Eolien et solaire : l’Etat s'apprête à soutenir le secteur face à l’inflation des coûts

EXCLUSIF. Alors que les coûts d’investissement explosent pour les nouveaux parcs éoliens et solaires, notamment à cause de l'augmentation des prix des matériaux, le gouvernement planche sur une réforme des mécanismes de soutien à la filière afin de compenser ces hausses. L'idée serait d'indexer le tarif de vente de l’électricité fournie par ces infrastructures, aujourd’hui défini avant leur construction lors des appels d'offre, sur l’inflation constatée après l'offre initiale. Selon nos informations, cette réforme est imminente, puisqu'elle devrait avoir lieu à la fin de cette année ou au début de la prochaine.
Marine Godelier
(Crédits : Reuters)

C'est un paradoxe troublant : alors même que la France manque cruellement d'électricité, au point qu'elle s'appuie massivement sur les centrales à charbon allemandes pour répondre à la demande, les énergies renouvelables ne semblent plus avoir la cote. A priori pourtant, tout devrait pousser à leur déploiement rapide, entre explosion des prix des hydrocarbures, volonté d'indépendance, électrification des usages et, surtout, contexte d'urgence climatique. Mais en réalité, les derniers appels d'offre lancés par l'Etat ont sonné comme un échec cuisant : en septembre, ceux pour le solaire sur bâtiment et l'éolien terrestre ont recueilli moins de 40% de candidatures, avec 492 mégawatts (MW) de projets déposés par des opérateurs intéressés... contre plus de 1.300 MW appelés.

« C'est assez inédit. Habituellement, les appels d'offres sont souscrits à 90-95% ! », s'alarme un acteur du secteur.

Et pour cause, après plus d'une décennie de baisse continue des coûts de l'éolien et du solaire, l'équation économique s'est inversée. Car l'inflation touche désormais tous les postes de dépense : ces derniers mois, la hausse des prix de l'acier (utilisé pour les tours et les pales des éoliennes) et d'autres matériaux critiques, comme le cuivre ou le silicium, ont fait grimper en flèche le coût des infrastructures. Sans compter les bouleversements liés à la chaîne logistique, parmi lesquels le manque de porte-conteneurs, avec des goulots d'étranglement encore accentués par l'explosion de la demande mondiale liée à la guerre en Ukraine et à la course vers les alternatives « propres » au charbon, pétrole et gaz.

« On observe que les coûts d'investissement des parcs ont augmenté de 25% en moyenne. A cela s'ajoute l'augmentation des taux d'intérêt », souligne-t-on au Syndicat des énergies renouvelables (SER).

De quoi générer de fortes incertitudes sur les dépenses réelles à engager, et par là-même sur le prix auquel les électrons produits par le futur parc devront être vendus.

Indexer le prix de vente à l'inflation

Afin d'y remédier, le ministère travaille sur un nouveau mécanisme, demandé de longue date par le secteur des énergies renouvelables : l'évolution du « facteur K ». Derrière ce nom technique, il s'agirait d'indexer le prix de vente des électrons, prédéfini lors des appels d'offre, sur l'évolution des coûts des matières premières, et ce pendant toute la durée de vie du parc.

Autrement dit, un énergéticien qui aurait remporté un projet de ferme solaire au tarif de 65 euros/mégawattheure (MWh), par exemple, pourrait voir ce tarif évoluer, de manière à refléter l'évolution constatée de ses coûts d'investissement, à la hausse comme à la baisse. Selon nos informations, cette réforme serait d'ailleurs imminente, et interviendrait dès les prochains appels d'offre, à la fin de cette année ou au début de la prochaine.

« Entre le moment où un énergéticien est retenu comme lauréat d'un appel d'offre pour un projet, et la mise en service de ce projet, cela viendra expliquer quelle formule mettre en place afin de s'assurer que l'augmentation des prix acier soit répercutée au moins en partie », précise-t-on à l'association France Energie Eolienne.

