L'internationalisation : le prochain défi des fintech françaises en hypercroissance

L'arrivée du géant chinois Tencent au capital de l'appli de paiement Lydia et de la néobanque Qonto, ainsi que la multiplication d'importantes levées de fonds, marquent une nouvelle étape pour l'écosystème des startups de la finance en France. Ces dernières doivent toutefois relever le défi de leur internationalisation.
Juliette Raynal
Alexandre Prot et Steve Anav, les deux cofondateurs de la néobanque Qonto, qui signe la plus grosse levée de la fintech française avec un tour de table de 104 millions d'euros.
Alexandre Prot et Steve Anav, les deux cofondateurs de la néobanque Qonto, qui signe la plus grosse levée de la fintech française avec un tour de table de 104 millions d'euros. (Crédits : DR)

Le début d'année laisse présager un très bon cru 2020 pour l'écosystème fintech tricolore. Le 15 janvier, l'appli de paiement entre amis Lydia annonce une levée de fonds de 40 millions d'euros. Quelques jours plus tard, le 21 janvier, la néobanque pour PME Qonto lui emboîte le pas et officialise une levée de fonds de 104 millions d'euros.

En France, c'est la première fois qu'une startup du monde de la finance boucle un tour de table supérieur à 100 millions d'euros. Jusqu'à présent, le record était détenu par la startup Wynd (72 millions d'euros), à cheval entre le monde de la distribution et celui des paiements, avec comme principaux actionnaires Natixis (BPCE) et Sodexo. Viennent ensuite Payfit (70 millions), Younited Credit, (65 millions) ou encore Shift Technology (60 millions).

Incursion du géant chinois Tencent

Outre leur montant significatif, ces deux opérations sont marquantes de par l'identité de leurs nouveaux investisseurs. Les deux fintech accueillent à leur capital des géants mondiaux, dont le chinois Tencent, derrière la "méga application" Wechat utilisée par plus d'un milliard de personnes à travers le monde. Jusqu'à présent, le poids lourd de la tech asiatique n'avait jamais investi dans une fintech française, alors même que son appétit pour les startups de la finance est insatiable avec 27 prises de participation dans le monde au cours des cinq dernières années.

Grâce à cet argent frais, Qonto et Lydia entendent imposer leur modèle respectif à l'échelle européenne. Lydia, qui revendique plus de 3 millions de clients en France, a déjà testé l'appétit des utilisateurs au Royaume-Uni, en Irlande, en Espagne, au Portugal et en Belgique et dit vouloir se lancer dans une batterie d'autres pays d'ici la fin 2021. À cet horizon, sur le seul marché français, elle vise 10 millions d'utilisateurs. De son côté, Qonto entend renforcer sa présence en Italie, en Espagne et en Allemagne et prévoit, au minimum, de doubler le nombre d'entreprises clientes à 130.000, dans un délai de douze mois seulement. Dans le même temps, ses équipes devraient gonfler significativement et passer de 200 à 300 collaborateurs.

"Un très bon signal pour l'écosystème"

Pour beaucoup d'experts du secteur, ces prises de participation sont le signe de la maturité de l'écosystème fintech, né il y a dix ans dans l'Hexagone.

"Les investissements dans les startups fintech ont doublé en 2019 par rapport à 2018 pour atteindre 699 millions d'euros. Le ticket moyen s'établit désormais à 11 millions d'euros, contre 5,6 millions il y a un an et nos 'bébés' se placent dans les classements de référence. Nous comptons quatre fintech dans le top 100 mondial réalisé par KPMG et sept dans le Next 40 [Alan, Ledger, October, Shift, Younited Credit, Wynd et Ivalua, ndlr]", fait valoir Alain Clot, président de l'association France FinTech.

Sept autres fintech (Digital Insure, Lemonway, LGO, Lunchr, Lydia, Qonto et Spendesk) viennent par ailleurs d'intégrer le French Tech 120, une sélection des startups en hypercroissance qui bénéficieront d'un accompagnement spécifique dans l'objectif de devenir des champions européens.

"Ce tour de table a une portée plus large que la seule croissance de Lydia. Il est le symbole que la France devient une grande terre de la fintech", abonde Cyril Chiche, le fondateur de l'appli de paiement entre amis. "Avoir à votre capital des investisseurs mondiaux qui ont accompagné des sociétés qui ont grandi très vite est un véritable atout. Au-delà de Qonto, cette levée de fonds est un très bon signal pour l'écosystème de la fintech française", complète Alexandre Prot, directeur général et cofondateur de Qonto, aux côtés de Steve Anavi. "Il faut toutefois rester humbles et réalistes. Car, si 104 millions d'euros représentent un très gros montant, cette levée serait sans doute passée inaperçue aux États-Unis où cela est beaucoup plus courant", relativise-t-il.

Loin derrière les États-Unis et le Royaume-Uni

Le récent rachat de la fintech californienne Plaid pour 5,3 milliards de dollars par Visa vient rappeler cet écart criant. Écart que l'on peut également observer - certes dans une moindre mesure -, au Royaume-Uni où plusieurs fintech ont déjà finalisé des tours de table XXL. C'est le cas notamment de OakNorth (440 millions d'euros), de Transferwise (292 millions de dollars), de Revolut (250 millions de dollars) ou encore de Checkout (230 millions de dollars). Pour certains, le retard des fintech françaises en la matière, et plus largement de toutes les startups tricolores, s'explique par l'absence de Nasdaq européen.

