Rénovation énergétique : pour un parc immobilier « zéro émission » en 2050, le Parlement européen veut accélérer les chantiers

Réunis à Strasbourg ce mardi, les parlementaires européens doivent adopter à la mi-journée une position sur le projet législatif porté par la Commission européenne, dévoilé en 2021. Il vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments, en imposant que toutes les constructions neuves soient neutres en carbone. Il entend également s'attaquer aux logements anciens, en imposant des rénovations afin que tous les logements atteignent la classe E dès 2030. Les ONG environnementales saluent l'ambition du Parlement, mais elles s'inquiètent de dérogations susceptibles de saper le texte.
Les eurodéputés réunis à Strasbourg doivent adopter une position sur le projet législatif de la Commission européenne qui prévoit d'améliorer la performance énergétique des bâtiments.
Les eurodéputés réunis à Strasbourg doivent adopter une position sur le projet législatif de la Commission européenne qui prévoit d'améliorer la performance énergétique des bâtiments. (Crédits : Reuters)

L'Union européenne parviendra-t-elle à harmoniser les règles en matière de rénovation énergétique des bâtiments ? Dans un contexte marqué par la flambée des prix de l'énergie, accélérée par la guerre en Ukraine, la question de la sobriété énergétique est devenue incontournable. Le Parlement européen vote ce mardi pour accélérer les chantiers de rénovation énergétique. Objectif affiché, viser un parc immobilier« zéro émission » d'ici 2050 dans l'UE,

« C'est une rare opportunité d'avoir un impact visible sur la vie des Européens », qui « se retrouvent piégés dans des maisons aux courants d'air froids, avec des factures d'énergie exorbitantes », a résumé lundi le rapporteur du texte, l'eurodéputé irlandais Ciaran Cuffe (Verts).

Des bâtiments neufs neutres en carbone à partir de 2028

Dans le détail, les eurodéputés réunis à Strasbourg doivent adopter une position sur le projet législatif dévoilé en décembre 2021 par la Commission européenne. Celui-ci ambitionne d'améliorer la performance énergétique des bâtiments, représentant 36% des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne.

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Les eurodéputés devraient ainsi s'entendre pour accélérer tous azimuts le calendrier proposé, selon le compromis trouvé début février par les principaux groupes politiques. L'accord entre le PPE (droite), S&D (socialistes), Renew (libéraux) et les Verts prévoit qu'à partir de 2028 - et non 2030, comme le proposait la Commission européenne -, tous les bâtiments neufs soient neutres en carbone, grâce à une consommation modérée et un chauffage par énergies décarbonnées.

Une mise en application plus compliquée

Il entend surtout s'attaquer aux logements anciens à coup de rénovations. Les chantiers devront ainsi permettre que tous les logements atteignent la classe E dès 2030, puis la classe D en 2033 sur l'échelle de performance énergétique, la lettre G désignant, pour rappel, les passoires thermiques.

Ces objectifs se révèlent plus ambitieux que ce que proposait la Commission : au moins la classe F pour les logements en 2030, puis E en 2033. Ils sont également bien plus contraignants que la position adoptée par les Etats membres de l'Union européenne en octobre dernier.

L'année passée, les Vingt-Sept avaient repris l'objectif de bâtiments neufs « zéro émission » en 2030. En revanche, ils n'avaient pas approuvé les exigences de classes énergétiques pour les bâtiments existants, jugeant ce critère trop variable d'un pays à l'autre. Ils proposaient alors plutôt un seuil maximal de consommation d'énergie par mètre carré.

Même si six pays, dont la France et l'Allemagne, avaient appelé à relever « substantiellement » les exigences, les pourparlers entre Etats et eurodéputés pourraient s'avérer compliqués.

Pas d'harmonisation des règles européennes

Le projet parlementaire reconnaît l'absence d'harmonisation des règles européennes et la variété du parc immobilier selon les pays. Pour y remédier, il propose que la lettre G corresponde de facto aux 15% des bâtiments les moins performants du parc de chaque Etat. Enfin, il prévoit l'interdiction des systèmes de chauffage à combustibles fossiles d'ici 2035, et l'obligation d'ici 2028 pour tous les nouveaux bâtiments d'être équipés de panneaux solaires, lorsque c'est « techniquement et économiquement réalisable ».

