Italie : Matteo Renzi en difficulté politique

Pour la première fois, un sondage donne le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo en tête devant le Parti démocrate de Matteo Renzi. Les élections locales du 5 juin seront un test important pour le président du Conseil. Explications.
Matteo Renzi doit faire face à de vrais défis politiques.

L'été s'annonce délicat pour Matteo Renzi. Ce mardi 10 mai, un sondage publié par l'institut Index Research pour la télévision privée La7 place pour la première fois le Mouvement 5 Etoiles (MoVimiento 5 Stelle, M5S), créé par le comique et blogueur Beppe Grillo devant le Parti démocrate (PD) de centre-gauche de Matteo Renzi. Le M5S obtiendrait 28,4 % des intentions de vote contre 28 % pour le Parti démocrate.

Tendance défavorable à Matteo Renzi

Certes, l'écart est réduit et inférieur à la marge d'erreur, mais c'est néanmoins une première remarquée, car, depuis l'arrivée de Matteo Renzi à la tête du gouvernement à la fin de 2013, le Parti Démocrate avait toujours fait la course en tête dans les sondages. Lors du test grandeur nature des élections européennes, en mai 2014, son parti avait obtenu 42 % des voix et avait été un des rares partis de centre-gauche dans l'UE à tirer son épingle du jeu. Il y a donc un vrai retournement de tendance. Dans le sondage Index du 25 avril, le PD avait un point d'avance sur le parti « grilliste ». Ce dépassement devra être confirmé, mais d'autres sondages ont déjà indiqué un resserrement des positions. Une autre enquête de l'institut EWG publiée ce lundi 9 mai donnait le PD à 30,5 %, en recul de 4 points, alors que le M5S, à 29,8 % des intentions de vote, progressait de 0,5 point.

Un ballotage à risque

Ces enquêtes sont particulièrement préoccupantes pour Matteo Renzi. Selon la nouvelle loi électorale, appelée Italicum, qu'il a fait voter l'an passé, il faut obtenir 40 % des voix pour gagner la majorité des sièges à l'assemblée. Cette perspective, possible alors pour le PD, semble désormais appartenir au passé. Or, si aucun parti ne dispose de 40 % des voix, il y a un second tour entre les deux partis arrivés en tête au premier tour. Le vainqueur de ce ballotage emporte la majorité absolue des sièges à la chambre des députés. Or, selon l'enquête EWG, qui s'est penchée sur les ballotages possibles, le Mouvement 5 Etoiles l'emporterait largement devant le PD au deuxième tour avec 52,7 % des voix. Autrement dit, la possibilité que l'Italie soit gouvernée en 2018 par un président du conseil issu des rangs du parti de Beppe Grillo, n'est plus une option fantaisiste, mais l'option aujourd'hui la plus probable.

Deux rendez-vous électoraux cruciaux

Or, Matteo Renzi joue avec le feu. Il a convoqué pour le 10 octobre prochain un référendum sur ses réformes institutionnelles qui contiennent notamment une moindre autonomie pour les régions et un rôle secondaire du sénat. En cas de rejet, la position du chef du gouvernement sera très compromise et il devra sans doute démissionner. Dès lors, ce référendum pourrait prendre des allures de plébiscite pour ou contre Matteo Renzi. Et en cas d'échec, une élection anticipée pourrait se profiler dans la pire des dispositions pour le Parti démocrate.

En attendant, les élections municipales du 5 et 19 juin seront un test important pour Matteo Renzi, notamment à Rome. Dans la capitale, la candidate du M5S, Virginia Raggi, une avocate de 37 ans, est en tête des sondages. Le dernier publié lui donne entre 26 % et 30 % des intentions de vote contre 19 à 23 % pour ses deux poursuivant, le candidat de la ligue du nord et un indépendant. Le candidat du PD, Roberto Giacchetti, n'est donné que quatrième avec 18 à 22 % des intentions de vote. Si le PD est effectivement éliminé au premier tour et que le Mouvement 5 Etoiles prend le Capitole, siège de la mairie de la capitale italienne, ce sera une lourde défaite pour le président du Conseil.

Une situation économique encore difficile

Pourquoi ce désaveu de la politique de Matteo Renzi ? Malgré ses tweets triomphants sur les succès de son Job Acts et la création de 300.000 emplois en 2015, les Italiens peinent à voir les effets de la reprise. Il est vrai que la situation de l'économie italienne, malgré une récente amélioration, reste préoccupante. Le niveau du PIB est inférieur de 9 % à celui de 2008, la production industrielle de 6 % inférieure à celle de 2010. Le revenu disponible brut des ménages progresse lentement : au quatrième trimestre, il était, en termes réels, en hausse de 0,9 % sur un an, mais sur un trimestre, il affichait un net recul de 0,7 %. Si l'on regarde à plus long terme, on comprend mieux la mauvaise humeur des Italiens. En termes réels, le revenu disponible brut était au quatrième trimestre 2015 inférieur de 6,5 % à celui du premier trimestre 2010. Pour les Italiens, la crise n'est pas terminée et le triomphalisme de Matteo Renzi agace, fortement.

