Le futur paracetamol en générique donne mal à la tête aux laboratoires et aux élus

Depuis que la procédure d'inscription du paracetamol sur la liste des génériques a été lancée par l'ANSM en décembre, les grands laboratoires qui produisent ces médicaments en France, mais aussi des syndicats et des élus s'alarment des conséquences possibles de ce choix sur l'emploi.
Marina Torre
Les grands laboratoires se partagent la majorité des ventes d'antalgiques à base de paracetamol en France.

Des manifestations, un directeur de Sanofi qui propose de dérembourser le paracetamol... et des centaines de suppressions d'emplois brandies comme un couperet. Face à un serpent de mer, l'inscription du paracetamol au répertoire des médicaments génériques, c'est l'effervescence. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a suscité un regain de fièvre depuis fin décembre, en lançant la procédure visant à créer un groupe "paracetamol" dans ce registre.

 

Ce que change une inscription

 

Une telle inscription cela signifierait que les pharmaciens pourront substituer le produit d'une marque connue par un générique. En cas de refus, les clients devront avancer les frais et attendre plus longtemps pour être remboursés.

 

Pour mémoire,  les prix des médicaments pouvant être vendus en automédication mais remboursés par la sécurité sociale lorsqu'ils sont prescrits sur ordonnance sont fixés par l'administration. Toutefois, pour la vente en automédication, ce sont des prix maximum et rien n'interdit au pharmacien de les vendre moins chers. Pour se faire une idée, une boîte de Doliprane 500 ou 1000 mg coûte 1,95 euros tandis que le prix moyen pour un antalgique équivalent de marque générique est de 1,90 euros.

 

Le lobbying des labos

 

Bien sûr, une telle perspective ne fait pas les affaires de deux grands laboratoires pharmaceutiques qui dominent ce marché dans l'Hexagone : Sanofi (Doliprane) et l'américain Bristol-Myers Squibb (Efferalgan et Daffalgan). En tout, en 2012, quelque 492 millions de boîtes de l'antalgique ont été vendus en France, dont 180 millions d'Efferalgan et Dafalgan.

 

Leur production est réalisée dans l'usine UPSA d'Agen, dans le Lot-et-Garonne, qui emploie 1.400 personnes. Celle du Doliprane est notamment réalisée à Lisieux (Basse-Normandie). Les dirigeants des deux entreprises martèlent depuis plusieurs semaines que l'inscription du paracétamol au répertoire des génériques risquait de coûter des centaines d'emplois. A Agen, ce sont 550 postes que BMS menace de supprimer le cas échéant dans son usine qui produit en tout plus de 400 millions de boîtes de médicaments chaque année, dont 160 millions sont destinés à l'exportation.

 

Leur argument principal ? Une telle mise en concurrence les forcerait à délocaliser une partie de leur production pour rester compétitifs. Chris Viehbacher, directeur général de Sanofi au micro de France 3 Basse-Normandie le 13 novembre a ainsi fait valoir :

 

"Notre filiale de génériques Zentiva peut importer notre paracétamol de l'Inde et (...) on peut faire face à la concurrence des génériques. Mais je ne crois pas que la politique du médicament doit être de promouvoir l'emploi en Inde."

 

 Des élus qui montent au créneau

 

Des élus locaux soutiennent activement ce lobbying intense relancé par les grands laboratoires. Plusieurs ont ainsi adressé un courrier au Premier ministre ainsi qu'à la ministre de la Santé Marisol Touraine et à celui du Redressement productif, Arnaud Montebourg.

 

 C'est le cas par exemple du président du conseil général et sénateur (PS) du Lot-et-Garonne, Pierre Camani qui s'est associée à la députée socialiste Lucette Lousteau pour défendre les 3.600 emplois indirects générés par l'activité du premier employeur industriel de leur département.

 

Interrogé par la Tribune, le sénateur indique n'avoir pas encore eu de réponse à cette lettre envoyée le 7 janvier dernier.

 

Tout en se disant prêt à "mettre le feu en Lot et Garonne" si la décision du gouvernement n'est pas "celle qu'[il] escompte", l'élu se dit" très optimiste (... ) parce que l'obligation de faire des économies pour la sécurité sociale est satisfaite par les laboratoires qui ont accepté de renégocier les prix pour 2015".

