Energies décarbonées : Pékin à l'offensive dans le monde entier

Naguère usine de composants solaires à bas coûts inondant les marchés occidentaux, la Chine est devenue ces dernières années le premier marché et le plus gros investisseur domestique dans les énergies vertes. Les acteurs du secteur acquièrent et développent aujourd’hui des actifs dans le monde entier.
Dominique Pialot
Les acteurs chinois acquièrent ou développent des actifs dans le monde entier

Comme souvent avec la Chine, les chiffres du nouveau plan quinquennal chinois pour les renouvelables publié jeudi 5 janvier impressionnent : 361 milliards de dollars (344 milliards d'euros) d'investissements dans les énergies non fossiles (nucléaire inclus) prévus d'ici à 2020, assortis de la création de 13 millions d'emplois. Cette publication fait suite à l'annonce d'une diminution des capacités de production de charbon et mentionne en parallèle la part plus faible (58% en 2020 contre 64% en 2015) dévolue à cette source d'énergie responsable des épisodes de pollution aux particules fines, ces fameux "airpocalypse" qui ont marqué le début de l'année 2017.

Premier consommateur de charbon au monde, la Chine est également le pays le plus ambitieux en matière de décarbonation de son économie : -54% en 2030 par rapport à 2010, à comparer avec -48% pour l'Union européenne et -43% (à ce jour) pour les Etats-Unis.

Investissements domestiques 2,5 fois supérieurs à ceux des Etats-Unis

Cela fait quelques années déjà que la Chine est le premier investisseur domestique, ce qui lui a permis de devenir le plus gros marché au monde pour les renouvelables. Selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et Bloomberg New Energy Finance, la Chine a investit 103 milliards de dollars sur son propre marché des énergies vertes en 2015, un montant en hausse de 17% par rapport à 2014, à comparer avec les 44 milliards investis dans le même temps par les Etats-Unis sur leur propre sol. Même suprématie en termes d'emplois créés : 3,5 millions des 8,1 millions de jobs liés aux énergies renouvelables sont concentrés en Chine, contre 769.000 aux Etats-Unis.

Ces investissements doivent permettre au premier émetteur de gaz à effet de serre au monde de porter ses capacités éoliennes installées à 210 gigawatts (GW) contre 29 GW en 2015, et 110 GW de solaire, contre 43 GW en 2015.

Cependant, au regard des coûts des renouvelables en forte baisse, certains observateurs estiment que Pékin pourrait se montrer plus ambitieux encore. En dépit des ses investissements colossaux, les énergies non fossiles ne représenteront encore que 15% du mix énergétique en 2020 (contre 12% aujourd'hui), tandis que le charbon taquinera toujours les 60%.

32 milliards d'investissements tous azimuts à l'étranger

Plus nouveau que la démesure des chiffres en termes d'investissements comme de capacités nouvelles installées, que le pays dépasse d'ailleurs régulièrement et pour lesquelles les objectifs sont régulièrement révisés à la hausse, un autre phénomène émerge : les investissements consentis par les acteurs chinois à l'étranger. De 20 milliards de dollars en 2015, ils ont crû de 60% en 2016 pour atteindre 32 milliards, selon le rapport « China's global renewables expansion » publié vendredi 6 janvier par l'Institute for energy economics and financial analysis (IEEFA).

Onze opérations d'un montant supérieur à un milliard de dollars ont ainsi été conclues dans le monde entier. Réalisés par des entreprises telles que Three Gorges Corp (CGT) et ZHEFU dans l'hydraulique, Tainqi Lithium dans les batteries, State Grid Corp of China dans les réseaux électriques ou encore JA Solar et China National Building Materials dans le solaire, ces investissements sont multiples : barrages au Brésil et en Indonésie, réseaux de distribution au Brésil, production de lithium au Chili, établissement d'usines de production de piles solaires au Vietnam et de modules photovoltaïques en Allemagne...

Bientôt présents sur le marché américain ?

CGT possède, depuis 2011, 21% du portugais Energias de Portugal, un des principaux investisseurs éoliens au monde. C'est d'ailleurs grâce à sa filiale de Houston, qui détient plusieurs parcs aux Etats-Unis, que CGT pourrait pénétrer un marché américain jusqu'ici fermé aux investisseurs chinois. Globalement, ces cinq dernières années, selon la plateforme internationale Dealogic, les acteurs chinois ont déboursé plus de 30 milliards pour racheter ou prendre des parts dans des producteurs d'énergie verte notamment brésiliens, allemands et néo-zélandais.

Un leadership économique mais aussi politique

Les perspectives liées à l'arrivée de Trump à la Maison blanche ne devraient pas permettre aux Etats-Unis de rattrapper leur grand rival économique. Et ce, d'autant moins que la Chine a récemment renforcé les moyens dédiés à son développement à l'étranger, à ajoutant les capacités financières des banques Asia Infrastructure & Investment Bank et New Development Bank à celles déjà bien établies de la China Import Export Bank et de la China Development Bank.

Ces performances économiques tombent à pic à un moment où la Chine, déjà fort active sur le front de la diplomatie climatique depuis la COP21, pourrait bien en assumer seule le leadership si le président Donald Trump confirme les positions climato-sceptiques du candidat. C'est d'ailleurs pour cette raison que les diplomates misent sur une alliance entre l'Europe et l'Empire du Milieu pour garantir l'avenir de l'Accord de Paris. Si le changement climatique est une "invention des Chinois" selon Trump, d'autres y croient, suffisamment nombreux pour alimenter les marchés qui attirent ses champions.

Dominique Pialot

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Commentaire 1
à écrit le 09/01/2017 à 9:35
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Super de voir la Chine investir dans le soft power, elle a tout à gagner en se mettant en avant sur ces sujets ou sur la conquête spatiale plutôt que de jouer à Risk dans la Mer de Chine de mon point de vue. Si par la même occasion, ça pouvait booste...

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