres pays ne pourront plu...

le 27/07/2015 à 17:01
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Le domaine maritime de la France (le 2ème du monde) n'est-il pas un avantage naturel? Les Allemands ne pourraient-il vous rétorquer que leur langue ne bénéficie pas du rayonnement mondial de la nôtre, pour ne prendre que cet exemple? Depuis quand, r...

à écrit le 24/07/2015 à 10:20
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Bien que très attaché à l'union de l'Europe, je n'en peux plus de ce machin qui ressemble plus au 'Huis clos' de Sartre qu'à autre chose. Et qui va exploser s'il ne prend pas le chemin d'une fédération démocratique.

à écrit le 24/07/2015 à 10:11
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Monsieur PIliu, vous avez souligne a juste raison comment Chypre et la Grece subissent des hausses d'impôt alors que le reste de la zone euro profitent d'une baisse de la fiscalite. A cela, on peut ajouter que ces deux pays sont exclus de la politiqu...

le 24/07/2015 à 10:47
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Ah vous avez vu une baisse de la fiscalité en France ?

à écrit le 24/07/2015 à 9:00
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La concurrence, c'est excellent car cela fait progresser. Pourquoi créer un gouvernement de la ZE ? La Commission Européenne existe: il suffit de créer une sous commission sans les membres de la ZE. Un autre Parlement ! Pourquoi faire ? L'idée es...

à écrit le 24/07/2015 à 8:40
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Idée politiquement idéaliste. Mais c'est une idée qui veut qu'on soit tous une seule nation. Avec les chauvinismes de gauches à droits, c'est très difficile et surtout qu'en on pense que différents pays ont des préférences et cultures divergentes vis...

à écrit le 24/07/2015 à 8:25
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L’Europe a beaucoup servi à l’Allemagne, ne serais qu’en rendant possible la réunification, puis en lui offrant un marché entièrement ouvert, facilitant ses exportations. Certes, ils ont largement participé à leur montée en puissance grâce à leurs e...

à écrit le 24/07/2015 à 7:30
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FH a de peur pour reformer son pays. Donc il veut faire baisser le niveau de competivité des autres pays au niveau de la France.

à écrit le 24/07/2015 à 7:16
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quelle révélation...

à écrit le 24/07/2015 à 0:32
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La conception libérale qu'entretient l'Europe, n'est pourtant pas bien difficile à percevoir. Son concept est relativement simple. Créer une compétitivité interne sensée hisser l'euro-groupe au premier plan de l'économie mondiale. C'est donc à ce tit...

à écrit le 23/07/2015 à 23:48
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Plus d'Europe, avec moins d'impôts, moins de taxes, moins de cotisations sociales, moins de retraite et de sécurité sociale certainement... mais après? Quand tout le monde aura réduit autant que faire se peut et qu'il n'y aura plus rien à "gratter"? ...

le 24/07/2015 à 8:03
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+1

à écrit le 23/07/2015 à 23:29
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La France sans réformes, hyper fonctionnarisée et hyper taxée, ne pourra pas suivre l'évolution. Les socialistes bloquent ce pays depuis plus de trente ans. Hollande attendant 2017, la France poursuivra son déclin inexorablement. Pathétique et tellem...

à écrit le 23/07/2015 à 22:57
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Où est la différence entre harmonisation et déflation compétitive lorsque qu'un pays est plus cher que la moyenne, comme l'Allemagne en 2000? Harmonisation ne signifie pas que toute l'Europe ( et le reste du monde) va s'aligner sur la France, cela a...

à écrit le 23/07/2015 à 22:15
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En France les chargés augmentent... Le changement c'est maintenant... Oui mais maintenant c'est tout de suite ! Pas dans 3 ans...

à écrit le 23/07/2015 à 22:13
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Il serait temps de s'en rendre compte, Messieurs les Français. Comm. Econ. Européenne = Europäische. Wirtschafts. Gemeinschaft = E.W.G = "Einer Wird Gewinnen" = "Un Seul Vainqueur" : ce slogan souterrain a 50 ans d'âge en Germanie mais les politiqu...

le 23/07/2015 à 22:58
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Rengaines ...

le 24/07/2015 à 0:24
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Etrange les allemands travaillent encore moins que les français. Revenir aux 39 heures ( bien sur non rémunérées faut pas abuser )ne fera qu'augmenter le chômage vu la mentalité patronale en France. Au fait le million d'emplois promis sur 5 ans ave...

à écrit le 23/07/2015 à 22:04
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Très bonne explication de la super croissance européenne.

à écrit le 23/07/2015 à 20:58
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peut-être faut-il faire une différence entre désinflation compétitive, baisse des "charges" (ou cotisations pour êtres exact) et modération salariales ? Les deux derniers sont appliqués en Belgique, non indexation des salaires ou saut "d'index" (le m...

à écrit le 23/07/2015 à 20:05
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Nul doute que Mme Kelmer.. soit d'accord..

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