Climat : le Covid-19 a freiné les financements, déjà faibles, pour l’adaptation

Entre 2017 et 2018, seulement 30 milliards de dollars par an ont été consacrés à l'adaptation au changement climatique: un montant largement inférieur aux besoins. En 2020, à cause de la priorité donnée à la santé et à l'économie, cette somme a baissé, dénonce un rapport publié vendredi.
Giulietta Gamberini
Particulièrement exposés aux conséquences du changement climatique, les pays en voie de développement se retrouvent d'ailleurs aussi particulièrement fragilisés par la crise.
Particulièrement exposés aux conséquences du changement climatique, les pays en voie de développement se retrouvent d'ailleurs aussi particulièrement fragilisés par la crise. (Crédits : MouhammadCISS)

"Investir dans l'atténuation des gaz à effet de serre est sans doute le meilleur investissement en termes d'adaptation au changement climatique. Mais même si les objectifs de l'Accord de Paris étaient respectés, investir aussi dans l'adaptation resterait une nécessité".

C'est ainsi que Patrick V. Verkooijen, PDG du Centre mondial sur l'adaptation (Global Center on Adaptation, GCA), organisation internationale basée aux Pays-Bas, rappelle l'importance de ne pas oublier que la lutte contre le changement climatique implique deux volets : une réduction des émissions des gaz responsables du réchauffement de l'atmosphère, mais aussi l'élaboration de solutions facilitant l'adaptation de la planète à ses conséquences. Bien qu'essentielle, cette deuxième approche reste pourtant encore largement sous-financée, et la pandémie du Covid-19 semble aggraver son oubli, dénonce un rapport du GCA publié vendredi 22 janvier, à la veille d'un grand sommet organisé lundi afin de remettre le sujet sur le devant de la scène.

Peu d'adaptation dans les plans de relance

La crise sanitaire a en effet affaibli les efforts d'adaptation au changement climatique, révèle le State and Trends in Adaptation Report 2020 du GCA, premier d'une série de rapports destinés à recenser les progrès en la matière. En 2020, en raison de la priorité donnée par les gouvernements et les institutions internationales à la protection immédiate de la santé et de l'économie, leur financement a en effet baissé "d'un pourcentage à un chiffre (jusqu'à 10%, ndlr)", rapporte le GCA, en citant une recherche de la Climate Policy Initiative (CPI). Sans compter l'arrêt de nombreux projets en raison des diverses perturbations dues à la pandémie.

Et alors que quelque 20.500 milliards de dollars ont été engagés au niveau mondial pour faire face aux conséquences du Covid-19, moins d'un tiers des programmes nationaux de relance intègrent une évaluation des risques climatiques ou des politiques de résilience, note le GCA. Les mesures qui augmentent les émissions de carbone sont d'ailleurs quatre fois supérieures à celles dites "vertes". Et ces dernières sont surtout axées sur la réduction des émissions.

Pourtant l'adaptation, particulièrement urgente dans les pays en voie de développement, était déjà largement sous-financée, rappelle le GCA. En 2015-2016, 22 milliards de dollars y étaient consacrés en moyenne chaque année, puis 30 milliards en 2017-18 : un chiffre bien inférieur aux 100 milliards annuels auxquels les pays développés s'étaient engagés en 2009, à partir de 2020. Un montant surtout largement insuffisant par rapport aux sommes nécessaires selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement afin de répondre à des risques climatiques qui ne cessent de croître: entre 140 et 300 milliards annuels. Ces financements restent en outre mal tracés, et l'apport su secteur privé reste très limité, à moins de 500 millions annuels entre 2017 et 2018, note le GCA.

"Un ensemble de risques en cascade"

Or, non seulement les liens entre les atteintes à la biodiversité, aggravées par le changement climatique, et les zoonoses, maladies qui comme le Covid se transmettent des animaux aux humains, sont désormais scientifiquement établis. Aussi, les désastres liés au changement climatique (canicules, inondations, incendies, cyclones etc.) n'ont cessé de se manifester en 2020, en compliquant la gestion de la crise sanitaire, les évacuations augmentant le risque de contagion. La société de réassurance Munich Re a estimé leur dégâts à 210 milliards de dollars. Particulièrement exposés aux conséquences du changement climatique, les pays en voie de développement se retrouvent d'ailleurs aussi particulièrement fragilisés par la crise, à cause d'une baisse conjuguée de leurs recettes fiscales et du tourisme, ainsi que de leur capacité d'emprunt sur les marchés des capitaux internationaux.

"Le Covid-19 et les catastrophes climatiques se sont entrecroisés pour créer un ensemble de risques en cascade, soulignant la nature interconnectée de l'impact des chocs systémiques et l'importance de plans coordonnés de redressement de l'adaptation au climat", souligne le rapport.

Le GCA appelle alors à profiter de la crise sanitaire pour investir massivement aussi dans l'adaptation. D'autant plus que les effets économiques positifs des efforts dans ce domaine sont éprouvés. Un rapport de 2019 (Adapt Now) de la Commission mondiale sur l'adaptation a notamment établi que 7.100 milliards de dollars de bénéfices nets pourraient globalement découler de 1.800 milliards d'investissements dans cinq domaines: des systèmes d'alerte précoce, des infrastructure résilientes au changement climatique, l'amélioration de la production agricole des terres arides, la protection mondiale des mangroves et la sécurité de l'eau.

Un appel à l'engagement du secteur privé

Le Climat Adaptation Summit, organisé lundi avec le soutien du gouvernement néerlandais, doit justement servir à accélérer la prise de conscience et les actions face à ces enjeux, afin que la relance économique post-Covid intègre l'adaptation au changement climatique. Des engagements et le lancement de coalitions sont attendus non seulement des quelques dizaines de gouvernements qui seront présents, mais aussi des institutions financières. Le secteur privé est aussi inciter à s'engager: y compris les entreprises, appelées non seulement à réduire les risques climatiques de leurs propres activités, mais aussi à investir dans des projets d'adaptation dans les pays les plus vulnérables.

"Les fonds de pension du monde gèrent 32.000 milliards de dollars d'actifs, ce qui les met dans une position unique afin de faire bouger les choses en matière d'adaptation", souligne encore le GCA, tout en reconnaissant que le développement progressif d'indicateurs partagés permettant de mesurer l'efficacité des actions d'adaptation est essentiel pour soutenir l'engagement du secteur privé.

Afin de faire remonter les initiatives et les solutions engagées sur le terrain, les collectivités locales, et l'ensemble de la société civile, sont aussi associés au sommet, qui durera 24 heures pour pouvoir être suivi à toutes les longitudes. Une déclaration signée par 3.000 scientifiques de plus de 100 pays, dont cinq prix Nobel (Tawakkol Karman, Christopher Pissarides, Brian Schmidt, Joseph Stiglitz, Donna Strickland) est d'ailleurs publiée aujourd'hui à l'initiative du GCA. Elle est accompagnée d'un appel d'un million de jeunes de quelque 115 pays, décidée à prendre aussi leur part dans l'adaptation au changement climatique.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 22/01/2021 à 18:15
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Aucune importance, aucun financement ne pourra jamais sauver le climat.

à écrit le 22/01/2021 à 16:29
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Il ne suffit pas de financer... une lutte permanente pour créer de nouvelles rentes, mais de s'adapter individuellement, ce que la Covid a permit de mettre en lumière!

à écrit le 22/01/2021 à 14:41
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Où quand on commence à se rendre compte que l'argent est plus un problème qu'une solution.

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