« Si on ne fait rien, ce pays qui est une poudrière finira par exploser. » La sentence est signée Stéphane Beaudet, maire (Divers droite) d'Evry-Courcouronnes et président de l'association des maires d'Île-de-France (AMIF). Pris à la gorge par l'explosion des prix de l'électricité, du fioul et du gaz, l'édile vient d'envoyer un amendement et une lettre aux parlementaires, cosignés par 500 maires franciliens sur 1.400. Ils demandent « à élargir à l'ensemble des collectivités locales les tarifs réglementés de l'énergie pour qu'elles puissent toutes bénéficier du bouclier tarifaire ». Actuellement, seules les petites collectivités de moins de 10 employés et 2 millions d'euros de recettes sont éligibles aux tarifs réglementés de l'électricité, pointe-t-il en référence à la loi de finances 2023.
Dès l'été 2022, un « filet de sécurité » dans le budget rectificatif
Depuis l'adoption avant l'été du budget rectificatif 2022, près de 22.000 communes dont le taux d'épargne brute a été inférieur à 22% en 2021, et celles dont le même taux a chuté de plus de 25% en 2022, sont pourtant censées bénéficier d'un « filet de sécurité » de 430 millions d'euros, pour compenser 70% de leurs dépenses énergétiques et alimentaires.
Or, « très peu de collectivités territoriales sont éligibles à ce bouclier qui couvre partiellement 2022. Les hausses les plus fortes auront lieu en 2023 », rétorque Romain Colas, maire (PS) de Boussy-Saint-Antoine (Essonne), référent Finances et fiscalité à l'AMIF et vice-président de l'association des petites villes de France (APVF).
Un amendement dans la loi de finances 2023
Là encore, dans le cadre du budget 2023, le président (Renaissance) de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à l'Assemblée a, lui, déposé un amendement, adopté en commission des Finances, visant à compenser 50% de la hausse des dépenses énergétiques pour les communes et intercommunalités. Seront éligibles celles dont le taux d'épargne brute sera inférieur ou égal à 20% en 2022 et celles dont le même taux aura chuté de plus de 25% en 2023.
Mais Jean-Pierre Dugoin-Clément, maire (UDI) de Mennecy (Essonne) et premier vice-président de l'association des maires d'Île-de-France (AMIF), n'y croit pas. « Du bullshit (sic) complet ! Il n'y a plus de marges dans le bloc communal. Nous avons trois options : augmenter la taxe foncière, réduire les services publics et faire des économies » s'agace-t-il.
Vers une réduction des services publics ?
Depuis la suppression de la taxe d'habitation et la fin programmée de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), la taxe foncière, dont s'acquittent seulement les propriétaires de bien immobiliers, représente 20% des recettes communales. « Les 80% restants, on ne les maîtrise pas. L'Etat nous prive de ressources pour dire ensuite aux gens : "Regardez, ce sont eux qui augmentent les impôts" », lâche Florence Lecoufle, maire (LR) de Limeil-Brévannes et présidente de l'association des maires du Val-de-Marne.
En matière de réduction des services publics, le président de l'AMIF, Stéphane Beaudet, a fait ses calculs à l'échelle de l'agglomération Grand Paris Sud (23 communes, 350.000 habitants). Sur les 60.000 points lumineux, seuls 18.000 ont été renouvelés en LED, mais sur ces derniers, uniquement 9 à 10.000 sont réglables. Autrement dit, « les plans de sobriété, c'est aussi de l'accompagnement en investissement », souligne le maire (Divers droite) d'Evry-Courcouronnes.
La difficulté de faire des économies
Faire des économies est tout aussi difficile. Egalement vice-président (PS) chargé du Développement durable et des Finances de l'agglomération du Val d'Yerres, Romain Colas affirme que les 3 millions d'euros de taxe foncière ne vont servir qu'à payer les notes d'électricité et gaz. Idem dans sa commune de Boussy-Saint-Antoine où les 5% d'excédent - 400.000 euros - vont être fléchés vers les 360.000 euros de facture de gaz.
« Toutes nos capacités à investir sont bouffées (sic) par le gaz mais les pouvoirs publics feignent d'ignorer la situation », tonne l'élu local.
Un quadruple « cri d'alarme » des édiles qui espèrent être entendus par le gouvernement. Le cas échéant, « des communes exsangues n'investiront plus » (Jean-Philippe Dugoin-Clément), « à court-terme, on se demande où on va couper le chauffage » (Florence Lecoufle), « la perte d'autonomie financière et fiscale va s'accentuer » (Stéphane Beaudet) et « ça éviterait de foutre en l'air (sic) nos ratios » (Romain Colas). Une demande formulée par toutes les associations d'élus depuis déjà l'après-présidentielle.
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