
Le groupe EDF a annoncé, ce jeudi 30 mars, la création d'une nouvelle filiale nommée Nuward, qui s'occupera de développer et d'exporter le petit réacteur nucléaire modulaire éponyme, dont la mise en service est prévue en 2035. EDF travaille depuis plus d'un an sur un avant-projet de petit réacteur destiné à être produit en série.
La création de cette filiale correspond à une nouvelle étape majeure du projet : le passage au « basic design » :
« L'étape précédente, la phase d'avant-projet sommaire, consistait à affirmer les options d'architecture. Le "basic design", lui, vise à dessiner beaucoup plus précisément la centrale. Nous entrons dans la conception industrielle. Il s'agit, par exemple, de décrire très précisément les équipements, le système de refroidissement, les pompes, etc., et la manière dont ils permettent d'atteindre nos objectifs de production et de sûreté. Nous entrons aussi dans un dialogue beaucoup plus riche avec les fabricants », expliquait le 15 mars dernier à La Tribune Renaud Crassous, directeur de projet SMR (pour Small Modular Reactors) chez EDF.
Le financement de cette étape décisive s'appuiera sur les 500 millions d'euros fléchés dans le cadre du plan d'investissement France 2030.
Nuward a vocation à remplacer les anciennes centrales au charbon, au fioul et au gaz exploitées actuellement dans le monde, qui sont fortement émettrices de CO2. Le SMR qui doit être créé par cette filiale permettra également d'envisager d'autres usages tels que la production d'hydrogène, le chauffage urbain, la chaleur industrielle ou le dessalement.
Nuward a pour ambition de devenir leader européen des SMR
Détenue à 100% par EDF, la nouvelle filiale, qui veut « devenir le leader européen en matière de SMR », prévoit de recruter 150 salariés d'ici 2024. Le premier béton est attendu pour 2030 afin d'avoir une première tête de série opérationnelle cinq ans plus tard. Et ce, « dans le respect du processus d'attribution de licences nucléaires en vigueur en France, le dossier d'options de sûreté (DOS) sera soumis à l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) en juillet 2023 », précise EDF.
Basé sur une technologie à eau pressurisée (comme les actuels réacteurs français et les futurs EPR), le futur SMR ne fera ainsi que 170 mégawatts (MW) de puissance, soit environ un neuvième de celle d'un EPR. Les réacteurs seront utilisés systématiquement par paire pour former une mini centrale de 340 MW. L'emplacement de la centrale de référence n'étant pas encore choisi, Nuward participera à l'évaluation et à la sélection des sites potentiels.
Au total, plus de 600 ingénieurs et experts devraient contribuer au développement du nouveau SMR, y compris au sein du groupe EDF et chez ses partenaires, comme le CEA, TechnicAtome, Naval Group mais aussi Framatome et Tractebel.
Selon Xavier Ursat, directeur exécutif du Groupe EDF chargé de la direction Ingénierie et Projets Nouveau Nucléaire cité dans le communiqué, « Nuward a été créée pour servir notre ambition de développer rapidement cette technologie » et « sera en mesure de développer un produit prêt à temps pour son lancement sur le marché ».
En France, le gouvernement pousse le développement de ces petits réacteurs en parallèle de la construction de six réacteurs de type EPR2, d'une puissance de 1.600 MW dans le cadre de la relance de l'atome civil.
La Chine et les Etats-Unis en avance sur les SMR
Si EDF met les bouchées doubles et annonce aujourd'hui la création de sa filiale, c'est bien pour rester dans la course face aux autres projets à l'international. Quelque 70 à 80 projets de réacteurs SMR et AMR (Advanced Modular Reactor) coexistent déjà, notamment aux Etats-Unis, au Canada et en Russie.
Fin 2021, la Chine est parvenue à connecter au réseau le démonstrateur d'une mini-centrale de 210 MW, composée de deux réacteurs de quatrième génération. Une première mondiale. De son côté, l'américain Nuscale a aussi une longueur d'avance sur le projet tricolore. Le 21 février dernier, le design de son réacteur de 50 MW a été approuvé formellement par le gendarme nucléaire américain tandis que l'entreprise mène déjà des discussions avec la Pologne et la Roumanie.
De son côté, EDF prévoit de soumettre son dossier d'option de sûreté en juillet. Il faut ensuite compter entre 12 à 18 mois d'instruction, puis encore plusieurs mois d'échanges pour ajuster le design aux remarques du gendarme du nucléaire. La course est donc loin d'être gagnée pour l'énergéticien français.
En parallèle, plusieurs startups sont nées ou se sont installées dans l'Hexagone pour développer des petits réacteurs afin de décarboner certains process industriels. C'est le cas notamment des françaises Jimmy, Naarea, mais aussi de la startup Neext, qui s'est associée à l'américain Westinghouse, tout comme les deux jeunes pousses issues du CEA Hexana et Stellaria.
(avec AFP)
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