Désaveu de la politique

On constate, de plus, en conséquence, un désaveu de la politique qui n'est pas propre à l'Italie, mais qui gagne du terrain. Selon Index, l'abstention pourrait atteindre 34 % des personnes interrogées, contre 25 % en 2013. Une grande partie des abstentionnistes pourraient être des déçus de Matteo Renzi. La politique de « réformes » du président du Conseil a aussi été mal acceptée par de nombreux salariés et l'on voit la gauche radicale regagner du terrain et priver le PD de voix utiles. Selon Index, le parti de la Gauche italienne (Sinistra Italiana) serait ainsi à 5,5 % (4,9 % pour EWG), au-dessus de son score habituel, proche de 3,5 %-4 %. Son candidat à Naples est même donné vainqueur.

Un fort mouvement eurosceptique

Autre point : les « réformes » sont, en Italie, perçues comme des punitions européennes par un grand nombre d'Italiens. C'est le fruit de novembre 2011, lorsque, sous la pression de la Commission européenne et de la BCE, Silvio Berlusconi avait dû démissionner et qu'une « grande coalition » regroupant les centre-droit et centre-gauche avait soutenu le gouvernement de Mario Monti qui reste dans les esprits italiens de mauvaise mémoire. Aujourd'hui, les Eurosceptiques sont très nombreux en Italie. Un sondage récent de Mori Poll souligne qu'en cas de référendum sur l'UE, l'Italie serait le pays de la zone euro avec la plus forte proportion d'électeurs souhaitant quitter l'union (48 %). Le Mouvement 5 Etoiles est eurosceptique, allié de l'UKIP britannique au parlement européen, mais la Ligue du Nord (crédité par Index de 13 %) et l'extrême-droite de Fratelli d'Italia (5,3 % selon Index) sont aussi violemment opposés à l'UE et à l'euro. Malgré ses efforts pour apparaître comme un contrepoids à Angela Merkel, Matteo Renzi peine à convaincre sur son idée de « changer l'Europe ».

La capacité de rassemblement du Mouvement 5 Etoiles

Reste un dernier élément : le Mouvement 5 Etoiles montre une capacité de réunir les mécontentements. Beppe Grillo a pris progressivement ses distances et son nom n'apparaît plus dans le logo du parti. Il s'agit d'un parti très hétéroclite qui sait aussi bien séduire, dans un second tour, à gauche qu'à droite les déçus du gouvernement Renzi. Il a conservé une capacité de critique du système et de la corruption, comme le montre le succès de Virginia Raggi à Rome. Son autre point fort est celui de la participation populaire et le rejet des élites. Virginia Raggi rejette ainsi la candidature de la Ville Eternelle aux Jeux Olympiques de 2024, perçue comme inutile, coûteuse et éloignée des préoccupations populaires. Globalement, ceux qui, à la gauche du PD, refuse cette politique ne voteraient pas pour un parti de droite, mais peuvent voter pour le M5S. Et c'est là tout le piège pour Matteo Renzi. Le chef du gouvernement italien doit à présent réagir pour reprendre la main. Sinon, son gouvernement pourrait s'achever en fiasco politique, plaçant l'Europe face à un nouveau défi : une Italie gouvernée par le Mouvement 5 Etoiles.

Commentaires 4
à écrit le 18/03/2019 à 18:42
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On ne peut pas comprendre la politique italienne si on n'a pas une capacité de discrimination entre les mensonges et la vérité ! car e parcours de plusieurs politiciens est base sur les mensonges… ! Un Italien Français

à écrit le 10/10/2016 à 9:46
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cela ne nous étonne pas, le "Cinque Stelle" parti de Beppe Grillo avance et M.Renzi va suivre ceux qui l ont précédé... je n aime pas sa politique et particulièrement celle sur l immigration ...il joue avec le "feu"

à écrit le 11/05/2016 à 10:55
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On ne cesse de nous dire que ça va mieux ailleurs, alors que les populistes remontent dans les sondages en Italie, que l'Espagne peine à se trouver un gouvernement, que l'Angleterre montre l'Europe comme la cause de ses problèmes, que l'Autriche va c...

à écrit le 11/05/2016 à 2:04
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Qui a contracté la dette italienne, qui en a profité ?

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