C'est un texte aussi important que le budget 2023 qui sera également présenté ce lundi 26 en Conseil des ministres : le projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique, biocarburants, biogaz, géothermie). Porté par Agnès Pannier-Runacher, il vise à répondre à l'urgence énergétique des hivers 2022-2023 et 2023-2024 et, à plus long-terme, à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Et ce, en produisant ou en stockant de l'électricité, du gaz ou de l'hydrogène à partir de sources renouvelables, en fabricant ou en assemblant des dispositifs ad hoc ou encore en réalisant des travaux sur les réseaux publics de transport ou de distribution d'énergie bas-carbone.
Mais avant même le grand oral de la ministre de la Transition énergétique à l'Elysée, la genèse du texte fait déjà débat.
Un texte finalisé « sans concertation préalable » ?
Dans un communiqué intitulé « Accélération des énergies renouvelables : la loi ne doit pas se faire contre les maires », l'association des maires de France (AMF) lui reproche d'avoir finalisé un texte « sans concertation préalable » avec « les premiers concernés par l'implantation de dispositifs de production d'énergies renouvelables ».
Une accusation battue en brèche par le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher auprès de La Tribune : « Dès que nous avons obtenu le ''go'' des autorités, nous avons élaboré un texte en juin-juillet avant une concertation en août-septembre avec les associations concernées ».
« Il y a peut-être eu des contacts entre les services, mais les élus n'ont pas été invités à négocier sur le sujet. Ce n'est pas parce que des administratifs se rencontrent qu'il y a concertation », réplique André Laignel, premier vice-président délégué (PS) de l'AMF.
Le ministère de la Transition énergétique évoque, au contraire, des « échanges nourris » entre Agnès Pannier-Runacher et les associations d'élus « pour bien partager les enjeux ».
Vers une redistribution de la valeur des énergies renouvelables ?
Il n'empêche : les maires considèrent que l'article 5 de la loi autorisera l'Etat à « imposer » des projets dans leur plans locaux d'urbanisme (PLU), portant « atteinte » à leur économie générale.
« Il serait inacceptable que l'Etat puissent déroger à des documents d'urbanisme qui demandent trois ans de travail ! », s'exclame l'édile André Laignel.
« Nous avons fait le choix de ne pas mettre cet article 5 dans le texte », rétorque-t-on dans l'entourage de la ministre de la Transition énergétique.
Dans le même esprit, « nous avons veillé à prévoir des dispositifs veillant à redistribuer la valeur des énergies renouvelables dans un contexte où les collectivités ont du mal à payer leurs factures d'énergie », poursuit-on chez Agnès Pannier-Runacher.
Cela existe déjà, s'agace l'édile André Laignel. Chaque année, l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER), taxe dont s'acquittent notamment les entreprises dans le secteur de l'énergie, rapporte « quelques centaines de millions d'euros » à sa communauté de communes du pays d'Issoudun (Indre, 12 communes, 20.000 habitants).
Un différend sur la « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols
En réalité, le principal différend porte sur l'artificialisation des sols. Dans le cadre de la loi « Climat & Résilience », le gouvernement a légiféré pour que d'ici à 2032, la consommation totale des espaces à l'échelle nationale ait diminué de moitié, avant d'atteindre la « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols en 2050.
La réduction doit se faire à l'échelle régionale puis au local. Sauf qu'entre la théorie et la pratique, l'association des maires de France (AMF) considère qu'il leur revient de « pouvoir décider des énergies renouvelables qu'il convient de développer sur leur commune et de leur emplacement ».
« Il n'y aura pas d'impact sur les communes. Nous mettrons les énergies renouvelables là où nous n'artificialiserons pas », affirme-t-on, en retour, au ministère de la Transition énergétique.
« Par exemple, les panneaux photovoltaïques seront concentrés sur des ombrières et des délaissés autoroutiers », ajoute-t-on.
« C'est une recentralisation de plus alors que nous ne sommes pas des adversaires des énergies renouvelables », insiste le socialiste André Laignel.
Le débat risque d'être animé au Parlement
Toujours est-il que l'examen du texte risque d'être animé au Parlement, et notamment au Sénat. Dès juin, l'élu (Les Républicains) du Vaucluse, Jean-Baptiste Blanc, a publié un rapport de contrôle budgétaire sur les outils financiers en vue d'atteindre la « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols en 2050, plaidant pour la définition d'un modèle économique en ce sens.
Une piste qui pourrait être reprise, ne serait-ce que dans la loi d'accélération des énergies renouvelables ou même dans le projet de loi de finances 2023.
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