Chaque Etat décidera librement des incitations, restrictions et sanctions pour atteindre les objectifs, mais « les plans nationaux de rénovation devront inclure des programmes de soutien (...), prévoir une prime substantielle pour les rénovations importantes, et des subventions ciblées pour les ménages vulnérables », soulignait en février la commission parlementaire chargée du dossier.

Les ONG s'inquiètent de dérogations susceptibles de saper le texte

Le texte « réduira les émissions de carbone, mais aussi les factures d'énergie, diminuera notre dépendance aux hydrocarbures importés, il stimulera l'emploi et l'industrie (...) C'est un plan juste et réaliste », a plaidé Ciaran Cuffe.

Si les ONG environnementales saluent l'ambition du Parlement, elles s'inquiètent toutefois de dérogations susceptibles de saper le texte.

Elles dénoncent également une disposition adoptée en commission parlementaire ouvrant la voie à l'installation de « chaudières hybrides » alimentées en partie par des combustibles prétendument « verts » (hydrogène, biocarburants...). Une« bouée de sauvetage » pour le chauffage aux combustibles fossiles, s'est insurgé le European Environmental Bureau.

En France, 130 millions d'euros pour des bâtiments publics moins énergivores

Le gouvernement a annoncé la sélection de 1.000 projets afin de réduire rapidement la consommation d'énergies fossiles des bâtiments publics. Raccordement au réseau de chauffage urbain plutôt que chaudières gaz au palais de Chaillot à Paris, panneaux photovoltaïques sur les toits de l'université de Toulon pour l'autoconsommation, isolation des combles du bâtiment des douanes à Papeete pour moins climatiser... Avec ces projets, le gouvernement espère pouvoir économiser annuellement l'équivalent de la consommation domestique d'une ville de 50.000 habitants dès l'hiver 2023-2024.

Alors que l'exécutif a déployé à l'automne un plan de sobriété visant à réduire de 10% la consommation d'énergie de la France en deux ans, et de 40% d'ici 2050, « l'Etat se doit d'être exemplaire à la fois sur le court terme, mais également sur le long terme, pour diminuer drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre », indique le gouvernement dans un communiqué.

Cet appel à projets est le deuxième du genre, après la sélection de 800 projets au printemps 2022 pour 50 millions d'euros, permettant d'économiser annuellement la consommation d'une ville de 25.000 habitants.

Sur plus de 5.600 dossiers présentés, 1.000 ont été sélectionnés avec deux critères : la rapidité de mise en œuvre et l'efficience mesurée par le coût du kilowattheure (kWh) d'énergie économisé. Tous les territoires (métropole et Outre-mer) et secteurs d'activité publics sont concernés (police, finances publiques, préfectures, universités, musées, etc.).

« C'est un double mouvement » combinant « rénovation du bâti » et « changement des usages », explique-t-on au ministère de la Transition énergétique.« Si on rénove un bâtiment tout en mettant le chauffage à 25 degrés, l'opération n'est pas vraiment réussie », ajoute-t-on.

Ces mesures ont permis de réduire de 8% la consommation d'électricité des bâtiments publics entre octobre 2022 et janvier 2023, et d'environ 11% pour le gaz, selon la même source.

Depuis 2019, le gouvernement a investi quelque 3,9 milliards d'euros pour rénover des bâtiments publics, dont 2,7 milliards dans le cadre du plan d'investissement France Relance. Pour les bâtiments tertiaires, dont ceux de l'Etat, il entend aussi réduire la consommation d'énergie de 40% d'ici à 2030 et de 60% d'ici à 2050.

(avec AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 24/03/2023 à 19:12
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L'éradication des passoires thermiques d'ici la fin de la décennie est une profonde illusion et un rêve de technocrates qui ne se matérialisera jamais ; il est insensé de penser retirer d'un marché de l'immobilier locatif les 5 millions de logements ...

à écrit le 14/03/2023 à 16:30
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Pour un parc immobilier « zéro émission » : On est mal barrés, parce que ça n'existe pas, et ça n'existera jamais

à écrit le 14/03/2023 à 15:57
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Voilà bien une bonne nouvelle pour les promoteurs qui se lamentent sur leur pauvre sort !!!

à écrit le 14/03/2023 à 10:22
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Etant donné la non fiabilité des diagnostics, les aberrations dans les propositions de rénovation, l'incompétence de nombre d'intervenants, les mensonges sur une "rentabilité" économique, le manque de fonds par de très nombreux propriétaires (les prê...

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