JO : le changement climatique, un défi pour les athlètes ?

Le réchauffement de la planète menace la santé, voire la vie des sportifs, souligne une étude d'une ONG brésilienne. Il implique aussi une coûteuse réorganisation du monde du sport.
Giulietta Gamberini
La pelouse complètement asséchée d'un golf en Espagne, photographiée en 2005.

Certes, depuis la nuit des temps les humains tentent de dépasser les limites que leur impose la nature, quête incarnée par les jeux olympiques. Mais quand la nature est elle-même faussée par les humains, le jeu peut devenir trop dangereux. L'alerte a été lancée cette semaine par une ONG brésilienne, Observatorio do Clima, qui a coordonné une étude (Further Away from Podium - How Climate Change Affects Sports in Brazil) à propos des effets du changement climatique sur la pratique sportive, issue de l'analyse de données de nombre de recherches médicales mondiales et d'interviews de médecins, entraîneurs et athlètes.

Deux minutes de moins pour 5°C de plus

Il en ressort que non seulement la chaleur affecte la performance des athlètes, notamment pour les sports d'endurance comme le football, le marathon, le tennis etc., en réduisant ainsi les chances qu'ils dépassent des records - chaque augmentation de la température de 10°F (environ 5°C) "coûte" deux minutes lors des marathons, selon le site consacré ClimateNexus. En raison de ses effets sur le corps humain, comparables à ceux d'une grave infection, une chaleur externe excessive met également en danger la santé voire la vie même des athlètes. Une étude publiée aux Etats-Unis en 2012 constatait par ailleurs déjà que parmi les joueurs de football des équipes de lycées, les décès dus à la chaleur ont été multipliés par trois entre 1994 et 2009 par rapport aux quinze années précédentes.

Puisque le volume respiratoire augmente lorsqu'on fait du sport, et de manière encore plus élevée lorsqu'il fait chaud, l'exposition à la pollution augmente par ailleurs aussi: c'est pourquoi à São Paulo, le professeur Luzimar Teixeira, spécialisé en éducation physique adaptée à la santé, a déjà rencontré nombre de jeunes anciens sportifs frappés de problèmes respiratoires comparables à une maladie professionnelle.

Des calendriers revisités

Cet impact de la chaleur sur les sportifs a d'ailleurs pu être testé lors des Jeux paralympiques de Rio, souligne Observatorio do Clima. En février, lors de la marche athlétique, avec une température de 38°C et un taux d'humidité de 41%, 11 participants sur 18 avaient abandonné. Le réchauffement climatique est ainsi, notamment dans les pays tropicaux, un défi "tangible", auquel "le monde du sport doit déjà s'adapter rapidement", souligne le directeur de la communication de l'ONG, Claudio Angelo.

La technologie sportive se penche donc de plus en plus sur la question de l'adaptation thermique des athlètes avant, pendant et après les compétitions. Mais surtout, pour réduire les dégâts des trop fortes températures, les organisateurs modifient de plus en plus souvent les dates des événements. Après l'hospitalisation de quelque 30 participants au marathon de Los Angeles en mars 2015, couru sous 32°C, la compétition s'est tenue l'année suivante pour la première fois en février -afin aussi de permettre aux athlètes de se qualifier pour les Jeux de l'été. Au Brésil, six matches de football programmés à Manaus à 13h, dans le cadre des JO,  ont été reportés à 18h.

De moins en moins de lieux pour héberger les compétitions

Nombre de lieux risquent également d'être progressivement rayés de la carte du sport international en plein air: ce sera finalement le sort de 12 villes brésiliennes, qui subiront d'importantes restrictions entre 2070 et 2099 si les objectifs poursuivis par l'Accord de Paris ne sont pas atteints, selon l'Observatorio do Clima.

Les pays froids sont également concernés. Une étude publiée en janvier 2014 a estimé qu'avant 2050, la moitié des 19 villes ayant jusqu'à présent hébergé des jeux olympiques d'hiver seront probablement trop chaudes pour la pratique de sports alpins; à la fin du siècle, six seulement seront assez froides. En février 2014, à Sochi, la température a d'ailleurs dépassé de 6°C la moyenne de saison, atteignant les 16°C. La sécheresse, les inondations et la montée des eaux sont d'autres fléaux qui impactent aussi le sport, notamment le golf.

Ces adaptations ont des coûts sensibles. A Sochi, 50 milliards de dollars ont été dépensés, dont une partie -  le montant reste inconnu- pour produire des centaines de milliers de mètres cubes de neige artificielle. Aux Etats-Unis, plus de 50% du budget énergétique annuel des stations de ski sert désormais à faire de la neige. Au Canada, où entre 1951 et 2005 la température moyenne a augmenté de 4.5°F (2,5°C), la durée de la saison de hockey a fondu comme peau de chagrin, atteignant une baisse de 20% dans certaines régions. L'entretien des terrains verts devient aussi de plus en plus difficile.

Les athlètes engagés

Conscients de ces enjeux, et inquiets pour l'avenir de leurs disciplines, certains sportifs s'engagent ainsi dans la lutte contre le réchauffement global. Nombre d'entre eux soutiennent notamment une campagne lancée à la veille de l'ouverture des JO de Rio, par le Climate Vulnerable Forum -association de pays particulièrement exposés aux conséquences du réchauffement. Via le slogan "1.5°C: the record we must not break", elle vise à faire connaître l'objectif de l'Accord de Paris (COP21) de limiter le réchauffement climatique à 1.5°C: "Au-delà, le risque est trop élevé", plaident les athlètes.

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 11/08/2016 à 10:03
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Étant donné la compromission et l'avidité de nos décideurs économiques et politiques le combat contre le réchauffement climatique est perdu d'avance. Si ces gens là s’intéressaient effectivement aux humains on le verrait, on le saurait.

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