« Inviter les gens à être plus raisonnables dans le voyage aérien » n'est sans doute pas une déclaration attendue de la part d'un responsable d'aéroports aussi majeurs que ceux gérés par le groupe ADP. Invité par BFM Business, c'est bien pourtant ce qu'a déclaré son PDG, Augustin de Romanet pendant la phase de transition vers une aviation décarbonée. « Avant que nous ayons - ce qui sera le cas dans 30 ans - des avions propulsés soit à l'électricité, soit à l'hydrogène, soit avec des carburants durables faits à partir d'électricité verte », il faudra faire preuve de modération pour ce qui est du recours à l'avion. « Si demain matin le trafic aérien devait décroître, ce n'est pas une tragédie existentielle pour nous », a-t-il assuré en précisant que la fourniture d'un accueil de qualité était la priorité d'un groupe comme ADP.
Laisser de la place aux pays émergents
Augustin de Romanet dit anticiper « une continuation de l'extraordinaire demande de voyage dans les pays émergents », qui va encore être « très forte », mais « pour les pays qui ont déjà profité de la croissance très forte du trafic aérien, les pays privilégiés comme le nôtre, il n'est pas déraisonnable d'accepter une certaine modération ». Face à la demande croissante de limitation du trafic aérien pour lutter contre le réchauffement climatique, le patron d'ADP ne se mettra « jamais en travers de ceux qui veulent avoir des comportements plus responsables ». Augustin de Romanet a également souligné la prise de conscience qui a frappé l'industrie depuis 2019 avec désormais « des compagnies aériennes qui réclament à cor et à cri aux énergéticiens de la production de carburant aérodurable, ainsi que des méthodes pour faire de l'écopilotage ».
La prise de conscience remonte à bien plus longtemps encore quand, en 2007 par exemple, Giovanni Bisignani, le patron de l'association internationale du transport aérien de l'époque assurait que l'aviation devait viser l'objectif de ne plus émettre d'émissions de CO2 en 2050.
« L'infrastructure de l'avion, c'est l'air, c'est extrêmement vertueux à long terme »
Augustin de Romanet insiste : « Sur le long terme, c'est le transport aérien qui sera le système le moins émetteur de CO2 », a-t-il ajouté. Selon son raisonnement, « l'infrastructure de l'avion, c'est l'air » et si « vous analysez la quantité de CO2 émise pour faire des voies de chemin de fer, du ballast, vous savez que sur le long terme, le transport aérien est extrêmement vertueux ». Une comparaison avec le transport ferroviaire qui ressemble fort à une contre-attaque tant les responsables de la SNCF n'ont de cesse de mettre en valeur leur empreinte carbone par rapport à celle du transport aérien.
On se souvient ainsi que le patron des TGV, Alain Krakovitch, n'a pas hésité à tancer le PSG pour avoir utilisé l'avion pour se rendre à Nantes. Fin 2021, lors d'une audition à l'Assemblée nationale, Jean-Pierre Farandou avait décoché les premières flèches : « Le train n'est pas cher, c'est l'avion qui ne l'est pas assez », répondait-il ainsi aux interrogations des députés sur les prix du TGV, en appelant à plus taxer les compagnies aériennes en fonction de leur impact carbone. En juin, une publicité d'Eurostar avec ce slogan provocateur - « Bien sûr que les compagnies aériennes sont vertes de jalousie) » avait fait bondir les professionnels du transport aérien.
« Raconter nos efforts, donner des preuves de ce que l'on fait » (Transavia)
Lors du dernier Paris Air Forum, organisé par La Tribune, Alain Battisti, alors président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) avait réagi avec véhémence : « Je m'interroge : est-ce de la bêtise ou de la provocation ? Lorsque l'on est dans une situation comme la SNCF, ridiculisée par une concurrence nouvelle sur sa liaison historique, on ferait mieux de s'occuper de jouer avec ses trains électriques plutôt que de s'en prendre à une concurrence qui n'est pas directe ». Nathalie Stubler, patronne de Transavia France, ajoutait : « On fait tout pour réduire nos émissions, notre bruit... Oui le transport aérien va vers la décarbonation et c'est là-dessus qu'il faut intéresser l'opinion publique. Le mieux que nous puissions faire est de raconter nos efforts, donner des preuves de ce que l'on fait. »
(Avec AFP)
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