Les assureurs souffrent moins, mais restent encore exposés

En cas de refus d'indemniser certaines entreprises qui ont subi de lourdes pertes pendant le confinement, les groupes d'assurances risquent de devoir répondre à la polémique médiatique et à la justice. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a prévenu qu'il ne fallait pas fragiliser les assureurs.
(Crédits : Reuters)

Les assureurs souffrent moins que d'autres de la crise provoquée par le coronavirus. Mais cet avantage les expose à des assauts politico-médiatiques et des contentieux judiciaires.

"Nous avons les moyens de faire face à la situation", assurait mercredi dans Le Monde Thomas Buberl, patron du géant Axa, après avoir évalué à 1,5 milliard d'euros le coût de la crise pour son groupe cette année.

Le chiffre est conséquent mais relativement limité au regard des 3,9 milliards d'euros de bénéfices engrangés l'an dernier. L'action d'Axa a d'ailleurs bondi dans la foulée.

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L'assureur est le premier à chiffrer aussi précisément les dégâts, mais ce tableau semble à l'image du secteur, jugé solide par le régulateur français (ACPR) malgré un impact "majeur" de la crise.

Axa est emblématique à double titre: l'assureur est aussi exposé sur le plan judiciaire, une situation qui témoigne des tensions entre l'assurance et d'autres secteurs bien plus violentés car contraints à l'inactivité pendant des semaines par les mesures de confinement.

Une affaire est devenue symbolique, d'autant qu'elle a été largement relayée médiatiquement, celle du restaurateur Stéphane Manigold. Il accuse Axa de refuser abusivement d'indemniser ses pertes, estimant, à l'opposé de l'assureur, que son contrat s'applique bien dans le contexte actuel.

Le restaurateur a remporté fin mai une première manche: la justice a enjoint Axa de lui verser de l'argent, en attendant un jugement de fond.

Lire aussi : Coronavirus : ce qu'il faut retenir de la condamnation d'Axa France

"Ca va faire boule de neige, ça va encourager les restaurateurs à initier des procédures (et) il va y avoir des condamnations d'assureurs", estime auprès de l'AFP l'avocat Clément Michau, spécialiste des assurances.

Faut-il envisager un séisme pour le secteur, étant donné que la moitié des entreprises françaises sont assurées contre d'éventuelles pertes en cas d'événements graves?

Axa, d'ailleurs, n'a pas refusé de rembourser toutes les pertes liées à la crise, et cela contribue déjà largement à sa lourde facture annoncée cette semaine.

"On ne pourra jamais généraliser le cas de M. Manigold à tous les restaurateurs", minimise M. Michau. "Sa police reste l'exception car, très souvent, les contrats excluent explicitement le risque pandémique."

Un nouveau contentieux pourrait être plus dangereux: dans le Beaujolais, des restaurateurs ont aussi attaqué Axa à propos d'un refus d'indemnisation et, cette fois, le contrat excluait bien la pandémie. La justice doit se prononcer mercredi.

Assauts de députés

Même si les décisions de justice devaient in fine tourner en faveur des assureurs, leur situation restera délicate car les polémiques débordent sur le terrain médiatique et politique.

Les restaurateurs, par leurs fédérations ou des initiatives indépendantes, réclament le remboursement d'une partie de leurs pertes, même si cela n'est pas prévu par leurs contrats.

Du côté des particuliers, des associations de consommateurs exigent le remboursement d'une partie des primes d'assurances automobiles, car les accidents ont chuté pendant le confinement.

Depuis des semaines, des députés de tous bords − Insoumis et socialistes à gauche, UDI au centre, Républicains à droite − reprennent tout ou partie de ces revendications qui pourraient coûter cher au secteur.

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"A ce stade, nous n'avons pas d'inquiétudes généralisées", relativise auprès de l'AFP Marc-Philippe Juilliard, expert des assurances chez l'agence S&P Global Ratings.

"Pour l'heure, nous n'avons pas identifié d'annonce ou de décision qui iraient totalement à l'encontre du respect du droit des assurances en France, ou qui pourraient nous amener à revoir notre appréciation du secteur", ajoute-t-il. Ceci étant, "on ne peut se prononcer qu'une fois qu'on connaît la fin de l'histoire."

Les signes envoyés par le gouvernement sont donc cruciaux et il a, pour l'heure, ménagé les esprits.

Certes, Bercy s'est montré insistant pour que les assureurs contribuent à des mesures de soutien. Ils y ont consenti à hauteur de plus de trois milliards d'euros, via notamment un fonds public d'aide aux petites entreprises ainsi que des promesses d'investissements.

D'un autre côté, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a prévenu qu'il ne fallait pas fragiliser les assureurs, par ailleurs exposés à la chute des marchés en tant que grands investisseurs.

"Il convient de ne pas engager des ressources qui pourraient mettre en danger la situation financière des organismes d'assurance", affirmait-il mi-mai dans l'Argus de l'Assurance.

Lire aussi : Les assureurs français sous le feu des critiques, comment font nos voisins allemands ?

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Commentaires 2
à écrit le 08/06/2020 à 11:44
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Nos gentils assureurs ont ils fait des simulations de leurs propres comptes exploitation selon une hypothèse de Zero rentrée d argent pdt 3 mois pleins minimum ? Quand ils auront terminé cet exercice, ils comprendront peut_être la désespérance des ...

le 08/06/2020 à 23:04
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Allons Ernestine, soyez sérieuse, ce sont des copains énarques qui gérent banques et assurances. Voius immaginez Monsieur leur président s'en prendre a eux? Socialism for the rich. Capitalism for the poor.

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