Bilan de Florence Parly : une campagne réussie contre des raids de prédateurs étrangers sur la BITD (4/5)

En cinq ans à l'Hôtel de Brienne, Florence Parly a su bénéficier d'un alignement des planètes pour effectuer un passage remarqué au ministère des Armées dans un contexte de crises et de tensions inédites. Exportations, budgets et préservation de la BITD ont été au cœur de la réussite de son bilan économique et financier. Mais elle a échoué à bâtir des coopérations solides avec la très versatile Allemagne. Enfin, en matière d'innovation, la ministre n'est pas allée aussi loin, aussi haut et aussi fort que les enjeux cruciaux l'exigeaient. Quatrième volet de cette série, la guerre pour garder les pépites de la BITD françaises.
Michel Cabirol
Photonis a été un véritable stress-test pour les pouvoirs publics
Photonis a été un véritable stress-test pour les pouvoirs publics (Crédits : Photonis)

La crise du Covid a brutalement remis la souveraineté au cœur de la politique. Et la PME Photonis, considérée comme un fournisseur stratégique des armées françaises, est l'exemple emblématique de cette politique de souveraineté retrouvée et mise en œuvre par la France pour préserver la BITD (Base industrielle et technologique de défense) tricolore. Photonis a d'ailleurs été un véritable stress-test pour les pouvoirs publics, aussi bien le ministère des Armées que celui de l'Économie. "Le ministère des Armées a estimé que pour des raisons de souveraineté et de sécurité nationale, il était préférable de bâtir une offre française pour Photonis. Approche évidemment que je partage totalement avec la ministre des Armées Florence Parly", avait expliqué le 12 janvier 2021 lors de la présentation de ses vœux à la presse le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire.

Plus de 100 dossiers en 2020

Après de nombreux rebondissements mais aussi d'atermoiements, la France claquait la porte au groupe américain Teledyne, qui convoitait cette pépite technologique française. Cette pépite n'était pas la seule à avoir aiguisé les appétits de prédateurs étrangers. Entre 2017 et 2020, la DGA a vu se multiplier par trois le nombre de dossiers d'investissements étrangers à traiter dans le secteur de la défense. "Nous avons traité 138 dossiers d'investissements financiers étrangers", contre 30 en 2017, avait révélé en juin 2021 au Paris Air Forum le chef du service des affaires industrielles et de l'intelligence économique à la DGA, François Mestre. En 2020, nous avons passé le cap des 100 dossiers »...

Les principales opérations depuis 2020 ont concerné dans le domaine de la défense iXblue qui va être acheté par le groupe Gorgé (410 millions), Orolia par Safran (400 millions), Photonis par le fonds HLD (370 millions), LMB Aerospace par Tikehau Ace Capital, accompagné d'Amundi Private Equity Funds et d'un pool d'investisseurs du groupe Crédit Agricole coordonné par IDIA Capital Investissement (290 millions), Alkan par le groupe Rafaut, via HLD (190 millions) et Aubert&Duval par Airbus, Safran et Tikehau Ace Capital (95 millions).

En outre, le ministère des Armées a créé le Fonds Innovation Défense (FID), abondé de 200 millions d'euros et supervisé par l'Agence de l'innovation défense (AID), avec l'ambition de dépenser environ 35 millions d'euros par an pour booster les PME et ETI technologiques et innovantes. Parmi les investissements du FID, Pasqal qui a réussi à lever 25 millions d'euros grâce à son investisseur de référence, le fonds Quantonation et le FID.  Un fonds créé à côté du fonds Definvest géré par la DGA (direction générale de l'armement) pour protéger la base industrielle et technologique de défense (BITD) française en sécurisant le capital des entreprises d'intérêt stratégique pour le secteur de la défense.

Par ailleurs, dans l'aéronautique, le fonds ACE Aéro Partenaires, créé par l'État, les industriels (Airbus, Safran, Thales, Dassault) et Tikehau Ace Capital, a fait le job pour protéger et consolider la supply chain française. Fin 2021, il a déjà réussi à lever 744 millions d'euros sur le milliard visé. Il est entré dans le capital de six PME et ETI pour un total de 73 millions d'euros (Aries Industries, Satys, Hitim Group, Rossi Aero, Brown Europe et Mecachrome). En outre, il a déjà annoncé en 2021 des opérations pour un montant de 260 millions d'euros (Mecachrome, Figeac Aero, LMB Aerospace, Elvia et We Are Group) ainsi qu'Aubert & Duval en 2022. Toutes ces transactions devraient être  finalisées cette année.

"Le nouveau fonds va nous permettre de faire sans doute 5 à 8 grosses participations nouvelles à l'image de Mecachrome, de Figeac ou d'Aubert & Duval. La barre de ces investissements s'élève entre 80 et 100 millions d'euros. Et puis, on va réaliser une vingtaine d'investissements nouveaux plus modestes", avait expliqué en octobre 2021 le président d'Ace Capital Partners, Marwan Lahoud dans une interview accordée à La Tribune.

Autonomie ne veut pas dire autarcie

Pour autant, cette recherche d'autonomie ne doit être une recherche d'autarcie. Et comme l'a précisé à l'automne 2021 François Mestre dans le magazine du ministère des Armées Esprit Défense, "que les choses soient claires : la France est un pays ouvert aux investissements étrangers. Que des acteurs étrangers soient attirés par notre BITD est plutôt positif : cela prouve que nos entreprises sont compétentes et qu'elles ont du potentiel !". Et de souligner que "la souveraineté, c'est le choix de ses dépendances. C'est opter pour des partenaires de confiance avec lesquels travailler sur la durée". En revanche, chaque investissement étranger doit rester cohérent avec les objectifs de souveraineté de la France.

Pour dissuader des investisseurs non désirés, la France s'est dotée d'un arsenal... dissuasif. Elle dispose désormais "des outils réglementaires pour trouver les solutions pertinentes. Mais l'idéal consiste à traiter le problème en amont. Cela permet d'anticiper les difficultés et d'accompagner le processus tout en respectant le secret des affaires", précisait François Mestre. Le dispositif de protection économique du SISSE, le Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques du ministère de l'Economie, est d'ailleurs "arrivé à maturité" pendant la crise de la Covid-19, avait estimé en juin 2021 lors du Paris Air Forum, Joffrey Célestin Urbain, chef du SISSE.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 31/03/2022 à 7:56
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Le mieux serait de laisser les concurrents s'approprier ces technologies en en inventant de nouvelles plus performantes mais bon avec nos propriétaires de capitaux et d'outils de production préhistoriques nous ne bénéficions jamais de ce genre d'alt...

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