
C'est une promesse réaffirmée le 5 juin par la Première ministre Elisabeth Borne en clôture du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement : « la rénovation énergétique des bâtiments est un des piliers de notre planification écologique dont la stratégie globale sera présentée prochainement ».
Et la cheffe de gouvernement de faire trois annonces en ce sens : le « renforcement des moyens » de Ma Prime Rénov avec un objectif de 200.000 rénovations globales (qui concernent tout le bien) en 2024, le déploiement de 450 à 1.300 guichets « France Rénov » et l'augmentation d'ici à 2025 de 2.000 à 5.000 « Mon Accompagnateur Rénov' », ces spécialistes du diagnostic, du financement et du suivi des travaux.
« La rénovation énergétique est un impératif pour notre transition écologique, mais c'est aussi une amélioration pour la qualité de vie et les factures énergétiques des Français, et une opportunité formidable pour l'emploi. Grâce à cet effort, 200.000 emplois seront créés dans le BTP d'ici à 2030 », a poursuivi Elisabeth Borne.
Une TVA à taux réduit
En première ligne sur les chantiers, la Confédération de l'artisanat et des PME du bâtiment (CAPEB, 95% des entreprises du secteur) pousse des amendements en ce sens auprès du gouvernement et des parlementaires. Dès l'examen du budget 2023 à l'automne 2022, le député (Renaissance) de la 5è circonscription du Calvados, Bertrand Bouyx, reprend ainsi leur proposition de mettre en place une TVA à taux réduit à 5,5% pour tous les travaux réalisés en groupement momentané d'entreprise (GME) constitué de plus de trois corps de métiers.
« Cela incitera les entreprises artisanales de proximité à se constituer en GME pour réaliser des travaux complets et facilitera la relation des particuliers avec les entreprises en désignant un « capitaine de chantier », véritable interlocuteur unique du maître d'ouvrage », écrit le député Bouyx.
« Cette proposition contribuera également à la réalisation de travaux d'accessibilité et favorisera ainsi le maintien à domicile des personnes âgées ou à mobilité réduite », enchaîne-t-il.
Et d'ajouter que cette mesure aurait un coût « faible », voire « marginal » pour l'Etat et qu'elle constituerait un levier « fort » pour « accélérer le nombre de rénovations globales » et « permettre la massification des travaux ».
Sauf que son amendement n'a même pas été traité, du fait de l'article 49-3 de la Constitution activé par la Première ministre sur la loi de finances 2023.
Une proposition de loi clé en main...
Il n'empêche, pour jouer dans la cour des majors du secteur (Bouygues, Eiffage, Vinci) de la rénovation, les artisans et les PME du bâtiment persistent et signent. La CAPEB a en effet préparé une proposition de loi clé en main visant à « développer le recours aux groupements momentanés d'entreprises pour répondre aux enjeux de la rénovation des bâtiments ».
Le texte est composé d'un article unique recodifiant le Code de la Construction et de l'habitation et ajoutant un alinéa au Code de la commande publique.
« Face aux enjeux de la rénovation des bâtiments, notamment de la rénovation énergétique des logements, et de la décarbonation de la filière construction à horizon 2050, les entreprises artisanales du bâtiment doivent s'organiser pour répondre aux objectifs de massification de rénovation des logements que le Gouvernement appelle de ses vœux. Pour ce faire, [elles] ont besoin de se regrouper de façon opérationnelle tout en conservant chacune leur lot, ce que permet juridiquement la cotraitance qui se concrétise par la signature d'une convention de GME-groupements momentanés d'entreprises », est-il écrit en ouverture de l'exposé des motifs.
... poussée auprès du ministre Béchu et du député Amiel
Selon nos informations, leur président Jean-Christophe Repon a déjà poussé cette loi auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu ainsi qu'auprès du député (Renaissance) de Paris David Amiel, rapporteur spécial en commission des Finances des sujets Énergie, climat et après-mines, Service public de l'énergie.
« S'il n'y a pas ce véhicule législatif, les professionnels n'iront pas sur la rénovation globale. Il n'y a pas que les entreprises générales du bâtiment ou les majors pour aller sur ce marché qui nous échappe », justifie aujourd'hui auprès de La Tribune le patron de la Confédération de l'artisanat et des PME du bâtiment (CAPEB).
Selon lui, le groupement momentané d'entreprise (GME) est « un moyen d'accéder à des marchés en direct, plus importants ou plus complexes, auxquels une entreprise artisanale seule ne pourrait accéder » et « permet d'éviter le recours à la sous-traitance, souvent génératrice de non-qualité ».
« Cette organisation économique est particulièrement bien adaptée aux petites entreprises du bâtiment et à la demande des clients des artisans (ménages, maîtrise d'ouvrage professionnelle et maîtrise d'œuvre) qui souhaitent avoir un interlocuteur unique, véritable facilitateur, dès lors qu'ils envisagent des travaux de rénovation, rénovation énergétique, accessibilité..., sous forme d'une offre globale ou par étapes », fait encore valoir Jean-Christophe Repon.
560.000 TPE pourraient être concernées
Par exemple, l'extension ou la réhabilitation d'un bâtiment, l'amélioration de la performance énergétique d'une maison individuelle, la rénovation de logements en petits collectifs, d'immeubles en copropriété, mais aussi la rénovation d'une cuisine, d'une salle de bains ou encore l'accessibilité d'un commerce.
« Les groupements momentanés d'entreprises-GME constituent une solution efficace et moderne d'actions groupées en ce qu'ils structurent l'organisation économique des entreprises dans les territoires, au bénéfice des maîtres d'ouvrages. Ils peuvent être ouverts à des coopérations avec les autres acteurs de la maîtrise d'œuvre (architectes, bureaux d'étude, économistes de la construction, ...) permettant d'optimiser l'offre et la réalisation de travaux de rénovation », insiste le patron de la CAPEB.
Au total, près de 560.000 TPE du bâtiment pourraient être concernées, et Jean-Christophe Repon compte bien remettre le sujet sur la table, avant ou après l'été, lors des prochaines « Assises du bâtiment et des Travaux publics ».
Le ministre Klein n'a pas fermé la porte
Pour autant, dès le 24 mai lors des Rencontres de la CAPEB, le président de la Confédération a interpellé directement le ministre de la Ville et du Logement sur ce point.
« Encourager les groupements momentanés et efficaces est une certitude. Si on veut un objectif de chantiers globaux où les artisans se parlent, ce dispositif paraît utile et nécessaire... », a commencé par répondre Olivier Klein.
« [Mais] je ne suis pas certain que ça passe par le législatif. On regardera s'il y a des initiatives plus souples », a-t-il néanmoins conclu.
Autrement dit, le gouvernement n'est pas prêt à légiférer sur les groupements momentanés d'entreprises, mais prêt à assouplir la réglementation. Reste à savoir comment...
_______
Sujets les + commentés