Eurostar dénigre l’avion vert : les compagnies aériennes tirent à boulets rouges sur la SNCF

La semaine dernière, lors du Paris Air Forum, les dirigeants de plusieurs compagnies aériennes ont fustigé la communication jugée « anti-aérienne » de la SNCF. Alors que le précédent Paris Air Forum avait mis l'accent sur les coopérations entre les deux modes de transport, la rivalité entre le train et l'avion se tend un peu plus.
(Crédits : Reuters)

Pour les dirigeants du secteur aérien français, la coupe est pleine. Une table ronde, organisée mardi 7 juin lors du Paris Air Forum et consacrée à la place du transport aérien dans les territoires français, leur a donné l'occasion de régler allègrement leurs comptes avec la SNCF. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase : une récente campagne de publicité lancée par Eurostar, filiale à 55% de la SNCF. Dans cette dernière, vue notamment dans les pages du Journal du Dimanche, on peut lire : « Bien sûr que les compagnies aériennes sont vertes (de jalousie). Il y a de quoi, lors d'un vol Paris-Londres, votre empreinte carbone équivaut à 14 trajets en Eurostar ». Alors que l'an dernier, l'heure était davantage à la complémentarité entre les deux modes, la publicité a du mal à passer. Et la SNCF en fait les frais.

 « Je m'interroge : est-ce de la bêtise ou de la provocation ? Lorsque l'on est dans une situation comme la SNCF, ridiculisée par une concurrence nouvelle sur sa liaison historique (l'arrivée de Trenitalia sur la ligne TGV Paris-Lyon, ndlr), on ferait mieux de s'occuper de jouer avec ses trains électriques plutôt que de s'en prendre à une concurrence qui n'est pas directe », a déclaré Alain Battisti, à la tête de la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam), pour qui la concurrence entre le train et l'avion sur le territoire nationale est déjà du passé. « On a déjà changé de monde. Nous, nous ne sommes pas contre la SNCF et sommes dans une démarche d'intermodalité, une démarche moderne », lance-t-il aussi. Marc Rochet, à la tête d'Air Caraïbes et de la low-cost long-courrier French Bee, se montre encore plus incisif. « Je n'attends pas de la SNCF de l'humour quand elle a coûté à l'Etat français 16,7 milliards d'euros en 2021, un chiffre qui se répète tous les ans. Quand on coûte autant à la communauté, on attend plus de la rigueur que de l'humour », a-t-il lancé sèchement en reprenant les chiffres de la cour des Comptes. A ces chiffres s'ajoute la reprise par l'Etat de 35 milliards d'euros de dettes de la société ferroviaire.

Une rivalité qui se tend

Le contexte  tend donc encore un peu plus entre les compagnies aériennes et la société ferroviaire, après des mois d'escalade verbale. Il y a un an, lors du Paris Air Forum 2021, Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, discutait avec bienveillance sur la complémentarité des modes de transports avec les dirigeants d'Air France ou d'Aéroports de Paris (ADP).

« La relation avec l'aérien sera toujours ambivalente. Nous sommes en 'coopétition'. Mais cette concurrence est un peu dépassée et il est préférable d'entrer dans une logique de complémentarité. La loi peut certes fixer le curseur de cette complémentarité, mais nous devons travailler avec les acteurs de l'aérien pour la développer.», déclarait-il.

Les choses ont depuis bien changé. Fin 2021, lors d'une audition à l'Assemblée national, Jean-Pierre Farandou a décoché les premières flèches : « Le train n'est pas cher, c'est l'avion qui ne l'est pas assez », avait-il lancé en réponse à des interrogations des députés sur les prix du TGV, en appelant à plus taxer les compagnies aériennes en fonction de leur impact carbone. Les attaques contre l'avion de la part du dirigeant de la SNCF se sont ensuite multipliées dans les médias, accentuées par la mise en place de la loi Climat et résilience, interdisant l'exploitation de lignes aériennes sur des liaisons intérieures dès lors qu'une alternative en train existe en moins de 2h30.