 

Après négociation avec le Comité économique des produits de santé, au 1er janvier 2015, les produits de BMS et Sanofi devraient s'aligner sur ceux de leurs concurrents. La différence avec le générique doit ainsi, de fait, être estompée.

 

En cas d'inscription, Le sénateur fustige une "distorsion de la concurrence" de la part des "génériqueurs" qui sont de toutes façons "déjà sur le marché". Ils ne se partagent toutefois qu'une toute petite partie du marché.

 

Pourquoi inscrire le paracetamol sur la fameuse liste ?

 

Pourtant, c'est l'Autorité de la concurrence elle-même qui, en juillet 2013, a appelé L'ANSM a procéder à cette inscription. Dans un rapport, elle indiquait que rien ne justifiait la non inscription dans la mesure où la molécule utilisée est dans le domaine public depuis longtemps. L'Autorité indique en outre :

 

"Le paracétamol est substitué légalement partout en Europe, à l'exception de la France. Ceci n'est pas anodin, étant donné que le Doliprane® (spécialité de paracétamol fabriquée par Sanofi-Aventis), était le cinquième médicament le plus remboursé en France en 2012, avec un montant total de remboursement de 276 millions d'euros."

 

Surtout, l'institution arguait :

 

 "il n'est pas exclu que [l']absence de substitution maintienne la notoriété des marques  et que les consommateurs, dans le cadre de l'automédication, recourent de façon systématique  à ces marques (Doliprane®, Efferalgan®, etc.) et paient aussi un surcoût pour l'administration d'antalgiques."

 

Une inquiétude partagée par certaines mutuelles. En juin, dans son memento annuel, la Mutualité Française chiffrait ce surcoût à 41 millions d'euros par an.

 

Dossier en attente

 

Pour autant, les grands laboratoires risquent-il vraiment de pâtir d'un déficit de notoriété ? Il est permis d'en douter, dans la mesure où une part des ventes de ces antalgiques est effectuée sans prescription médicale. Les ventes avec ordonnances ne représenterait que 190 millions de boîtes en 2012.

 

En attendant, ils ont remis leur copie à l'ANSM le 6 février qui l'étudie actuellement. Du côté de l'organisme, "la procédure est en cours" indique-t-on sans préciser de date officielle pour la remise de cette décision très attendue. Le 14 février, une manifestation était prévue à Agen, finalement reportée, notamment sur la base de rumeurs concernant une possible décision "imminente au niveau gouvernementale".

Marina Torre

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Commentaires 24
à écrit le 01/03/2014 à 15:48
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Archifaux le générique n'est pas le princeps pour deux raisons : 1- les excipients ne sont pas les mêmes 2- le contrôle est différent cf le génériqueur qui a été condamné à une mega amende de 500 millions de dollars aux USA par la FDA pour avoir ve...

à écrit le 28/02/2014 à 16:54
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Apparemment l'auteur éprouve quelques difficultés avec la construction du verbe "substituer"

à écrit le 18/02/2014 à 21:53
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Il faut arrêter de délirer. Un générique est identique à un non générique, c'est la même molécule. Si des patients sentent des différences, qu'ils lisent la définition de l'effet placebo et qu'ils se posent des questions sur leur pathologie. C'est no...

le 24/02/2014 à 8:48
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Seuls les génériques dit "de source" sont strictement identiques au médicament "princeps" , et dans le cadre d'une médicament générique les excipients peuvent avoir un effet "notoire" non négligeable dans certains cas. il faut étudier le dossier avan...

à écrit le 18/02/2014 à 18:50
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Si les générique étaient aussi identique que ce qu'ils prétendent, on aurait aucune difficulté de passer du générique au non générique et inversement. Pourtant pour ceux qui ont un gros effet sur notre corps, on a un temps d'adaptation. Les générique...

à écrit le 18/02/2014 à 15:30
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Difficile de faire réaliser des économies à la collectivité, car les intérêts particuliers prévalent sur l'intérêt collectif. C'est notre pays ...Les français préfèrent payer cher, puis gueuler que c'est trop cher en cotisations sociales et fiscales ...

