Danger sur la balance commerciale de l'Allemagne : les exportations chutent, les importations flambent

Les ventes vers la Russie se sont effondrées: c'était prévisible après la cinquième vague de sanctions, entraînant un recul des exportations globales de l'Allemagne. Mais pendant ce temps, les importations, elles n'ont cessé de progresser, tractées par la flambée des prix de l'énergie fossile, ce qui amène l'Allemagne dans une situation totalement inédite pour elle.
Jérôme Cristiani
Sur ce graphique, on voit qu'après le passage à vide du 1er trimestre 2020 dû à la pandémie de Covid, l'activité économique a repris en Allemagne, jusqu'à retrouver voire dépasser ses niveaux d'avant-crise. Mais, tout en bout de courbe, à droite, à partir de février 2022, on remarque que la courbe des importations poursuit son ascension alors que celle des exportations fléchit nettement, laissant croire qu'elles pourraient se croiser très bientôt: ce serait inédit.
Sur ce graphique, on voit qu'après le passage à vide du 1er trimestre 2020 dû à la pandémie de Covid, l'activité économique a repris en Allemagne, jusqu'à retrouver voire dépasser ses niveaux d'avant-crise. Mais, tout en bout de courbe, à droite, à partir de février 2022, on remarque que la courbe des importations poursuit son ascension alors que celle des exportations fléchit nettement, laissant croire qu'elles pourraient se croiser très bientôt: ce serait inédit. (Crédits : Statistisches Bundesamt (Destatis), 2022)

Ce n'est pas une surprise, mais le chiffre était sérieusement attendu: après les cinq premières vagues de sanctions prises par l'UE à l'encontre de la Russie pour stopper l'invasion de l'Ukraine, l'Allemagne, certes première économie de l'Union européenne, mais extrêmement dépendante du voisin russe, allait forcément en payer le prix.

Et de fait, l'effondrement des exportations vers la Russie (-62%, à 0,9 milliard d'euros en mars 2022) a pesé sur le chiffre global des exportations allemandes (120,6 milliards d'euros) en mars qui ont chuté de -3,3% par rapport au mois précédent (février 2022), mais progressé de +8,1% sur un an, comparé à mars 2021, a indiqué mercredi l'office fédéral des statistiques Destatis.

"La forte baisse des exportations en mars est le premier indicateur de l'impact que la guerre en Ukraine a sur l'économie allemande et européenne", explique à l'AFP Carsten Brzeski, économiste chez ING.

Hausse des importations (+20,3% sur un an) liée aux prix de l'énergie

En revanche, les importations de la première économie européenne n'ont pas fléchi, grimpant de +3,4% par rapport au mois dernier et de +20,3% sur un an pour atteindre 117,4 milliards d'euros, en lien notamment avec la flambée des prix de l'énergie.

Si "le chiffre des importations montre que les difficultés d'approvisionnement n'ont pas encore atteint l'économie allemande", "de nouveaux confinements en Chine et la poursuite des problèmes dans les chaînes de livraisons laisseront d'importantes traces sur l'industrie allemande", détaille l'économiste Carsten Brzeski (ING).

L'Allemagne n'a réduit ses importations russes que de 2,4%

Berlin paie donc sa forte dépendance à Moscou, notamment pour le gaz russe : avant la guerre contre l'Ukraine, la Russie figurait parmi les partenaires commerciaux privilégiés de l'Allemagne: au 14e rang pour les exportations et au 12e rang pour les importations.

Mais si, à cause des sanctions, l'Allemagne a fermé le robinet côté exportations, côté importations c'est peu de dire que le robinet est encore quasiment grand ouvert : les importations en provenance de Russie n'ont en effet diminué que de 2,4 % à 3,6 milliards d'euros sur la même période.

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Le solde de la balance commerciale allemande se réduit

S'agissant des échanges commerciaux intraeuropéens, la balance commerciale reste positive puisque l'Allemagne a exporté des marchandises pour une valeur de 66,6 milliards d'euros vers les États membres de l'Union européenne, tandis qu'elle a importé des marchandises pour une valeur de 56,7 milliards d'euros de ces pays en mars 2022. En termes d'évolution, par rapport à février 2022, les exportations vers les pays de l'UE ont chuté de -1,7 % tandis que les importations en provenance de ces pays baissaient de -3,0 %.

Hors UE, pour les échanges avec les pays tiers, le solde de la balance est négatif: les exportations ont ici aussi reculé, mais plus fortement, de -5,1% à 54 milliards d'euros tandis que les importations ont bondi de +10% à 60,7 milliards.

La Chine, l'autre talon d'Achille de l'Allemagne

Ici, on voit l'effet de la politique zéro covid de nouveau en vigueur en Chine qui a fait plonger les exportations allemandes, la Chine étant aujourd'hui un des plus grands partenaires commerciaux de l'Allemagne.

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En mars 2022, la plupart des importations vers l'Allemagne provenaient de la République populaire de Chine, explique Destatis. Des marchandises d'une valeur de 16,3 milliards d'euros en ont été importées, soit une augmentation de +15,8 % par rapport au mois précédent, après correction calendaire et saisonnière.