Lire aussiLa patronne d'Engie, Catherine MacGregor, monte au front pour défendre l'éolien terrestre

Des projets qui n'arrivent plus à se financer

Si la filière réclamait un tel mécanisme, c'est parce ce que le tarif de vente se trouve aujourd'hui défini en amont de la construction du parc, lors de l'appel d'offre organisé par l'Etat - c'est d'ailleurs le critère le plus important pour déterminer quel candidat l'emportera. Or, entre le dépôt du dossier et la construction, plusieurs années peuvent s'écouler. L'inflation risque donc de s'aggraver, tandis que le prix du MWh, lui, ne bouge pas.

« Les énergéticiens ont peur de ne plus réussir à rééquilibrer économiquement le projet », explique à La Tribune l'ancien président du SER, Jean-Louis Bal.

Par conséquent, la plupart d'entre eux préfèrent temporiser. Pire : certains lauréats choisissent finalement de ne pas construire les infrastructures pour lesquelles l'Etat les a retenus, de manière à ne pas perdre d'argent. « Parfois, la hausse des CAPEX ne les rendent plus viables, là où ils l'étaient auparavant dans nos calculs financiers. [...] Nos projets disparaissent moins qu'ils ne se décalent dans le temps », glisse un dirigeant d'un grand groupe français. « On se retrouve avec des projets bouclés en termes d'études d'impact et de market design, mais qui n'arrivent plus à se financer », ajoute une partie prenante.

Restitution du trop-perçu

Pourtant, la crise de l'énergie devrait, en toute logique, compenser ces hausses. En effet, le MWh s'échange aujourd'hui à plus de 100 euros sur les marchés ; un opérateur éolien ou solaire ayant souscrit à 65 euros le MWh devrait donc s'y retrouver, avec une marge de 35 euros en prime.

La réalité est tout autre : en France, ces derniers ne peuvent dégager aucune rente lorsque les cours s'emballent. En effet, le système de contrat avec l'Etat prévoit une compensation financière lorsque les prix sur le marché sont inférieurs au prix fixé lors des appels d'offres (les fameux 65 euros/MWh), mais aussi, en retour, un versement de l'excédent à la puissance publique quand ces prix lui sont supérieurs. C'est d'ailleurs pour cela que la filière éolienne française a dû remettre à l'Etat l'intégralité des 1,8 milliard d'euros de subventions qu'elle avait perçues en 2021, et que les énergies renouvelables devraient générer pas moins de 8 milliards d'euros de recettes cette année.

Avant l'été, le gouvernement avait cependant décidé d'une dérogation à cette règle pour les projets déjà sélectionnés, mais non construits avant l'inflation des matériaux. Concrètement, les opérateurs devaient pouvoir vendre pendant 18 mois leur électricité au prix du marché, donc sans recettes pour l'Etat, afin de les remettre à l'équilibre financier. Mais depuis, une nouvelle incertitude s'est ajoutée : l'Union européenne propose désormais de prélever les profits de tous les énergéticiens, notamment renouvelables, afin de lever des fonds pour lutter contre la crise qui secoue le Vieux continent.

Avec la réforme à venir du facteur K, l'Etat espère donc redonner de la visibilité à la filière, et impulser une nouvelle dynamique. Reste à savoir quelle formule d'indexation sera retenue, et si le plafond de prix aujourd'hui inscrit dans le cadre des appels d'offre pourra être dépassé.

Lire aussiEolien : les coûts de construction explosent, le modèle européen ne tient plus face à la concurrence chinoise

Marine Godelier

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Commentaires 17
à écrit le 01/11/2022 à 11:56
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C'est pas le secteur qu'il faut soutenir mais offrir les panneaux a tout particulier qui peut être équipé et le veuille bien et surtout sans les limite des 3kw/h comme actuellement...