Lire aussi 4 mnLe PDG de la SNCF veut une taxe kérosène sur l'aviation : "le train n'est pas cher, c'est l'avion qui ne l'est pas assez" (Farandou)

 « Les attaques de la SNCF font culpabiliser les clients pour rien puisque le train ne peut pas remplacer l'avion. On l'a vu : sur les lignes domestiques desservies par le train et l'avion, 90% des voyageurs prennent le train. Le report modal a déjà eu lieu en France, continuer de parler de ça, c'est un non-sens », répond de son côté Thomas Juin, président de l'Union des aéroports français (UAF), estimant que « ce n'était pas du niveau d'une entreprise publique française de parler de honte de prendre l'avion ». Et de ne pas se priver de rappeler la dernière opération d'effacement de dette de la SNCF par l'Etat, à hauteur de 10 milliards d'euros en tout début d'année 2022. Une annulation qui survenait après les 25 milliards d'euros de dette déjà effacés en janvier 2020, en accord avec Bruxelles.

« Il n'y a pas de transport écologique »

 Dans le même temps, « sans être aidé », « l'aérien reste un bouc-émissaire, en permanence dans le collimateur et soumis à des contraintes toujours plus fortes », juge de son côté Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair, évoquant les projets de taxes kérosène. Ce dernier, qui s'interroge sur « le bilan écologique biaisé de la Sncf », n'hésite pas non plus à qualifier la compagnie ferroviaire de « diva » et de « vache sacrée que l'on n'attaque pas ». « Il n'y a pas de transport écologique aujourd'hui dans le monde, cela n'existe pas. La SNCF essaie de faire diversion en se présentant comme le chevalier blanc de l'écologie, ce n'est pas vrai ! », ajoute Thomas Juin. Interrogée sur ces attaques, la direction de la SNCF n'a pas donné suite à nos demandes.

 « Oui, l'avion utilise encore du carburant, oui on émet encore du CO2 », reconnaît enfin Nathalie Stubler, à la tête de Transavia France, préférant éviter la polémique en arguant de la transformation du secteur aérien. « On fait tout pour réduire nos émissions, notre bruit... Oui le transport aérien va vers la décarbonation et c'est là dessus qu'il faut intéresser l'opinion publique. Le mieux que nous puissions faire est de raconter nos efforts, donner des preuves de ce que l'on fait : renouvellement des flottes

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Commentaires 7
à écrit le 13/06/2022 à 16:31
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Un avion ne sera jamais vert, sauf à rester garé sagement à l'aérogare - Même avec du biocarburant, aussi vert qu'on le voudra, il y aura combustion, production de CO2, plus tous les autres rejets

à écrit le 13/06/2022 à 13:55
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Le chemin de fer est né bien avant l'avion, et lui survivra sans nul doute...

le 13/06/2022 à 14:37
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Pour aller en Australie par le bateau ça va être long, il faudra anticiper. :-) Pour aller en Suède, je préfère prendre le bateau à Travemünde -> Malmö que faire la route en voiture via le Danemark, ça me repose de la route même si ça fait "perdre" u...

à écrit le 13/06/2022 à 10:57
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L'avion vert, ça n'existe pas. Voler n'est pas une chose naturelle pour l'homme

le 13/06/2022 à 11:50
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Et rouler à 300 km/h ? C'est naturel ?

le 13/06/2022 à 14:32
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Vert = naturel ? Je mange de la cigüe, c'est une boisson naturelle (mortelle) ? Un moteur électrique (ou à vapeur dans le passé) de train, c'est "naturel" ? Au sol, on a la marche, de naturel, ou à dos de cheval, mais une charrette, c'est déjà pas na...

le 13/06/2022 à 20:43
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Il n'y a pas grand chose dans notre mode de vie qui soit " une chose naturelle". Filer la campagne en train, sous terre dans un métro, sur la route dans une voiture n'a rien de naturel non plus. Ni utiliser un GPS en liaison avec un satellite. Si la ...

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