"Des sorties plus élevées que celle de Nickel [rachetée par BNP Paribas 200 millions d'euros en avril 2017, ndlr] pourraient davantage attirer les investisseurs", estime, quant à lui, Laurent Nizri, organisateur du Paris Fintech Forum, la grand-messe du secteur.

Par ailleurs, à l'échelle internationale, les fintech françaises, à quelques exceptions près, peinent encore à être visibles. "Une petite cinquantaine de fintech concentrent l'attention sur la scène mondiale. Les startups de la finance qui lèvent beaucoup d'argent sont toujours les mêmes", observe Laurent Nizri. Selon lui, le foisonnement de l'écosystème fintech français, qui regroupe entre 500 et 600 startups selon les recensements, est trompeur. "La base de la pyramide est très large. Cela s'explique notamment par notre système bancaire très développé et le fait que de nombreux anciens cadres de la banque se sont lancés dans l'aventure entrepreneuriale. Mais combien de fintech vont réussir à trouver un marché ?", s'interroge-t-il.

"Le marché est beaucoup trop éclaté pour que des acteurs puissent percer. Lorsqu'il y aura une vague de consolidations, des fintech se détacheront du lot", anticipe, pour sa part, Stéphane Court, vice-président banque de détail chez Cognizant Consulting.

Penser "Europe"

Dans les mois à venir, les levées de fonds de taille conséquente devraient néanmoins se poursuivre et la première véritable licorne (société non cotée en Bourse valorisée plus d'un milliard de dollars) de la fintech française pourrait voir le jour, même si certaines revendiquent déjà ce statut, comme Kyriba, spécialiste franco-américain de la gestion de trésorerie, dont le siège est toutefois en Californie.

"Parmi les fintech ayant levé plus de 30 millions d'euros, beaucoup sont éligibles au statut de licorne, à condition toutefois qu'elles réussissent leur internationalisation. Les fintech françaises ont tendance à ne pas penser leur modèle à l'échelle européenne dans un premier temps, alors que pour capter un marché il faut, d'entrée de jeu, avoir une offre qui puisse se déployer à l'identique dans différents pays", estime Stéphane Court.

Lors du Paris Fintech Forum, dont la 5ème édition se tiendra les 28 et 29 janvier prochains, les pépites françaises auront l'occasion de mettre en avant leur expertise. Sur les 2.700 visiteurs attendus, 60% viennent de l'étranger et 35 pays seront représentés.

Juliette Raynal

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Commentaires 11
à écrit le 23/01/2020 à 10:04
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L'internationalisation n'est en fait qu'une perte d'identité, ces "entreprises" n'ont pas de racines et ne sont qu'opportuniste!

à écrit le 23/01/2020 à 6:52
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Cherche Pigeons banquiers pour levee de Fonds Perdu pour Start up 2.O

à écrit le 22/01/2020 à 20:31
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La Fintech c'est uniquement court-circuiter les pratiques moisies des "vieux" acteurs financiers qui pensaient qu'ils allaient se baffrer impunément avec le développement du numérique et virer leur vieux employés... Et faire travailler les clients s...

le 23/01/2020 à 11:35
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pas mieux !

à écrit le 22/01/2020 à 13:45
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Ils n'attendent qu'une chose ces "dirigeants "se faire racheter par LA grosse boite et se remplir les fouilles .

à écrit le 22/01/2020 à 13:39
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L'internationalisation n'est en fait qu'une perte d'identité, ces "entreprises" non pas de racines et ne sont qu'opportuniste!

à écrit le 22/01/2020 à 11:24
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"le retard des fintech françaises en la matière, et plus largement de toutes les startups tricolores, s'explique par l'absence de Nasdaq européen". Quand qqchose ne donne pas satisfaction en France, c'est la faute de l'Europe. Vivement que la France ...

le 22/01/2020 à 12:37
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non, l'internationalisation est moins une question de bourse que de capacité a penser le monde en dehors de sa culture. Du coup, cela induit des mécanismes d’anticipation qui sont selon moi impossible par le monoculturalisme! Le peu ou j'ai pu ...

le 22/01/2020 à 19:38
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Juste pour dire, je viens d'avoir une proposition sur la réalité des opportunités du monde, la question de la crédibilité et de l'étique ! Il se passe des choses partout a présent, et l'algorithme étant ce qu'il est, le business pour moi est quel...

à écrit le 22/01/2020 à 11:09
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L'internationalisation n'est en fait qu'une perte d'identité, ces "entreprises" non pas de racines et ne sont qu'opportuniste!

à écrit le 22/01/2020 à 10:07
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"L'internationalisation "C'est un prix que j'ai eu comme cinq année dans le classement deloitte. Il y a des clefs pour comprendre l'internationalisation, mais je les garde pour moi désolé maintenant j'ai compris que je savais faire, mais a chaque ...

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