à écrit le 31/10/2022 à 10:12
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Quelle inflation des coûts ? On peut lire un peu partout que les constructeurs européens d'éoliennes : Vestas, Siemens Gameça etc... n'arrivent plus à gagner d'argent à cause des Chinois qui cassent les prix.

à écrit le 31/10/2022 à 8:57
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La seule politique actuellement en vigueur est celle de l'aide et du coup de pouce financier.. Avec quelque 3000 milliards de dettes publiques on va où?

à écrit le 31/10/2022 à 7:26
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A soutenir tout le monde on n'entend pas souvent parler de la DETTE que ce personnage va laisser aux générations futures !

à écrit le 31/10/2022 à 7:25
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A soutenir tout le monde on n'entend pas souvent parler de la DETTE que ce personnage va laisser aux générations futures !

à écrit le 29/10/2022 à 14:07
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L'ultralibéral Macron ne veut pas relancer le nucléaire car il veut dissoudre EDF par haine des entreprises publiques et parce qu'il veut choyer son copain a,=ntirationaliste Mélenchon.

à écrit le 29/10/2022 à 12:47
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Et toujours rien sur les énergies renouvelables non intermittentes comme le houlomoteur. Continuons donc à financer des solutions produites à l'étranger au lieu de soutenir l'industrie et les inventions nationales brevetées. Tant mieux pour les inter...

le 29/10/2022 à 17:09
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Le houlomoteur ? C'est une invention de Gaston Lagaffe ? Les nouveaux moyens de production c'est en GigaWatts qu'ils doivent produire, sinon c'est du bricolage !

à écrit le 29/10/2022 à 10:09
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'C'est un paradoxe troublant : alors même que la France manque cruellement d'électricité, au point qu'elle s'appuie massivement sur les centrales à charbon allemandes pour répondre à la demande, les énergies renouvelables ne semblent plus avoir la co...

le 29/10/2022 à 12:29
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Face à la question de l'intermittance , le cout de l'accumulation d'électricité baisse constamment et il y a aussi bcp de marge du coté de la flexibilté de la démande pour s'adapter à l'offre. Le temps ne joue pas en faveur du nucléaire de type 3ème ...

le 29/10/2022 à 17:11
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" le cout de l'accumulation d'électricité baisse constamment"... Super ! on est contents ! mais combien de TWh on est capable de stocker ?

le 29/10/2022 à 23:41
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La question du stockage se posait une fois par an avant que les centrales nucléaires ne tirent leur révérence, c'est à dire jamais. La production renouvelable en France est beaucoup trop faible pour qu'on ait besoin de stocker. En cas de tempête sur ...

à écrit le 29/10/2022 à 10:07
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Bcp de chéque en blanc ou a crédit, Macron est le plus emprunteur que la France est connue, ds 4 ans il sera parti et nous nous paierons toutes ses folies.

à écrit le 28/10/2022 à 23:49
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Il y a longtemps que je pense installer des panneaux solaires. J'ai la place (beaucoup et bien exposé) ET les compétences nécessaires pour réaliser les travaux. Ce que je ne veux pas, c'est faire intervenir un "installateur" qui va me vendre des "aid...

le 29/10/2022 à 9:31
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C’est la question du raccordement au réseau (commun) qui doit être encadrée (le consuel) et donc la nécessité de faire contrôler votre installation pour éviter les bugs, d’où la nécessité de passer par des professionnels habilités.. C’est lourd comme...

à écrit le 28/10/2022 à 20:20
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impressionnant! l'etat de gauche ultra tolerant vote des impots sur les superprofits degages par l'eolien a cause de s consequences des actes qu'il a pris volontairement pour la guerre en ukraine, puis, sentant le vent tourner et les gens comprenant ...

à écrit le 28/10/2022 à 19:46
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Qu'ils financent les panneaux avec installations à 100% et qu'ils retirent les impôts sur les installations à plus de 3kva et le pb diminuera vite avec beaucoup de maison équipé. Comme ils avaient fait pour mesampoulesgratuites

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