à écrit le 18/02/2014 à 11:52
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Le paracetamol et l ibuprofen sont en vente libre dans les supermarches depuis des decenies sans avoir cause aucun probleme de sante publique. Prix pour une boite de 50 comprimes de 500mg : 90 centimes. De toute maniere il n existe plus aucun laborat...

le 18/02/2014 à 12:39
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desole, j ai oublie de preciser que je parlais des pays bas... c'est aussi le cas au UK, GE et la majorite des pays nordiques.

le 18/02/2014 à 21:14
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C'est faux il y a bcp plus de suicides au paracetamol en UK depuis l'autorisation de vente en grande surface !!!! Les pharmaciens ne sont pas la juste pour donner des boîtes mais aussi pour éviter les problèmes !!!

le 03/03/2014 à 15:35
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Bonjour, Le paracetamol n'est pas un médicament anodin . Une étude aux royaumes Unis en 2011: 663 cas pour lésions hépatiques graves provoqués par du paracetamol 1/4 avait juste dépassé les doses max prescrites. En France au CHU de Montpellier ...

à écrit le 18/02/2014 à 9:19
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Pauvres labo martyrs, j'en pleure encore. Et le chantage à l'emploi contre des économies d'état, minable

le 03/03/2014 à 15:28
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Bonjour Kwel, Ce n'est pas le labo qui pleure. Ce sont les employés, les élus locaux pour l'emploi et les effets collatéraux sur l'emploi... Le Labo détenu par des fonds financiers s'en balance, il ira fabriquer les produits ailleurs, ça peut même ...

à écrit le 18/02/2014 à 7:23
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parmi les économies à réaliser, le prix des médicaments est 25 % plus cher en moyenne qu'en Allemagne. Ainsi le remboursement, comme tout crédit d’impôt ou réduction d’impôt, permet aux laboratoires pharmaceutiques d’augmenter leur prix avec l'aval d...

le 18/02/2014 à 22:07
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C'est faux, les médicaments en France sont parmis les moins chers de l'UE, c'est la raison pour laquelle les labos en vendent à l'étranger car c'est plus rentable pour eux, et du coup cela provoque des ruptures de stock en France...

à écrit le 18/02/2014 à 3:25
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Il faut simplement obliger les médecins a prescrire une molécule et passer à l'assurance médicale privée. Mais c'est plus facile a dire qu'a faire, surtout en France. Vivement l'explosion de la prochaine bulle, que l'on tombe encore d'un cran. Les ...

le 18/02/2014 à 10:09
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Je résume votre propos : les industriels qui font tout pour que le libéralisme n'existe pas (marché a concurrence juste) se font du beurre sur notre dos. Vous vous plaignez finalement, que les politiques sont incapable de réguler ce marché et de mett...

le 03/03/2014 à 15:45
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Bonjour, On se bat pour une différence de 5cts et donc du remboursement à 65% de ces 5cts. On met en danger 1500 personnes à Agen et un nombre certain pour l'autre labo qui produit du comprimés dans le nord. Avec toute l'économie collatérale qu'...

à écrit le 17/02/2014 à 22:23
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Le paracetamol générique coûte environ 1 penny le comprimé en GB, soit 15 fois moins que le doliprane!

le 03/03/2014 à 15:46
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Bonjour, En France c'est seulement 5cts

à écrit le 17/02/2014 à 21:58
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Un calcul cynique d'après les chiffres de l'article : Surcout du fonctionnement actuel 41 millions d'euros par an. Nombre d'emplois menacés par une mise en générique 1400 + 550 soit 1950 emplois, ainsi chaque emploi est subventionné à hauteur de 2100...

le 18/02/2014 à 10:35
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Sauf qu'il manque dans votre calcul les 160 millions d'export que l'on transformera en imports.... Mais c'est vrai que l'on doit penser ici que l'on exporte trop ...

à écrit le 17/02/2014 à 21:16
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La substance active vient d'Inde ou autre, donc seul la mise en "pilules"(gélules) se fait en France, mais il parait que c'est très technique (difficile de dire l'inverse). Il y a quelques années, j'ai acheté du paracétamol générique (DLUO 12/2011)....

le 17/02/2014 à 22:17
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Il me semble avoir lu que le paracétamol est vendu 2x plus cher en FR que dans les pays nordiques. C'est une véritable vache à lait au dépend de la sécu et des malades. Sanofi et son concurrent doivent rapatrier toute la production (y compris la subs...

le 03/03/2014 à 15:52
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Bonjour, Vache à lait.... Au dépend de la sécu... Il y a 5cts de différence entre le princeps et le générique ( pour l'instant l'équivalent thérapeutique). On ferait mieux de revoir le prix au lieu de se battre sur la mise en danger de plus de ...

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