Or, selon les chiffres de Destatis, les exportations vers la République populaire de Chine ont diminué de 4,3 % à 9,1 milliards d'euros et les exportations vers le Royaume-Uni de 3,9 % à 5,5 milliards d'euros.

Pour rappel, les exportations de l'Allemagne vers la Chine ont presque triplé en un peu plus de dix ans, sous la mandature d'Angela Merkel: alors qu'en 2009, la Chine était le 8e importateur de produits allemands, avec 36,5 milliards d'euros d'achats, en 2022, elle est devenue le deuxième client de l'Allemagne avec 104 milliards d'euros de marchandises achetées.

Pour rappel également, dans son indice PMI composite publié vendredi 22 avril (à partir des données recueillies du 8 au 22 avril), S&P Global constatait que le taux de croissance de l'Allemagne s'était replié à son niveau le plus bas depuis trois mois. Cause directe: la baisse de la production constatée dans l'industrie manufacturière, la première depuis juin 2020. Et ce, malgré la bonne tenue du secteur des services.

Dans sa note du 2 mai, S&P Global affinait ses chiffres du mois d'avril, notant que pour l'ensemble de la zone euro, l'indice PMI final pour l'industrie manufacturière de la zone euro s'établissait à 55,5 (mars : 56,5), ce qui signait un plus-bas de 15 mois.

Le classement des pays par niveau d'indice PMI manufacturier montrait notamment que l'Allemagne touchait elle, à 54,6 (flash : 54,1), un plus bas de 20 mois, surpassant ainsi les autres principaux pays membres.

« En Allemagne notamment, les données mettent en évidence un retour à la baisse des nouvelles commandes et de la production pour la première fois depuis juin 2020.»

En ce mois de mars 2022, le solde du commerce extérieur affichait un excédent de +3,2 milliards d'euros en mars 2022, à comparer avec la balance calendaire et saisonnière dont l'excédent ajusté avait été de +11,1 milliards d'euros en février 2022 et de +14,0 milliards d'euros en mars 2021.

Une fabuleuse balance commerciale, qui ne cesse de reculer depuis 5 ans

Pour donner un ordre d'idée plus général, l'excédent commercial de l'Allemagne reste toujours stratosphérique vu de France : sur l'année 2021, il s'inscrivait encore à +173 milliards d'euros, quand celui de l'Hexagone chutait au niveau record de -84,78 milliards d'euros...

Il n'empêche, ce solde -extrêmement- positif, s'affiche en recul depuis cinq années consécutives, depuis 2017 où il culminait à 252 milliards d'euros

(avec AFP, Destatis)

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ANNEXE

  • EN INFOGRAPHIE

Allemagne (1970-2020) : une balance commerciale constamment positive depuis 1993... mais en recul constant depuis 2015

Allemagne balance commerciale 1970-2020, Université Sherbrooke, Québec, Canada, chiffres Banque mondiale  École de politique appliquée Faculté des lettres et sciences humaines Université de Sherbrooke, Québec, Canada

NB: Cliquez sur le graphique pour l'agrandir plein écran
(Source: Université Sherbrooke, Québec, Canada - chiffres: Banque mondiale)

  • EN CHIFFRES (DESTATIS)

Exportations (calendaires et désaisonnalisées), mars 2022

  • 120,6 milliards d'euros
  • -3,3 % sur le mois précédent
  • +8,1 % sur le même mois de l'année précédente

Importations (calendaires et désaisonnalisées), mars 2022

  • 117,4 milliards d'euros
  • +3,4 % sur le mois précédent
  • +20,3% par rapport au même mois de l'année précédente

Balance commerciale extérieure (calendaire et désaisonnalisée), mars 2022

  • 3,2 milliards d'euros
Jérôme Cristiani
Commentaires 6
à écrit le 04/05/2022 à 19:42
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D'ailleurs on nous parle moins voir plus du tout du modèle allemand, tout comme avant on nous parlait du modèle anglais puis pschitt plus rien. Ce serait bien de mettre nos responsables politiques devant leurs innombrables paroles.

le 05/05/2022 à 16:15
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La RFA est encore en excedent (nous deficit commercial depuis des annees). Le taux de chomage est de 5 % (chez nous environ le double sans les truandages). Et plus important encore, de nombreux jeunes francais, comme d autres europeens, vont s intall...

le 10/05/2022 à 14:29
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Tu peux nous sortir des éléments qui permettraient de prouver ce que tu dis stp pour changer ? Pour ma part, bien informé, je n'en connais que qui disent que le "miracle allemand" n'était qu'un mirage. Merci.

à écrit le 04/05/2022 à 16:35
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Il faut pas se plaindre, fallait pas mettre des sanctions à la Russie

à écrit le 04/05/2022 à 15:21
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LA TRIBUNE a du mal à contenir sa joie....Que dans la course à la médiocrité, l'ALLEMAGNE puisse retrouver une place..... Mais on aura du mal à être concurrencé......

le 05/05/2022 à 0:10
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Mouai… Disons qu’on a des partenaires plus ou moins francs du collier. Et parmi ceux-ci, l’Allemagne n’a pas été un bon partenaire, sur les plans commerciaux, financiers ou industriels. Disons que si l’UE se termine, on aura certainement des trucs à ...

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